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Date :: 23/3/2012 12:00:02 (Mettre à jour)
Le directeur de la police générale de la préfecture de police de Paris n'était pas du clan. Il a osé dire la vérité sur la politique d'immigration. Son éviction lui a été signifiée par téléphone...

Yannick Blanc, le directeur de la police générale de la Préfecture de police de Paris (DPGPP), a appris à la fin de la semaine dernière qu'un décret présidentiel mettait fin brutalement à ses fonctions, dans des conditions inédites pour un haut fonctionnaire de son rang. Yannick Blanc paye, avec retard, un crime de lèse-Sarkozy qui date de l'été 2006 : alors que le ministère avait évoqué quelques centaines de régularisations, son interview, mise à la une du Monde , en prévoyait des milliers. Une déclaration qui avait provoqué la colère de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur. Dix-huit mois plus tard, ceux qui le servent, et en premier lieu Michel Gaudin, le préfet de police de Paris, ont jugé que l'heure de la vengeance du Maître avait sonné. Yannick Blanc sera donc affecté à l'Inspection générale de l'administration, une sorte de goulag administratif pour hauts fonctionnaires non sarkozystes. Entre juillet 2006 et aujourd'hui, il y a eu dix-huit mois de coups tordus pour parvenir à une éviction qui finit d'homogénéiser la hiérarchie de la police. Désormais, celle-ci est totalement acquise au nouveau régime.
Les préfets appelés à faire du chiffre
Tout a donc commencé par une polémique sur les chiffres, ce « signifiant-maître », comme diraient les lacaniens, de la politique sarkozyste : le directeur général de la Préfecture de Paris avait dit tout haut ce que chacun sait dans l'administration, à savoir que la rhétorique volontariste sur les reconduites aux frontières se heurte à la fois à la législation européenne, qui permet et favorise la circulation des étrangers, et aux passe-droits (4000 par an à Paris tout de même) des gouvernants, qui servent aussi à contenir la contestation des associations sans-papiéristes et à complaire aux demandes des politiques et de la jet-set qui veulent régulariser leurs domestiques. A l'été 2006, la circulaire du 13 juillet 2006 qui ouvrait aux préfectures une nouvelle latitude permettant d'instruire avec souplesse les dossiers concernant les parents étrangers d'enfants scolarisés. Au lieu de se taire, en annonçant que plusieurs milliers de régularisations allaient survenir à la suite de cette circulaire, Yannick Blanc montrait les contradictions de la politique d'immigration. Gérant, entre autres, le service des « affaires réservées », il était bien placé pour savoir que les ministres et les hommes politiques, si vindicatifs sur les reconduites aux frontières, ne sont pas les derniers à exiger des faveurs concernant leurs femmes de ménage ou pour celles de leurs amis, people ou pas.
l'immigration, un maquis législatif
Yannick Blanc n'a rien d'un « sans-papiériste ». Mais l'affichage rhétorique, aux accents plus ou moins musclés selon les périodes et les ministres, n'y change rien : la volonté de maîtriser les flux migratoires ne saurait faire oublier que l'administration use de son pouvoir discrétionnaire pour déroger au maquis législatif effrayant qu'est devenu notre droit des étrangers, soumis à un interventionnisme boulimique du législateur.

Cette frénésie n'a d'égale que la complexité du dossier de l'immigration. Il est parfaitement légitime que l'État fixe des limites aux flux migratoires pour préserver une politique d'intégration cohérente ainsi qu'un certain niveau de rémunération du travail. Il n'en reste pas moins vrai que l'action de l'État se heurte aux réalités de l'Union européenne (liberté de circulation, effacement des frontières intérieures) ainsi qu'à la structure et aux besoins des marchés du travail.
Si bien que le principal obstacle au volontarisme affiché par le gouvernement en matière d'immigration réside dans l'Etat de droit lui-même, qui permet aux étrangers en situation irrégulière de contester devant le Tribunal administratif un Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Sait-on que même en centre de rétention, le Juge des libertés peut annuler l'exécution d'une mesure de reconduite et que 40% des procédures de reconduite ont été ainsi annulées en 2007 ?
Comment dès lors dépasser le simple stade de la posture volontariste ? Tel est peut-être le sens de l'inflexion donnée récemment par le législateur en autorisant au cas par cas les préfectures et les directions départementales (DDTE) à régulariser une immigration dite de travail afin de répondre à des besoins segmentés (une liste des métiers ouverts à cette régularisation est annexée à la loi). La remise du rapport Attali risque d'ailleurs de relancer ce débat et de provoquer une certaine gêne dans les rangs de la majorité.
Une micro-bulle médiatique
En réalité, le ministère n'avait aucune charge professionnelle réelle contre le travail du directeur général. Il restait les coups tordus. Yannick Blanc ne payait donc rien pour attendre. Il allait être mouillé à l'instruction d'une affaire crapuleuse de façon à faciliter son éviction.
A la suite d'une instruction judiciaire, plusieurs agents du service des affaires réservées (celui-la même qui gère la partie dérogatoire de l'activité de la Préfecture de Police en matière de droit des étrangers) allaient être placés en garde à vue et certains mis en examen. Présomption de trafic de titres de séjour, présomption de corruption ont alimenté ainsi une micro-bulle médiatique aboutissant à égratigner Blanc, puisque, innovation suprême à la Préfecture de Police, il fut entendu lui-même et placé pendant 48 heures en garde à vue dans les locaux de l'Inspection Générale des Services, sans qu'aucune poursuite judiciaire ne soit finalement lancée contre lui par le magistrat instructeur.
Mais, comme Marianne l'avait écrit à l'époque (« Comment la jet-set régularise ses femmes de ménage »), débarquer Blanc eût été impensable en 2006 : la Préfecture de Police était à l'époque tenue par Pierre Mutz, qui avait été choisi par Jacques Chirac pour faire échec à la nomination de Claude Guéant, alors directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, qui guignait le poste. Le résultat de cette nomination est connue : elle aboutit à faire de Claude Guéant, grand préfet de la République éconduit, haut fonctionnaire loyal, un personnage central du dispositif de Nicolas Sarkozy.
Bruyamment médiatisée, la garde à vue de Yannick Blanc permettait de brosser un portrait de l'infortuné haut fonctionnaire, suspecté d'avoir cautionné certaines dérives, légèreté évidemment explicable par un tempérament laxiste caractérisé par une trop grande perméabilité au chantage des associations, doublée d'une mauvaise gestion interne. En tout état de cause, après 48 heures de garde à vue, la position de ce haut fonctionnaire était affaiblie, et la radio-moquette de la préfecture le jugeait déjà « inadapté au poste ». Pire, il était supposé manquer d'ardeur pour satisfaire aux exigences de Brice Hortefeux en matière de reconduite. L'arrivée de Michel Gaudin à la Préfecture de Police, héritant du cas Blanc, érigé pour l'occasion en vilain mouton noir, ne pouvait que précipiter sa deuxième mise à mort administrative. Cette fois sous la forme d'un décret présidentiel mettant sèchement fin à ses fonctions.
Un bilan 2007 calamiteux
Complot sarkozyste ? Le Président ne s'est sans doute pas directement occupé du cas Blanc. Mais on peut soupçonner le zèle, le cynisme et la brutalité des nouveaux affidés, soucieux de devancer le désir du Prince. Sur ordre du préfet Michel Gaudin, Yannick Blanc a appris sa disgrâce par un coup de fil. Au nom du fameux principe de gouvernance sakozyste : « Qui n'est pas avec moi est contre moi. » Quelques heures plus tard, il faisait ses cartons.
Blanc parti, nul doute que le chiffre va devenir l'horizon indépassable de la politique de l'immigration. Le pari de Brice Hortefeux, est, à ce niveau, risqué : alors que l'objectif de la Préfecture de police était de 3680 reconduites, seules 2800 ont été effectives en 2007, et parmi elles, un bon millier de reconduites de gitans dont on sait pas avance qu'ils reviendront au pays. Au passage, pour « aider » le préfet à « faire son chiffre », Patrick Stéphanini, secrétaire général du Comité interministériel de contrôle de l'immigration, avait doublé la prime financière accordé à l'immigré quittant la France. Voilà comment on a aidé ces Roumains à «prendre quelques vacances au pays», comme on en plaisante à la préfecture, pendant que le bon peuple croit sincèrement, aidé en cela par les gesticulations des associations de défense de sans-papiers, que le gouvernement a musclé sa politique d'immigration.
Pour s’offrir les Echos, Bernard Arnault s’était engagé à céder La Tribune. Trois mois après, la transaction n’a toujours pas eu lieu. LVMH est en situation de monopole et La Tribune navigue à vue.

Le 24 décembre dernier, Bernard Arnault devenait officiellement propriétaire des Echos pour la rondelette somme, officiellement, de 240 millions d'euros.
D'ores et déjà propriétaire de La Tribune, le patron de LVMH devait se soumettre à trois engagements afin d'assurer qu'une concurrence efficace soit préservée après l'opération sur les marchés de la presse quotidienne économique et financière.
La principale consistait à céder le quotidien La Tribune , le site Internet latribune.fr et l'ensemble des actifs nécessaires à leur fonctionnement. Si un accord avec la holding personnelle d'Alain Weill, News participations a été signé dès le 21 décembre, la DGCCRF devait délivrer un agrément à Alain Weill pour le rachat du quotidien économique ou nommer un mandataire chargé d'instruire l'agrément.
« Un grand brainstorming »
A ce jour, aucun agrément n'a été délivré et, de fait, LVMH est encore propriétaire des deux quotidiens économiques du pays. Une situation incongrue et non conforme aux règles de la concurrence, qui inquiète de plus en plus les salariés de La Tribune, qui n'en peuvent plus d'attendre : « Nous ne sommes en rien tenus informés de l'avancement du projet. Alain Weill ne s'adresse jamais à nous. La direction de la rédaction est inexistante et nous ne savons pas quel journal nous devons faire » témoigne Marie-Caroline Lopez, secrétaire du Comité d'Entreprise du journal.
Effectivement, encore ces jours-ci, Alain Weill accordait un entretien au site nouvelobs.com pour expliciter ses projets, relativement flous, si ce n'est qu'il faudra innover : « Il va falloir trouver un positionnement original. A chaque fois, nous arrivons dans un secteur où l'innovation est récompensée. (…) Il faudra, dans les trois mois qui viennent, travailler sur des pistes pour innover, pour apporter quelque chose de nouveau à la presse quotidienne économique. Nous avons des idées. Nous allons faire un grand brainstorming avec la nouvelle équipe et cela nous conduira vers la nouvelle formule. J'ai annoncé la nouvelle formule pour le deuxième trimestre 2008. Je ne sais pas encore si ce sera au début ou à la fin de l'été ».
« Faire de La Tribune un concurrent des Echos »
Seule chose avérée, c'est qu'Alain Weill ne sera pas propriétaire du quotidien avant le 15 février 2008. De même, la nomination à la tête du journal de Valérie Decamp, ancienne PDG du quotidien gratuit Metro semble acquise. L'incertitude concerne la ligne éditoriale et la nouvelle formule du titre. D'aucuns évoquent, notamment dans les couloirs de l'immeuble du groupe, place Balard, un quotidien économique low-cost. Difficile de dire si les propos d'Alain Weill vont dans ce sens : « Nous récupérons La Tribune avec 43 millions d'euros dans les caisses. Pour la gestion du journal, l'amélioration des recettes, nous devons prendre des mesures claires et adaptées à la situation économique. Quand on relancera La Tribune, on présentera notre version papier comme un élément moderne, pas comme un boulet qu'il faut tirer tout en développant Internet. Ceux qui pensent cela ne réussiront, à mon avis, ni sur Internet ni dans la presse. Je crois que personne n'a de doute sur le fait que nous serons un véritable concurrent pour Les Echos » confiait-t-il encore au site nouvelobs.com
Avec trois projets TNT déclarés dans les domaines de l'info, du sport et du business, Alain Weill ne cache pas son souci de faire jouer à plein les synergies potentielles de ses différents investissements dans le domaine des médias sans préciser jusqu'à quel point. Sa chaîne Business 24/7 devrait être conçue avec la rédaction du quotidien La Tribune.
Certains salariés du groupe évoquent le projet, plus ambitieux mais beaucoup plus « coûteux » socialement, d'une véritable agence de presse multimédia. En attendant de savoir à quelle sauce ils seront mangés, les salariés de La Tribune conscients, par ailleurs, de la situation économique difficile de leur titre, prennent leur mal en patience.
Pour l'instant, ni Bercy, ni la DGCCRF ne semblent s'inquiéter de ce flou artistico-économico-juridique qui outre d'aboutir à un phénomène inédit jusque-là de concentration stratégique de pouvoirs, se devait provisoire et semble bien parti pour durer.
Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris, journaliste et écrivain.

Boris Cyrulnik participait à la Commission Attali, dont le rapport va être remis aujourd'hui au Président de la République. Il est l'un des promoteurs du concept de « résilience » en France, concept qui traduit une capacité à réagir, à rebondir, à faire preuve d'élasticité et de souplesse, même dans un environnement délétère. Etre résilient, c'est avoir du ressort face aux chocs de l'existence. Bien. Or, il se trouve que la résilience, c'est tout simplement le marché des libéraux. La Bourse est en train de baisser ? Ne vous inquiétez pas, tôt ou tard, elle remontera, résilience ! La mondialisation crée du chômage près de chez vous ? Ne vous inquiétez pas, tôt ou tard, vous retrouverez un emploi. La résilience concerne particulièrement les salariés, auxquels le rapport Attali ne veut plus imposer de durée légale du travail, ni d'âge de la retraite. Laissez faire le marché, et tôt ou tard, ça s'arrangera. Il se peut que « tôt ou tard » vous soyez un petit peu mort, donc que vous n'ayiez pas vu les choses s'améliorer, mais c'est pas grave. En fait, la résilience, c'est tout simplement la tendance naturelle du marché à aller à l'équilibre.Mais quand vous laissez une voiture descendre la pente, sans freiner, souvent elle s'applatit contre un arbre.
Il y a tout de même du volontarisme dans le rapport Attali : favoriser la généralisation d'Internet haut débit ; créer au moins dix Ecopolis de 50000 habitants, villes mariant les nouvelles technologies et l'écologie. Je suppose qu'Attali et la commission iront habiter dans ces écopolis, avec les architectes qui les auront construites. Mais il y a un petit côté « utopie » , « phalanstère » dans cette idée des écopolis. Car l'utopie est encore une vieille idée libérale. Jean-Baptiste Say, le père du libéralisme français, a eu cette phrase d'une intelligence rare : « Les ressources naturelles sont inépuisables ». Il avait décrit un système idéal dans une ville idéale. A propos de ressources naturelles inépuisables, le président veut supprimer les quotas de pêche, certains quotas, et profiter de la présidence européenne de la France pour agir. Mais il est à craindre que le laissez faire ne conduise à la disparition des poissons, ou des pêcheurs, et plus probablement des deux.
La phrase du jour
Frédéric Denhez, journaliste spécialiste de l'environnement : « Si la nature disparaissait, nous ne saurions pas par quoi la remplacer. » (dans Libération)
Retrouvez « L'autre économie » de Bernard Maris, en direct sur France Inter, du lundi au vendredi à 6h49.
Le « talent » de l'un de ses traders a fait perdre à la Société Générale cinq milliards d'euros. Mais rassurez-vous, la banque va bien : les petits usagers paient les pots cassés.
Cinq milliards d'euros, bon sang de bois. Plus de 7 milliards de dollars. L'équivalent du chiffre d'affaires annuel de Pernod-Ricard ou d'Accor. Y'a pas à dire, ce type est un génie. Jugez plutôt : un trader de la Société Générale arrive à paumer cinq milliards en loucedé sur les marchés financiers, dans la deuxième banque française, sans se faire prendre. Déjà, ça vous pose le bonhomme.
Mais quand le type en question y parvient avec des produits financiers parmi les plus réglementés et surveillés– les «Plain Vanillas», et au sein d'une banque dont les produits dérivés sont justement la spécialité, là, on touche au mythe. D'autant que selon des sources syndicales, le trader en question ne s'est pas enrichi personnellement, se contentant de couler sa boîte…
Une fraude de ce niveau-là, c'est du domaine de l'inédit. En 1995, un trader anglais, Nick Leeson, avait mené à la ruine la Barings, respectable établissement bancaire britannique vieux de plus de 200 ans, avec des prises de positions qui avaient coûté 1,3 milliard de dollars à son employeur, suite, notamment, à des paris foireux sur la bourse japonaise. Pour faire simple, il s'était fait niquer par le Nikkei. Et en avait même fait un best-seller. Du pipi de chat à côté du coup du trader fou de la Société Générale, qui, avec 7,5 milliards de dollars envolés, fait cinq fois mieux.
Une réputation de sérieux à reconstruire
Résumons l'histoire : Max –appelons Max ce sympathique trentenaire actuellement introuvable, aux dires même du PDG de la Sogé ce matin- est un trader de la Société Générale, où il est entré en 2000. Max est spécialisé dans les «futures», des produits financiers complexes qui permettent de spéculer sur l'évolution d'un indice boursier, du cours de matières premières etc. Il connaît bien la banque et ses procédures de contrôle, pour avoir un temps été chargé de leur mise en place. Ce qui lui a permis de masquer pendant de longs mois les pertes énormes qui s'accumulent.
La Société Générale a beau être le leader mondial des produits dérivés, avec des crânes d'œuf mathématiciens aux quatre coins du monde, elle ne va rien voir passer. En tout cas, c'est ce que Bouton assure dans sa lettre publique. Un aveu assez hallucinant, qui a valu au PDG de présenter sa démission au conseil d'administration de la banque, qui s'est empressé de la refuser. Bouton et son directeur général Philippe Citerne se sont engagés ce matin à renoncer à tout salaire pendant au moins six mois. Histoire d'expier leur faute et de sauver ce qui peut l'être de la réputation de sérieux de la SG.
La banque de détail à la rescousse des golden boys
Le pire dans cette affaire, c'est que malgré cinq milliards d'euros de fraude et deux milliards de pertes, dûes aux dépréciations d'actifs liées à la crise des subprimes, la Sogé affiche quand même un résultat net positif. Et tout ça grâce à quoi ? Grâce aux bons vieux péquins, clients de la banque de détail, qui paient au prix fort leurs découverts passagers et leurs retraits aux guichets des banques concurrentes.
La chair à canon financière qui sauve les rentiers et autres golden boys… Le discours fait un peu poujado, mais le parallèle est saisissant. De quoi méditer sur la légitimité d'un système financier qui peut perdre 5 milliards d'euros comme une vulgaire pièce de cinq centimes. Bon sang, j'espère que Max n'a pas touché à mon compte…
Ce billet a initialement été publié sur le blog Sobiz
Quatre des cinq grands syndicats ont signé un accord sur la « modernisation du code du travail » taillé pour le Medef. Avaient-ils la conscience tranquille ? Ou l’ombre de l’UIMM et de la réforme de la représentativité syndicale les a-t-elle convaincus ?
Champagne ! Lundi matin, au siège du Medef, les représentants de la CFDT, de FO, de la CFTC et de la CGC ont apposé leur signature au bas de l'accord sur la modernisation du marché du travail. Avec joie. Quatre des cinq principaux syndicats de France – seule la CGT (voir notre vidéo) a refusé de signer – voudraient ainsi faire croire à leurs adhérents que cet accord est très positif pour eux. Le sourire de Laurence Parisot est pourtant rarement annonciateur d'une amélioration des conditions de travail des salariés. Or, elle affichait une mine plus que réjouie lorsqu'elle a commenté : « Les partenaires sociaux peuvent être une force de proposition et, au-delà, acteurs eux-mêmes de la transformations. »
Et quelle transformation ! La patronne du Medef a certes donné du mou sur quelques points : une fois licenciés, les ex-salariés pourront désormais exercer leur droit à la formation et profiter durant trois mois minimum de la couverture de la mutuelle de l'entreprise. Des concessions qui ne pèsent vraiment pas lourd face à ce qu'ont accepté les syndicats. Certes, ils avaient le revolver social braqué sur la tempe : « C'est ça ou je vous exploser le code du travail », avait menacé en substance Sarkozy. Mais tout de même : devaient-ils dire oui à ce « CDD à terme incertain » (dont le nom seul fait frémir), entouré d'un flou qui pourrait en faire un substitut idéal au CDI ? Fallait-il accepter ces périodes d'essai renouvelables jusqu'à 8 mois ? Et que dire des nouvelles conditions de rupture de contrat, qui risquent d'échapper à la justice des prud'hommes, et des licenciements avec dommages et intérêts « plafonnés », qui instaurent un « forfait limogeage » pour les patrons ? L'ampleur de la débandade risque bien de confirmer la prééminence d'un Xavier Bertrand mué en super DRH de la France.

Mauvaise conscience, quand tu nous tiens !
On est donc fondé à se demander si les syndicats n'auraient pas obtenu des contreparties d'un autre type que la verroterie sus citée… Car, maintenant que cet accord est signé, un autre gros dossier attend les partenaires sociaux : celui de la représentativité syndicale. Ce jeudi 24 janvier, dès 9h30, le siège du Medef sera le lieu d'âpres discussions puisqu'elles détermineront rien de moins que le poids futur des organismes syndicaux dans les négociations entre salariés et patrons. Voilà un levier qui aurait pu être bien utile pour obtenir l'accord d'organismes réfractaires à une réforme du code du travail trop favorable aux patrons. Avec la promesse d'un plus grand poids dans les discussions à venir, certains secrétaires nationaux ont pu se dire qu'ils « rattraperaient le coup plus tard ».
Rappelons aussi que l'affaire de l'UIMM, qui a mis en évidence l'existence d'une caisse noire de 600 millions d'euros censée aider à « fluidifier » le dialogue social, selon les termes de son ex-président, Denis Gautier-Sauvagnac, est tombée à pic au début de la négociation sur la modernisation du marché du travail. Qui sait ? Les organisations syndicales signataires n'ont peut-être pas intérêt à rentrer dans un conflit trop dur avec un Medef qui pouvait malencontreusement lâcher un ou deux noms…
Mais on fait du mauvais esprit alors que, si ça se trouve, la réalité est beaucoup plus simple : les syndicats considèrent sincèrement que cet accord est un progrès. Ce qui a le mérite de résumer le problème à ces deux options : ou bien les syndicats sont vendus, ou bien ils sont acquis. Subtil, non ?
Objectif du chef de la diplomatie française : officialiser la normalisation des relations entre la France et la dictature rwandaise. Sans aucun débat.

On se souvient que le Rwanda avait rompu, à la fin de l'automne 2006, ses relations diplomatiques avec la France lors de la publication du rapport du juge Bruguière lequel avait conclu à la responsabilité de l'actuel chef de l'Etat rwandais dans l'attentat perpétré contre son prédécesseur Juvénal Habyarimana en avril 1994. L'attentat avait joué un rôle primordial dans le déclenchement de la guerre civile génocidaire dans le pays. Son enquête a abouti à la délivrance de neuf mandats d'arrêt internationaux contre des proches du président Kagame, mandats qui n'ont pas pu être mis à exécution.
En riposte à Bruguière, les autorités rwandaises ont initié une vaste enquête tendant à démontrer la responsabilité de l'armée française dans la tentative génocidaire contre les Tutsis, par son soutien aux milices hutus. La justice du Rwanda, dictature avérée, a publié en 2006 une liste de 93 ressortissants partis du Rwanda qu'elle suspecte de génocide, liste transmise à Interpol et au Tribunal pénal international sur le Rwanda (TPIR). Sur cette liste, neuf personnes vivent en France.
« On discute avec tout le monde »
La question rwandaise divise profondément la diplomatie française. La hiérarchie militaire, et un certain nombre d'hommes politiques en activité au moment du génocide – Alain Juppé, Édouard Balladur, Hubert Védrine – sont convaincus de la pertinence du rapport Bruguière. Ils demeurent méfiants à l'égard d'un régime suspecté d'utiliser à des fins politiques et financières la conscience anti-colonialiste et anti-génocidaire (Kagame exige de la France, et de la France seule, qu'elle fasse repentance).
Mais le chef actuel de la diplomatie française est favorable à une réconciliation avec la dictature rwandaise. Il a récemment trouvé dans la logique sarkozyste « anti-tabou » – « On discute avec tout le monde » – matière à confirmer sa campagne insistante pour normaliser les relations entre la France et le Rwanda.
Avant même le voyage de Bernard Kouchner à Kigali, un geste « de bonne volonté » envers le régime de Kagame a été fait avec l'arrestation de trois Rwandais suspectés de génocide et présents sur le sol français. L'arrestation, le 10 janvier dernier, de Marcel Bivugabagabo, l'une des neuf personnes vivant en France qui figurent sur la liste noire établie par la justice rwandaise, semblait confirmer ce tournant implicite, en tout cas jamais exposé, de la diplomatie française. Cet ancien militaire se défend de toute participation au génocide. Le Rwanda exige à présent son extradition, ce qui ne laisse pas d'inquiéter tous ceux qui doutent de l'impartialité d'une justice rwandaise aux ordres.
Le voyage de Bernard Kouchner n'est pas officialisé par le Quai d'Orsay, qui confirme pourtant un voyage dans plusieurs contrées africaines du ministre des Affaires étrangères.
Avec i>Télé, la chronique de Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction de Marianne.

On ne pouvait attendre de parlementaires grognons qu'ils applaudissent au rapport Attali. Mais ils l'ont déchiré… Particulièrement les élus de la majorité, exaspérés d'être trop mésestimés. Les godillots ont godillé, les escarpins escarpiné et les caves se sont déchaînés. Ils ont saisi cette occasion de manifester leur profond mécontentement. « Le songe d'Attali ne passera pas l'hiver ». « Les experts, ils se sont trompés avec une régularité d'experts ». « Nos bibliothèques sont pleines de textes très intelligents ». « Ce rapport sera livré à la critique incisive et rongeuse des souris… » « C'est une boîte à outils, rien de plus ». Ainsi Attali et ses 43 penseurs étaient traités comme des vulgaires ouvriers de maintenance qu'on congédiait avant de passer aux choses sérieuses. La loi, c'est eux !
La cause est entendue. Ce sont les présidents de commission parlementaire et donc le Parlement qui va malaxer, couper, reprendre ou pas ces « propositions ». Car personne ne parle de « décisions » contrairement au terme qui figure sur la couverture du rapport. Pas plus qu'on ne considère que l'ensemble constitue « un tout, à prendre ou à laisser ». Cette prétention attalienne les insupporte. « Ce n'est pas Attali ou le chaos ». « Il n'est pas le penseur magique de la pensée unique », affirmait-on avant d'ajouter qu'on allait se débarrasser vite fait d'un certain nombre de propositions gênantes électoralement, comme la libéralisation de l'installation des grandes surfaces au détriment du petit commerce ou la suppression du numerus clausus de certaines professions comme coiffeur et chauffeur de taxi, lesquels sont déjà en campagne si j'en crois celui qui m'accueillit au cri de « Sarkozy enculé »… Un langage qu'on qualifiait autrefois de chartier et qui, en campagne électorale, peut faire des dégâts. En tout cas, l'engagement personnel de Sarkozy n'aura pas suffi à contenir l'ire de ces parlementaires. Pas plus que le retrait de propositions comme la suppression des départements qui hérissaient les élus. Ceux-là ne se satisfont pas davantage de l'argument d'ouverture, la fameuse prise à l'ennemi. Attali, le mitterrandiste, auteur du fameux programme commun de la gauche travaillant pour le roi de France, Sarkozy, ça a pourtant de l'allure. Mais les députés de droite en ont ras-le-bol de l'ouverture… à gauche. Et assez de l'expertise le plus souvent de gauche aussi. Mission par ci, mission par là, et les parlementaires dans tout ça ? Ah, s'ils faisaient leur travail. S'ils ne se contentaient pas de soutenir le chef en attendant une éventuelle promotion ministérielle et en se contentant d'œuvrer à leur éventuelle réélection, ils n'auraient pas laissé tant d'espace aux technocrates.
Le politique s'étiole, se meurt, d'abord de sa propre servitude volontaire. Les élus n'en prennent publiquement ombrage, on le remarquera, qu'à partir du moment où le monarque est affaibli, quand ils doutent que celui-ci puisse les emmener à la victoire des municipales. Lorsque Sarkozy était au zénith des sondages, ces excellences ne grognenaient qu'à bouche fermée. Demain, si les municipales tournent mal pour la droite, alors là, on pourra les entendre vraiment. Alors, ils mèneront l'offensive, d'abord contre la « République des experts d'ouverture », comme le dit Claude Goasguen, mais aussi contre les ministres qui ne sont pas de leur camp mais enfin contre ces conseillers élyséens de l'ombre qui s'arrogent une puissance indue. Tout le pouvoir au peuple, tout le pouvoir aux élus du peuple plutôt. Elus qui sont sur une ligne beaucoup plus conservatrice que l'Elysée. Cette révolte-là, les proches de Sarkozy s'y attendent en pensant à l'offensive qu'avait dû subir Giscard et son modernisme, Giscard et son ouverture à l'époque combattue par les élus de droite RPR. Mais aujourd'hui, ces conseillers remarquent que les élus n'osent pas même citer le nom du prince. Dans les réunions du groupe effectivement, ils s'en prennent toujours au gouvernement, jamais ils n'incriminent Sarkozy en personne. Le président leur fait encore peur.
Pour Christian Jacquiau, économiste, le rapport Attali témoigne du retour en force de la pensée unique.

« Mes 316 propositions ne coûteront pas un seul centime à l'Etat français », promet Jacques Attali.
Juré, craché. On dit même l'éminent économiste prêt à le graver dans le marbre de Carrare dont il fit orner jadis, au temps de sa splendeur mitterrandienne, le hall de cette BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) qu'il dirigea de 1991 à 1993, avant de devoir la quitter sous la pression de l'opinion publique internationale… et des juges d'instruction ?
Nicolas Sarkozy qui lui a signé un chèque en blanc le 30 août 2007 (« ce que vous proposerez, nous le ferons ») aurait-il oublié les déboires de son compagnon de la libéralisation ? Le président ira-t-il jusqu'à suivre les préconisations de cet expert en expertises, contraint de fuir la banque européenne par une porte dérobée, sans même attendre la nomination de son successeur ?
Ce catalogue de la déroute mériterait pour le moins un examen attentif et contradictoire. Mais le penseur néo-élyséen a prévenu : il faut prendre ses préconisations en bloc et sans les discuter ! Depuis la scène du théâtre du Rond Point des Champs Elysées (cela ne s'invente pas) d'où il présentait ses « 300 propositions pour changer la France », Jacques Attali a signifié avec suffisance à nos parlementaires toute leur inutilité politique : « le rapport pour la libération de la croissance française n'a pas à être mis à l'étude puisqu'il a été étudié ! ».
Ses préconisations sont indiscutables. Encore moins contestables. Dans quelques mois, Jacques Attali reviendra sur la scène du théâtre de ses déclarations historiques mais ce sera pour y jouer cette fois, en tant qu'acteur. En attendant, avec toute la modestie qu'on lui connaît, Attali nous refait le coup du Tina (there is no alternative !) cher à Margaret Thatcher.
« La réforme (…) ne peut aboutir que si le président de la République et le Premier ministre approuvent pleinement les conclusions de ce rapport, le soutiennent publiquement, dès maintenant, personnellement et durablement, en fixant à chaque ministre des missions précises », affirme-t-il.
Hors préconisations de ce nouveau maître à penser, point de réformes ! Et l'éminence d'ajouter : « L'essentiel de ces réformes devront donc être engagées, selon le calendrier proposé à la fin de ce rapport, entre avril 2008 et juin 2009. Elles devront ensuite être poursuivies avec ténacité, pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités ».
La pensée attalienne, tête de gondole de la nouvelle pensée unique, a été élaborée pour transcender tous les clivages politiques, pour les siècles des siècles. Que pouvait-on attendre de moins de la part d'un ex-conseiller de Dieu ?
Contre toute attente, la Banque centrale européenne a laissé inchangé le taux de l'euro, ce qui a provoqué un effondrement des bourses européennes.

Punis! Punies, les Bourses européennes. Le CAC 40 a perdu 4,25 points juste après que le Gouverneur de la Banque centrale européenne ait annoncé que, à l'inverse de la Réserve fédérale américaine qui a baissé le taux directeur du dollar de 0,75%, le taux de la monnaie européenne resterait inchangé. Madrid a perdu 4,56%, Francfort 4,88% et Londres 2,28%. Vers 19h10 (18h10 GMT), le Dow Jones perdait 2,05% à Wall Street, poursuivant une sixième séance de repli.
Punis, les salariés européens car la logique restrictive et orthodoxe de Trichet et de la BCE risque bien de plomber la croissance européenne, déjà peu aidée par la perspective d'une récession ou d'un ralentissement Outre Atlantique.
Punies, les PME exportatrices de l'Union européenne : la décision de la BCE va contribuer à maintenir un euro fort, d'autant plus fort que les Etats-Unis manipulent la monnaie pour gagner en compétitivité : plus le dollar baisse, plus les exportations américaines sont facilitées.

Sauver les banques, ou les entreprises et les ménages?
«Les Américains veulent exporter la crise.» a reconnu Joseph Stiglitz sur France Inter. «C'est notre monnaie, mais c'est votre problème», avaient coutume de dire les Américains. Jean-Claude Trichet leur donne raison et les encourage même, ce qui a conduit Laurent Fabius à le traiter d'irresponsable et beaucoup d'hommes politiques français à se taire mais à le penser très fort.
Du côté des économistes de gauche, la crise actuelle conduit à deux réactions diamétralement opposées :
- pour les uns, tels Jean-Paul Fitoussi , il convient de rendre la recherche de la croissance prioritaire et d'adopter en Europe la même ligne que la Fed américaine : baisser les taux d'intérêt pour favoriser les prêts des ménages et des entreprises, ainsi que les exportations;
- pour les autres, tels Bernard Maris , la baisse des taux aux fins d'enrayer la spirale de la crise boursière revient à refuser de sanctionner les comportements irresponsables des banques et des promoteurs immobiliers à l'origine de la crise des subprimes. Il convient donc de purger la crise et de mettre en faillite un certain nombre d'entreprises.

Le recours aux fonds souverains
Entre ces deux positions, la proposition de Laurent Fabius de mobiliser les fonds souverains européens et français pour racheter les entreprises déficiantes devrait faire réfléchir : l'idéal est en effet de permettre à la fois le sauvetage d'activités, et la sanction par le changement d'actionnaire.
Quoiqu'il en soit, la décision du patron de la BCE surprend. Jean-Claude Trichet semblait, ces derniers mois, avoir compris que face aux turbulences internationales, il convenait de relâcher quelque peu la politique monétaire pour favoriser la croissance. En maintenant inchangé le taux de l'euro, Trichet semble considérer que la crise financière ne peut pas être importée en Europe, où le potentiel de croissance serait maintenu à 2%. La première réaction de la Bourse ne semble pas lui donner raison.