Blog: Marianne2.fr | le site de l'hebdomadaire Marianne

Date :: 23/3/2012 12:00:02 (Mettre à jour)
Au Sommaire : Appel à la mobilisation, Stop à la télé Sarko ! ; enquête : pourquoi la politique détruit les couples ; Ingrid Betancourt, les dessous d'une libération ; révélations : francs-maçons, le dernier bastion matchiste.

Ce numéro sera en vente en kiosques à partir du samedi 5 juillet au matin jusqu'au vendredi 11 juillet inclus, au prix de 2,50 euros. Vous pouvez également acheter la version numérique sur le site de Relay (PC) ou sur celui du Kiosque.fr (PC, Mac et Linux) dès vendredi 4 juillet à 16h.
Première partie d'une enquête sur les coulisses de l'Union pour la Méditerranée qui doit être créée le 13 juillet. Aujourd'hui : comment Henri Guaino a récupéré un projet qui devait être confié à Michel Rocard.

C'est une bataille sourde qui se mène depuis un an dans les couloirs du pouvoir sarkozyste et de l'Union européenne. Une de ces guerres intestines dont les échos ne parviennent jamais aux oreilles du public. Ce n'est pas une guerre de Troie mais c'est une guerre à trois. Qui partage, certes, l'Allemagne et la France comme on a pu le lire, mais aussi Bruxelles, qui n'est pas restée inactive sur le dossier. Sans parler des divisions franco-françaises.
Une bluette pour eursosceptiques grognons ?
Qui est à l'origine de l'Union pour la Méditerrranée qui sera portée sur les fonds baptismaux le 13 juillet à Paris ? Officiellement, le candidat Sarkozy lance l'idée dans son discours du 12 février 2007, au coeur de sa campagne présidentielle. Très vite, on apprend que l'Union pour la Méditerranée est le dada de son conseiller spécial Henri Guaino. Homme du Sud (il est Arlésien), Méditerranéen militant, resté critique à l'endroit de la technocratie bruxelloise, Guaino y voit sans doute l'occasion de sortir de son rôle de plume et de marquer de son emprunte le quinquennat. Pour lui, l'UPM résonne comme une sorte d'alternative à l'Europe, une Europe des âmes qui s'imposera à l'Europe des billets car elle repose sur la vraie vie.
Mais on aurait tort de percevoir l'UPM comme une simple bluette pour eurosceptiques grognons, comme la presse bien pensante aime trop à le montrer. La quintessence du projet repose d'abord sur l'idée, très partagée au sein des élites, selon laquelle l'économie et la culture peuvent contourner ce que la politique ne parvient pas à dépasser. Cette fameuse méthode Monnet, du nom de l'inventeur, ou, plutôt l'architecte de l'Europe, n'était-elle pas elle aussi fondée sur ce postulat ? Autrement dit, seul le doux commerce des marchandises et des intelligences peut permettre à la Méditerranée de transcender tous les conflits qui émaillent son espace : le conflit isrtaélo-arabe, mais aussi le conflit algéro-marocain et autres rivalités locales comme le conflit chypriote entre Turcs et Grecs. Rappelons ce qu'Henri Guaino disait de ce projet à Marianne2 cet hiver :
Un projet politiquement correct
En fait, Henri Guaino n'est pas le seul à avoir travaillé sur un projet qui se situe, finalement, en cohérence avec la logique européenne. Deux ans auparavant, Jean-Louis Guigou avait lancé une idée voisine. Ce haut fonctionnaire a été délégué général de la Datar entre 1997 et 2002. Il est le mari d'Elisabeth Guigou. Le gouvernement Raffarin lui avait confié une mission d'identification et de valorisation des scientifiques travaillant sur la Méditerranée, laquelle a donné lieu à la création d'un Institut de prospective économique du Monde méditerranéen dont il est devenu délégué général. Guigou, proche de Bernard Kouchner qui l'a encouragé à se mêler de l'affaire, est tout sauf eurosceptique. De même le député Renaud Muselier ne fait-il pas partie des derniers nostalgiques du franc. Il est l'auteur d'un rapport sur le thème «Comment construire l'Union pour la méditerranée dont le projet s'inspire en grande partie.

Autre preuve du caractère «politiquement correct» de l'UPM, à l'automne 2007, Nicolas Sarkozy veut en confier la responsabilité à Michel Rocard. Et c'est l'accident vasculo-cérébral du sénateur socialiste qui conduit Henri Guaino à prendre en charge le projet, sur lequel lorgnait Bernard Kouchner. Guaino récupère d'ailleurs ainsi Alain Le Roy, rocardien, nommé depuis Ambassadeur du projet . Autour de ce dernier s'est constituée un Comité de pilotage, soit une équipe d'une douzaine de hauts fonctionnaires qui travaillent assidument – mais dans l'ombre – pour faire du lancement de l'UPM, le 13 juillet prochain un succès. Cette équipe est organisée autour de différents pôles de compétence : Immigration-justice-police, développement durable (transports, énergie), enseignement et recherche, culture. Tout ce petit monde est «logé» à l'Hôtel Marigny, dont la vocation est d'accueillir les chefs d'état étrangers, mais qui est vide depuis que ces derniers préfèrent passer leurs séjours parisiens à l'Hôtel Crillon....
A l'origine, le comité de pilotage devait fonctionner jusqu'à la fin de la Présidence française, en décembre 2008. Mais le non irlandais risque de prolonger la mission qui lui est confiée. On arrive ici au cœur de la polémique diplomatique de l'UPM.
Au début de l'année 2008, Henri Guaino se rend en Allemagne pour présenter les contours du projet au gouvernement allemand. Le Ministre des Affaires étrangères étant absent, il doit se contenter de rencontrer M. Gernot Erler (SPD), secrétaire d'état. C'est peu dire que l'entretien se passe mal. L'homme se serait montré, selon Henri Guaino arrogant , menaçant voire insultant, accusant la France de vouloir «casser l'Europe».
Demain : Jouyet accusé de forfaiture (suite et fin de l'article)
Christian Jacquiau, économiste et commissaire aux comptes, a publié deux ouvrages sur la grande distribution et le commerce équitable. Il explique que l'objectif de rendement des supermarchés influe non seulement sur le pouvoir d'achat, mais aussi sur le monde agricole et industriel.
Aujourd'hui, seules six centrales d'achat contrôlent l'essentiel des produits de consommation courante distribués dans les grandes surfaces françaises, affirme Christian Jacquiau. Un quasi monopole. Incontournables, les hypermarchés ont un pouvoir non négligeable. A tel point que les plus grands groupes (Wallmart, Carrefour...) accompagnent la mondialisation dans tous les pays du monde, achetant les produits les moins chers possible là où la main d'œuvre est négligeable, et les revendant à bon prix là où les consommateurs sont demandeurs... avec un seul objectif : la rentabilité.
Retrouvez prochainement la suite de ce document sur marianne2.fr.
Vous pouvez également consulter le premier épisode de "Supermarchés non merci", publié précédemment.
Suite de notre série up and down du Paf. Si le mercato 2008 fait la part belle au solide gaillard de « C dans l’air » qui pose des questions sur le pouvoir d’achat avec sa grosse voix, il enterre définitivement le glamour né des années 80. Et Ardisson avec.
Changement de siècle, changement d'époque, changement de télé. Les paillettes, la hype de prime façon Ardisson, la Jet set qui se marre et les blinds tests avec Jean-François Copé, c'est fini. Aujourd'hui, France Télévision assume le retour au bon vieux débat politique, cheap, classique et sans chichi, façon Yves Calvi, l'homme qui fait les gros yeux quand il interviewe le Président et répète trois fois ses questions s'il le faut. Pour le reste, il y a Drucker. Le paf nouveau fera peut-être un flop, mais dans la dignité et le respect des pères fondateurs de L'heure de vérité.
Le roi du Paf ringardisé
Du coup, le mercato 2008-2009 fait mal aux écrits des hommes du passé, pardon, d'il y a deux ans, qu'on croyait éternels. Bling-bling avant l'heure, Thierry Ardisson est aujourd'hui dépassé, enfoncé par une actualité qui n'a plus besoin de lui pour offrir en pâture l'intimité des hommes de pouvoir, leur naturel mal élevé ou leurs fautes de goût. Vingt ans à forger son style, à imprimer sa marque jusqu'à en devenir une, et pourtant, le pape de la grand-messe du samedi soir aux 27% de parts de marché n'est même plus mentionné dans les va-et-vient de la télé scrupuleusement recensés par Jean-Marc Morandini. Tout juste a-t-il droit à une brève ici ou là sur quelques sites spécialisés pour glorifier le petit million de spectateurs (9% de parts de marché les meilleurs jours) de Salut les Terriens. Comme s'il était mort et enterré, on lui consacre même des soirées souvenirs.
Plus personne n'en parle
En mai 2006, il publiait dans Libération une lettre à Patrick de Carolis : « C'est un miracle que tu fusilles », écrivait-il à propos de son émission, Tout le monde en parle. « Cette lettre suffira à expliquer l'incroyable dysfonctionnement de tes services et leur non moins incroyable rigidité », concluait-il gravement. Sur un site déserté figure encore la pétition pour sauver son Tout le monde en parle. Mais les méchants d'hier sont les rebelles d'aujourd'hui. Et Patrick de Carolis, ex-ami du pouvoir et biographe de Bernadette Chirac est, depuis quelques heures, un résistant…
L'homme en noir n'a plus d'amis. L'homme en gris, si.
Avec Ardisson, c'est une impertinence tendue de velours rouges qui disparaît. Celle qui demande à Rocart si « sucer c'est tromper », à Luc Ferry si fumer des joints, c'est de droite… Le peopolitique se recentre. Crise du pouvoir d'achat, crise des institutions, crise de la construction européenne, crise... A Sarkozy, Yves Calvi, le champion du « on se demande quand même… », sous-entendu « nous, les Français… », est encore ce qu'on oppose de mieux. L'accent bourru de la plèbe plutôt que les sarcasmes du royaliste. Ne pas répondre à Calvi, c'est envoyer bouler la France entière. Monsieur loyal dans un décorum épuré, cintré dans des chemises bûcheron, Calvi est le nouveau chouchou de France Télévision et d'Arlette Chabot. Quelque chose de commun dans le regard, peut-être, une apparente mauvaise humeur, comme un rempart fragile à la séduction des hommes de pouvoir. RTL le voulait, Europe 1 le regrette, France Inter l'a eu, France 5 ne s'en sépare pas et France 2 le cajole. Même si les gros yeux oublient parfois de se froncer lorsque le Président confond « naturalisation » et « régularisation » des immigrés… A la télé, les ratés ne sont pas rediffusés. Bref, en 2009, qu'on se le dise, finie la rigolade. En même temps, pour contrebalancer les rires complaisants des confrères lors de la conférence de presse Nicolas Sarkozy en janvier, il fallait au moins ça. Et Ardisson alors ? Avec Ardimage, sa boîte de prod', il préparerait un film, L'empereur de la nuit. L'histoire d'un homme qui règne sur le tout Paris de la night… même pas un drame, juste un songe fugace que dissipent les premières lueurs de l'aube.
Par Philippe Bilger, magistrat, qui établit un rapprochement entre la démission du général Cuche, et la non-démission de Raymond Domenech...

Le général Cuche a démissionné à cause – paraît-il – de la tragédie de Carcassonne. Et Raymond Domenech, qui a conduit l'équipe de France au désastre, est maintenu, certes sous conditions, mais indiscutablement. Ainsi, le premier, qui n'y était pas pour beaucoup, pour ne pas dire pour rien, tire les leçons d'une catastrophe dont il n'est pas responsable et le second n'est pas gêné de demeurer à son poste alors qu'il a failli avec l'équipe dont il avait la charge. Le rapprochement n'est pas iconoclaste qui montre que l'honneur est à géométrie variable et dépend des tempéraments comme des conjonctures.
Yves Thréard, qualifié méchamment de «courtisan zélé de Sarkozy» et injustement mis en cause par Sylvain Lapoix, méritait un autre traitement. Dans le Figaro, il me semble que ses éditoriaux sont les seuls qui mettent une touche de liberté et d'imprévisibilité dans une matière politique dont l'exploitation, sans lui, ressemblerait à l'orthodoxie d'un Journal officiel. Lorsqu'il évoque le culte de l'honneur au sujet du général Cuche, il a raison même si, à mon sens, il n'a sans doute pas le loisir de s'interroger plus avant sur les disparités choquantes qui conduisent les uns à assumer et les autres à prospérer.
Offrir à la foule une apparence de satisfaction
Je n'ai pas manqué de trouver piquants l'enthousiasme et l'admiration suscités par la démission du général. L'Assemblée nationale lui a rendu un hommage unanime et on l'a félicité, en l'accablant comme Pierre Lellouche, pour avoir su tirer les conclusions qui convenaient du drame de Carcassonne. Il y a une manière, pour le monde politique, de louer certains comportements qui n'est pas loin de représenter une protection anticipée. Glorifier le courage et le sens des responsabilités des rares qui portent ces vertus au paroxysme, c'est tenir à distance pour soi les risques qu'entraînerait une conception trop élevée de l'honneur. A tous ceux qui n'en reviennent pas de voir un général se soumettre à une règle édictée par lui seul, on a envie de leur suggérer le recours à la même méthode. Je crains que le général Cuche demeure très solitaire dans cet exercice d'excellence morale.
Pour Raymond Domenech – et on constatera que le lien n'est pas incongru – j'avais dénoncé ailleurs le lynchage immédiat et vulgaire dont le sélectionneur avait été victime parce que je percevais confusément que cette offensive, loin de favoriser, plus tard, une action de clarification et une élection de renouveau, en tiendrait lieu. Il y a des lynchages qui n'ont qu'un but : celui d'offrir à la foule une apparence de satisfaction, devant un grave échec reconnu par tous, et d'éviter aux décideurs le choix cohérent et lucide qui aurait du s'imposer.
Une confusion à son comble
Dès l'instant où on a constaté que les uns et les autres tergiversaient, que les luttes d'influence, les rapports de force, les susceptibilités et les clientélismes non seulement n'étaient pas diminués mais favorisés pour que la confusion atteigne son comble, il était manifeste qu'on préparait l'opinion à ce scandale qui, pour être sportif, est tout de même très révélateur de l'impuissance de toutes les élites de notre pays à accepter ces leçons simples : un échec est aisément identifiable ; son ou ses responsables doivent en assumer la responsabilité ; ils doivent être remplacés, en vertu des seuls critères de la compétence et du talent, par un ou des successeurs dont on peut espérer le meilleur.
C'est une honte – il en est de plus indignes et de plus irrémédiables – d'avoir laissé lyncher Domenech pour mieux le maintenir ensuite. C'est une honte, pour le football, d'avoir laissé libre cours, après l'ostensible désastre du championnat d'Europe, aux palinodies de ses dirigeants et aux tractations de bas étage et de mauvais aloi qui montrent comme, dans l'insignifiant, on n'est pas fichu de faire respecter l'honneur alors que dans le grave, dans le militaire, un homme de qualité en a donné l'exemple, quelles que soient ses motivations. Au fond, c'est Escalettes qui fait de la politique quand le général Cuche, lui, a eu de la tenue.
Comment veut-on qu'une équipe de France gagne brillamment un jour dans un tel contexte ?
Des médias américains ont révélé que le président colombien avait informé le candidat républicain John McCain par avance de la libération d’Ingrid Bétancourt pour s’assurer de sa présence au moment de la cérémonie… oubliant de prévenir le Président français !

Alvaro Uribe ne libère pas Ingrid Bétancourt toutes les semaines ! Alors, tant qu'à faire, autant en profiter pour s'assurer les bonnes grâces d'un homme susceptible de jouir d'une certaine influence dans l'avenir. Comme le candidat républicain à la présidence des États-Unis John McCain qui, «coïncidence», se trouvait en Colombie depuis mardi 1er juillet en visite auprès du Président.
Un coup de pouce à McCain…
Dès la libération des 15 otages retenus par les Farcs (dont trois Américains), le Washington Post découvre le pot aux roses: Alvaro Uribe avait personnellement informé le sénateur McCain de l'imminence de l'évènement dès son arrivée, offrant ainsi au candidat à l'élection américaine l'occasion de figurer sur la photo de famille du triomphe militaro-humanitaire.
Le choix du président colombien de privilégier McCain à Obama est transparent : le candidat républicain a soutenu un accord de libre-échange américano-colombien, rejeté par son adversaire démocrate, et fait des propositions concrètes pour la lutte contre la production de drogue dans le pays. Un petit programme auquel il a pu ajouter, à l'occasion de son voyage, un couplet sur la façon dont il aurait libéré les trois otages Américains s'il avait été Président… Le genre de discours antiterroriste à même d'influer très positivement sur une candidature en temps de crainte : merci Alvaro !
…un croche-patte à Sarko !
Et Sarkozy alors? On imagine mal le Président français se priver de la photo souvenir au côté de l'hypermédiatique madone Ingrid Bétancourt pour un simple vol transatlantique. Dès lors, l'évidence s'impose : le chef d'État colombien a préféré prévenir le candidat républicain à la présidence des États-Unis plutôt que Nicolas Sarkozy. Ce qui n'empêche pas Yves Thréard, du Figaro, d'interpréter cette libération comme une «victoire personnelle de Sarkozy». Mais il ne faut pas insulter l'avenir et de toute évidence, pour Alvaro Uribe, Sarkozy, c'est déjà du passé.
L'intervention de Nicolas Sarkozy était tout sauf spontanée : le Président a décidé de la jouer familiale pour la libération d'Ingrid Betancourt.

Enfin une bonne nouvelle, une très bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy qui semblait pris depuis plusieurs mois dans la spirale infernale de la scoumoune. Pas une semaine, pas un jour même, sans mauvaise surprise, comme si un sort funeste le poursuivait. Même le ballon ne tournait pas rond dans les pieds de l'équipe de France. Et sa présidence européenne était gâchée par ces cabochards d'Irlandais et d'Hollandais. Les Dieux étaient contre lui ! La libération d'Ingrid Betancourt ne pouvait mieux survenir. C'était la lumière dans la nuit que le Président espérait, le point d'appui pour soulever sinon le monde, au moins le désespoir qui alourdit les épaules et les paupières. Encore fallait-il bien s'en servir…
Nicolas Sarkozy croit à la contagion du bonheur pour faire face aux mauvaises ondes et à la tyrannie du malheur. Le moral se vitamine d'un rien. Les Dieux se retournent d'un souffle. A condition de savoir prendre le vent, d'être capable de démultiplier la force et l'impact du positif dans les têtes comme dans les cœurs. Et ça, le «médiacteur» Sarkozy, sait faire - mieux que personne. Il a donné, feuilletonné, une nouvelle preuve de son talent, dans une mise en scène faite non pas d'hystérie auto-promotionnelle cette fois, mais toute d'émotion, d'amour, de joie, de larmes retenues. Pas de triomphalisme, surtout pas, même si certains conseillers y poussaient. Genre, Vive Sarko le libérateur des infirmières bulgares à Ingrid Betancourt. Gloire à notre Zorro national. C'était risqué et pouvait passer pour obscène. Il valait mieux jouer le familial fusionnel. C'était à la télé hier soir…
Pas question évidemment de se souvenir que notre stratégie de libération hyperactive ne fut pas toujours la bonne. Hors de propos, bien sûr, de rappeler que le recours à Hugo Chavez fut maladroit, et que nous avions critiqué le président Uribe pour son intransigeance guerrière d'hier qui a permis la libération d'aujourd'hui. Nicolas Sarkozy le remerciera solennellement, majestueusement. Dans cet instant de liesse sentimentale, rien ne devait fâcher, il ne fallait pas rappeler les désaccords. Mieux encore, il était indispensable de rassembler, de célébrer, de féliciter et de pleurer. De l'émotion avant toute chose !
Regardez les images, écoutez les mots, nous étions dans la joie de circonstance, bien sûr, mais aussi dans la sentimentalité télé, mieux qu'à la Star Academy. C'était si fort. «Plus, ça ne serait pas possible !», comme ils disent.
Nicolas Sarkozy était entouré de la famille qu'il prenait dans ses bras, qu'il mettait en avant. Il était «de» la famille. D'ailleurs, quelle «familiarité» touchante dans les mots employés avec ce ton vibrant de soulagement, de tendresse : «je voudrais dire à Ingrid qu'on l'embrasse, qu'on est fier de son courage, qu'on est heureux pour elle…». Le président l'appelait «Ingrid», comme si c'était sa sœur. Il se l'est appropriée en homme qui s'est battu pour sa libération. Aux côtés des plus proches, mais aussi comme tous les Français qui «raisonnaient» ce soir d'abord avec leur cœur.
Le chef de l'État ne roulait pas des biscotos ; «Nicolas» ne faisait pas le faraud. Il ne tentait pas une impossible récupération de puissance. Pas de captation matamore d'une gloire militaire fort aléatoire. Non, Sarko le scénariste hollywoodien faisait du sentimentalisme spectaculaire à l'américaine. Il était l'officiant d'une communion publique, le chef de chœur d'un hymne familial à la joie, l'ordonnateur appliqué d'un spectacle édifiant et émouvant pour toute la France et les Français qui cultivent trop le pessimisme et la grognerie. Des râleurs, mais au grand cœur, qui lui rendraient grâce de sa ténacité et de son activisme !
Cette libération était bien une preuve, pour lui aussi, qu'il avait eu raison de s'accrocher à cet espoir, de s'en obséder, de s'agiter parfois si inconsidérément, au risque de laisser croire que la diplomatie française consacrait trop de ses forces à cet hypothétique sauvetage, sacrifiant certains de ses intérêts essentiels pour le sort d'une franco-colombienne qui s'était aventurée inconsidérément dans la jungle hostile. Les critiques, qui n'ont pas manqué, étaient balayées dans cette séquence fusionnelle et lacrymale. Avec cet acmé : les remerciements vibrants de Mélanie et Lorenzo qui saluaient les efforts du président «pour être parvenu à la libération de maman…». Ils n'ont pas dit «notre mère», mais «maman», ce qui rendait «Ingrid» plus proche encore d'eux tous.
Sarkozy ramassait la mise, et il avait misé gros dès le départ. Pourtant, personne ne pouvait l'accuser de récupération. On dira simplement qu'il a fait son boulot de chef de l'État… chef de l'information et chef de l'émotion nationale !
La gauche ne lui a rien reproché d'ailleurs. Pour ne pas se faire oublier, tous les contributeurs socialistes (seuls manquaient Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon) se sont réjouis de la libération. François Hollande, Bertrand Delanoë, Ségolène Royal, Laurent Fabius, Martine Aubry ont consommé dans l'émotionnel national. et Pierre Moscovici, lui, n'a pas rechigné à saluer «l'opiniâtreté» de Nicolas Sarkozy, alors que ses camarades ont préféré s'associer à la joie d'Ingrid Betancourt, de la famille et de tous ceux qui se sont battus pour sa libération. Les thuriféraires de l'Élysée n'ont pas hésité, eux, à balancer l'encensoir à l'image du porte-parole de l'UMP Dominique Paillé qui a trompété : «L'élément déterminant, bien sûr, a été l'opiniâtreté de Nicolas Sarkozy». L'élément déterminant ? Allons, allons… l'émotion leur aura brouillé les yeux et la tête.
Quatrième et dernière partie de notre article sur les Assises de la Métropole, qui ont confirmé l'émiettement des pouvoirs en Région Île-de-France. Clou du spectacle: la voiture électrique.

On l'a vu avec le clou du spectacle : l'intervention de Christian Blanc qui clôturait la Conférence, expliquant qu'il allait s'inviter dans la rédaction du SDRIF en musclant le volet économique et en relançant les investissements routiers. L'ancien rocardien (passé au Nouveau Centre) a déclaré en effet : «Je reviens de la Silicon Valley, j'y étais encore hier, (…) et j'ai acquis la forte conviction que la voiture électrique, c'est vraiment pour demain (...), alors nous sommes tous dans une optique qui est celle du développement des infrastructures de transports en commun, je suis de ceux là, mais peut-être qu'on estimera dans trente ans que nous avons mal analysé la situation et que nous avons lancé des investissements à vingt ou trente ans dans des directions qui ne sont pas exclusivement celles que nous aurions du suivre…» En sous-entendant par là que pour résoudre le problème des transports en Île-de-France, il suffisait d'attendre 10 ou 15 ans que cette technologie pénètre l'ensemble du parc automobile, en se plaçant uniquement sur la questions des émissions, et en ignorant totalement le problème de la congestion des flux automobiles, et sans parler bien sûr des inégalités d'accès à cette chère voiture électrique.
Avec cette déclaration, le projet de métro en rocade autour de Paris apparaît sévèrement plombé, alors même que l'État n'a pas prévu de nouveaux financements pour la Région Île-de-France dans le cadre de la Loi d'orientation sur le Grenelle. Et pourtant les besoins en transports collectifs sont énormes : dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, les investissements pour la Région Île-de-France ont été évalués à plus de 25 milliards d'euros d'ici 2020. Pour l'heure, l'État ne s'est engagé qu'en province (et à hauteur de 2,5 milliards au lieu des 4 annoncés à l'automne 2007 par Nicolas Sarkozy).
Un cabinet révélateur
Il convient de préciser que Christian Blanc, ancien PDG de la RATP, s'est choisi, comme Directeur de Cabinet, Marc Véron, ancien Directeur général délégué de Fret SNCF, dont le plan désastreux (dit «Véron») de redressement des comptes de 2004 à 2006 s'est traduit dès la première année par le démantèlement de 186 km de voies ferrées. L'objectif était de favoriser l'exploitation des axes massifiés les plus rentables. Résultat, un an seulement après la mise en œuvre de ce plan de «sauvetage», le trafic avait déjà régressé de 11,3% et quelques 600 000 camions de plus avaient été jetés sur les routes. Dès lors, on comprend d'où vient l'idée d'une relance des investissements routiers en Île-de-France. La composition du cabinet Blanc est également très révélatrice : des jeunes loups à la «sauce Madelin». De fait, Le Grand Paris de Blanc, c'est plutôt les petits paris à la sauce libérale (des anciens madelenistes pour certains, proches de Bédier et de Santini pour d'autres)…
Et d'ailleurs, que penser des moyens alloués par l'État aux équipes d'architectes et d'urbanistes engagées pour une consultation sur le Grand Paris ? Elles n'auraient reçu chacune de la part du Ministère de la Culture qu'une enveloppe de 200 000 euros pour travailler jour et nuit pendant 6 mois («Vous allez devoir faire charrette» leur avait assuré Sarkozy).
Pendant ce temps, il y a environ un mois, lors de la venue des Sénateurs à l'Élysée, Josselin de Rohan, avait demandé au Président ce qu'il comptait faire du mille feuille institutionnel. Réponse de l'intéressé : «C'est pas au programme, j'ai déjà fort à faire avec la réforme de l'armée, de la justice et de l'Éducation Nationale...»
Consultez aussi les premier, deuxième et troisième épisode de cette enquête sur les Assises de la Métropole «Et si le Grand Paris faisait pschitt ?»
Sur les ondes ce matin, tout le monde était beau, gentil et remercié pour son action en faveur d'Ingrid. A bas la politique !
Ah le beau consensus… Personne, ce matin ne veut parler de politique. Tout à la joie de la libération d'Ingrid Betancourt, chacun ne veut voir qu'une seule cause, celle de la liberté... et de la radio, puisque Ingrid Betancourt a eu le bon goût de déclarer dès sa libération que les informations sur sa famille lui étaient parvenues par ce biais et que cela l'avait aidé à ne pas se décourager.
Les choses sont évidemment plus compliquées.
La libération d‘Ingrid Betancourt n'est pas, contrairement à ce qu'a déclaré Rama Yade ce matin sur RTL, un «miracle». La libération d'Ingrid Betancourt est d'abord celle d'un choix, celui de la fermeté et d'une stratégie, militaire, même si celle-ci a emprunté des chemins de traverse, l'infliltration et la ruse. Il faudrait donc oublier qu'en face de la voie de la fermeté prônée par le président colombien Uribe, il y avait celle de la négociation choisie par Nicolas Sarkozy qui avait, à cet effet, tenté de rentrer en contact avec les Farc via le Président Chavez. Ces deux options – la négociation ou la fermeté – n'ont pas été menées en parallèle. Elles représentaient des choix contradictoires. Ainsi, lorsque, en février dernier après la libération de quatre otages, Nicolas Sarkozy regroupe les dirigeants de plusieurs pays, (Vénézuela, Brésil, Equateur, Bolivie, Suisse) il s'oppose de fait à la politique du gouvernement colombien qui, lui, se soucie d'Ingrid Betancourt mais aussi des 3 000 autres otages détenus par les Farc. Et il fallait toute l'émotion qu'est capable de produire le système médiatique en ces occasions pour ne pas contester la Ministre des Droits de l'Homme lorsqu'elle affirmait, tout comme le Président, que toutes les voies avaient permis la libération de l'otage. Dans les discours de ce matin, l'efficacité est un gros mot, et la politique une insulte. Mieux vaut faire semblant de croire qu'Ingrid a été libérée par miracle. «Je rends grâce à Dieu et à l'armée», a déclaré hier soir Ingrid Betancourt. N'aurait-elle pas été mieux inspirée, à tout le moins, d'inverser la formule ?
Par Luc Mandret. Qui se demande si les vidéos d'info-spectacle sur France 3 et Carcassonne n'ont pas pour fonction de détourner les esprits des sujets qui fâchent vraiment, comme le pouvoir d'achat.

Deux évènements monopolisent l'actualité ces derniers jours. Tout d'abord la fusillade lors d'une journée portes ouvertes à Carcassonne, un militaire blessant une dizaine de personnes, accident entraînant la démission du chef d'état major de l'armée de terre.
Egalement le «off» de Nicolas Sarkozy dans les minutes précédent son interview sur France 3. Propos du Président de la République certes très révélateur quant à la personnalité du chef de l'Etat, mais dont la médiatisation prend des proportions improbables.
Le graphique nous montre le bruit médiatique de ces deux actualités, comparées à celui du pouvoir d'achat. Et ce bruit n'évalue que la médiatisation sur les blogs, et pas dans les médias traditionnels.
L'Elysée connait parfaitement les médias. Et les deux sujets «chauds» du moment avaient tout pour exploser. Off de Sarkozy sur une chaîne du service public + réforme de France Télévisions (suppression de la pub et désignation du président de FT) = «buzz» assuré. Fusillade de Carcassonne + démission d'un des plus hauts gradés de l'armée française + livre blanc de la défense = «buzz» assuré.
L'Elysée connait parfaitement les médias. Et sait donc qu'un sujet brûlant en chasse un autre, le brûlant par définition devenant tiède puis froid. On pourrait à juste titre se demander si ces deux «buzz» (mot que je déteste) ne sont quelque peu instrumentalisés par l'Elysée. Ou du moins si ils ne servent pas le gouvernement actuel.
En effet, et il suffit de cotoyer un peu les «Français moyens» pour se rendre compte que leurs principales préoccupations se focalisent sur bien d'autres thématiques : le pouvoir d'achat, leurs retraites, la pérénité de leur emploi, le prix de l'essence, l'éducation de leurs enfants, l'accès à la santé. Autant de sujets que le gouvernement n'a pas intérêt à voir trop sur le devant de la scène médiatique, son bilan étant bien maigre sur ces thématiques.
Effet mouton des blogs (le mien y compris). Facilité des médias. Connivence de certains pour n'aborder que le futile et l'éphémère. Attention au retour de flamme. Le jour où l'opinion médiatique s'emparera véritablement du pouvoir d'achat et du prix de l'essence comme premier sujet d'information, cela risque de faire très mal.
Retrouvez le blog de Luc Mandret