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Date :: 23/3/2012 12:00:02 (Mettre à jour)
Où l'on apprend que l'éditorialiste du Monde a enfin découvert que le marché pouvait très bien prospérer sans la démocratie. D'où la nécessité de la redéfinir. La démocratie, pas le marché...
Surprise en découvrant Le Monde de ce week-end : on a vraiment l'impression que l'excellent Eric le Boucher a brusquement dessoulé : après des années de prêche hebdomadaire sur «la mondialisation heureuse», thématique empruntée à Alain Minc (qui, lui, n'ose même plus la décliner) voilà qu'il nous fait part de sa découverte de la semaine : selon la Banque Mondiale, « en moyenne, la démocratie n'est pas une pré-condition au décollage économique d'un pays, et elle n'a nsuite aucun effet sur la croissance. »
Comment aller contre la Banque Mondiale, même lorsque celle-ci reprend à son compte une observation faite par Marianne depuis dix ans ?
Mieux que la démocratie, la gouvernance !
Eh bien, si, Eric Le Boucher a cherché et a trouvé un argument. Et il l'a trouvé (dans les écrits de la Banque Mondiale, bien sûr) : oublions la démocratie et plaçons nous sur le plan de la gouvernance, concept plus global (et oh combien plus «tendance»).
Résumons. Les progrès de la gouvernance, nous explique-t-il, se mesurent à l'aune de trois éléments :
- la démocratie politique (élections, liberté d'organisation etc) ;
- la démocratie économique (efficacité du gouvernement, régulation, liberté de contrat)
- le contrôle de la corruption.
Passons sur le fait que, dans l'univers mental des épigones de la Banque Mondiale, le droit syndical ne fait partie ni de la démocratie politique, ni de la démocratie économique). Si, donc, on relativise l'importance de la démocratie politique (comme elle mérite de l'être, semble-t-il pour Eric Le Boucher), on peut dire que la Chine, par exemple (parce que de toute façon c'est là qu'Eric le Boucher voulait en venir) progresse à pas de géant sur le chemin de la bonne gouvernance.
Et c'est là que, précisément, Eric Le Boucher se fout de notre gueule. Il suffit de discuter avec des hommes d'affaires français ou anglo-saxons pour mesurer à quel point les règles du marché ne sont pas respectées en Chine. Il suffit d'ouvrir les yeux pour saisir à quel point la corruption gangrène tout le système et notamment l'univers bancaire, où s'est construit la bulle chinoise. Mais de celle-là, Eric le Boucher nous parlera quand elle aura éclaté. Comme d'hab. IL ne faut pas confondre la Voix de son Maître (en l'occurence, la voix de la Banque) avec une météo économique....
Carla en une de Libé, Nicolas aux commandes de France 2 : cette semaine, les mariannautes ont fait une overdose de Sarkozy dans les médias. Ne manque plus que Renée, la maman du président, dans Notre Temps et le tableau sera complet.

Les Sarkozy (Carla, Nicolas, etc.) et les médias : c'est le sujet qui a mobilisé les mariannautes cette semaine. Il faut dire que tout avait commencé très fort, avec l'interview de Carla Bruni-Sarkozy dans Libération. Pour la plupart d'entre vous, le quotidien a vendu son âme au diable en ouvrant ses colonnes à la présidente-chanteuse. «Je n'ai pas l'habitude d'avoir des regrets, force est de constater que le libé qu'il m'arrivait d'acheter, au siècle dernier, n'avait rien à voir avec le "voicilibé" d'aujourd'hui…», explique Patrick, rejoint par l'écrasante majorité des mariannautes, dont Christian résume la colère : «Ce type d'allégeance aux monarques en place est pitoyable de la part de n'importe quel journal. Plus encore quand il s'agit d'un journal comme Libé dont j'étais un fidèle ».
Lorsqu'ils n'en veulent pas à Libé, les mariannautes s'en prennent à l'omniprésence dans les médias du couple présidentiel. « La colère m'est montée car on a assez de Europe1, TF1 et France Télévision pour se coltiner les deux abrutis de la République», écrit Gradguy. « Jamais album de chansonnettes ne fut promu de la sorte avec autant de flagornerie médiatique. Déférence à l'épouse d'un président qui rate tout, saigne le service public, accroît les revenus des plus riches, fait payer les pauvres pour les plus pauvres. », martèle Gilles. Seule une petite minorité d'entre vous se veulent pragmatiques. « Paris vaut bien une messe et une explosion momentanée de ventes vaut bien une Carla. Au demeurant, rien d'extraordinaire à voir Libé abandonner un certain gauchisme de salon mâtiné d'idéologie à connotation "jeuniste" libertaire pour adopter une ligne éditoriale marquée par une culture libérale sociale moins hypocrite. Il y va de sa survie », estime Maiboroda Jean tandis que Daylight s'interroge : « Sarko fait l'ouverture, pourquoi pas Libé? ».
Des médias aux ordres? C'est déjà le cas…
Trois jours plus tard, Nicolas Sarkozy provoquait un tollé en décidant que les dirigeants de France Télévision seraient désormais nommés par l'exécutif. Une fois de plus, les mariannautes sont au rendez-vous. Et le cynisme n'est jamais loin : pour vous, cette décision ne changera rien à l'affaire car les médias n'ont pas attendu cela pour être aux pieds de Sarko 1er. «i[Cela ne changera rien à France 2, déjà aux ordres ou pratiquant l'autocensure de la honte […] des débats formatés, tellement cadrés qu'ils sont un véhicule de com et pas de dialogue. Ce n'est pas sur France 2, que l'on risquait de remettre le cadre en question]i», se lamente Patrick. «Et le pire dans tout cela, c'est l'autocensure des journalistes qui ne manquera pas de s'exercer», estime Libre. «Je rejoins le commentaire fait plus tôt sur l'asservissement des journalistes, renchérit Alaingif. A quand une bonne, une vraie, une forte réaction de vous tous, Mesdames, Messieurs des rédactions (télévisuelles ou non)? Vous êtes les premiers concernés et vous relayez l'information comme s'il s'agissait d'un fait-divers de plus... Nous revenons 30-40 ans en arrière et je n'entend sur les antennes que des interviews policés, sans un mot au dessus de l'autre... un vrai bonheur pour les Albanel, Estrosi, Morin et consorts... » « La presse politique, elle fait dans le people, les journalistes commencent à longer les murs de peur d'être accusés de lèse-majesté et les moutons suivent le troupeau. L'histoire recommence, c'est dommage d'en arriver là », conclut Croquignol. Pessimiste ou cynique ? A votre avis ?
Le foot qui chante la coke sur TF1, Carla qui parle dans Libé, Ferrari qui cale dans Dimanche Plus… Encore une semaine bling-bling !
1) Coke, mannequins et belles bagnoles : vive le foot sur TF1 ! Bénédicte Charles, 18586 visites, 66 commentaires
2) Après la provocation Carla, lecteurs deLibé, tous en grève ! par JR, 15359 visites, 142 commentaires
3) Ferrari cale ! par Maude Milekovic et Sylvain Lapoix, 13916 visites, 61 commentaires
4) Sarkozy est inefficace, par Juan, 13715 visites, 125 commentaires
5) Rama Yade bientôt virée ? par Sylvain Lapoix, 13647 visites, 66 commentaires
6) Béatification de saint Sarko ! par Anna Alter, 13572 visites, 210 commentaires
7) Besancenot, nouveau casse-tête du PS, par Luc Mandret, 12197 visites, 213 commentaires
8) Sarkozy devient l'agent de Bruni… par Philippe Cohen, 11895 visites, 96 commentaires
9) Ça se passe comme ça à l'Elysée ! par Marianne2.fr, 11435 visites, 41 commentaires
10) Pouvoir d'achat : l'impossible rachat, par Nicolas Domenach, 10409 visites, 122 commentaires
Par Juan. 60ème semaine de Sarkofrance : réforme de la télévision publique, présidence française de l'union, c'est LE moment pour le Président.
Sans lui faire injure, Nicolas Sarkozy a un point commun majeur avec Silvio Berlusconi: "il ne connaît pas de ligne jaune. «Les Anglais diraient que pour lui, "the sky has no limit" (*)». Cette semaine, le président s'est présenté tel un super-héros la la contre-réformes. Nicolas Sarkozy est-il le nouveau Super-Dupont ?
Nicolas, patron des programmes !
En quelques minutes et haussements d'épaules, Nicolas Sarkozy a annoncé à une commission quelque peu surprise qu'il était moins hypocrite qu'il choisisse désormais lui-même le président de la télévision publique. Justifier le centralisme par un souci de transparence est une première. Sarkozy ne s'embarrasse pas d'excuses puisqu'il ne connaît pas de ligne jaune.
En arrivant au pouvoir après 23 ans d'absence, la gauche avait créé en 1982 la «Haute Autorité», devenue plus tard le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, une autorité indépendante chargée notamment de nommer les responsables de l'audiovisuel public et de garantir l'indépendance de l'information. Sarkozy a choisi de remettre les compteurs à leur niveau de 1958, Quelques heures après, la ministre de la Culture expliquait que ce mode de nomination directe était pratiqué depuis toujours pour les grandes entreprises publiques telles EDF ou la SNCF. Après les remous à la rédaction de TF1, la coupe est chargée.
Le Président a également des idées très arrêtées sur ce que le service public doit et ne doit pas programmer. Patrice Duhamel, le directeur général de France Télévisions a essuyé une salve de critiques sur les programmes de France 2. Nicolas Sarkozy n'aime pas Julien Courbet, tolère Patrick Sébastien et aimerait davantage d'opéras en prime time. «Il a raison de cogner» son fidèle Frédéric Lefebvre. Il est aussi capable de «prendre l'antenne.» Ainsi a-t-il décidé de venir sur France 3 mardi 1er juillet parler exclusivement d'Europe pendant une heure. Les journalistes sont priés de respecter la consigne présidentielle.
Nicolas, champion des réformes ?
Cela fait des mois que les réformes sont annoncées. Certaines d'entre elles sont tombées en rafale cette semaine, adoptées en Conseil des ministres ou votées au Parlement: l'offre raisonnable d'emploi votée au Sénat, reconduction pour «trois ans» des 71 pôles de compétitivité labellisés, annonce du plan en faveur de l'emploi des seniors,
Il y a effectivement urgent à «réformer» tant les résultats de ces 60 premières semaines de mandat sont mauvais : Les heures supplémentaires n'ont pas augmenté; elles stagnent même depuis janvier. Et elles coûtent 160 millions d'euros par mois au budget de l'Etat. Le moral des ménages Français est au plus bas. La dette publique de la France explose, à 1 250 milliards d'euros, soit une augmentation de 41,1 milliard d'euros. La croissance est revue à la baisse par l'INSEE (1,6% contre une prévision gouvernementale de ... 2,25% pour l'année 2008).
L'initiative du député UMP Yves Bur de présenter http://www.lemonde.fr/politique/artic ... iales_1062602_823448.html">un rapport sur les niches sociales a-t-elle été inspirée par le Président ? Le dit-rapport pourra faire hurler le patronat et faire plaisir à Olivier Besancenot, puisqu'il s'attaque aux exonérations de cotisations sociales bénéficiant aux employeurs. Mais il propose de taxer sans distinction les entreprises à hauteur de 5% des sommes qu'elles versent au titre de certains dispositifs sociaux tels la participation financière, l'intéressement, les titres-restaurant, ou les chèques vacances. Force Ouvrière a dénoncé la confusion sémantique avec les niches fiscales. Une nouvelle «réforme» en perspectivre ?
Nicolas Sarkozy, expert ès communication
Le gouvernement a lancé sa campagne de publicité vantant les mérites des mesures gouvernementales en faveur du pouvoir d'achat : 4 millions d'euros d'achat d'espace publicitaire parti en fumée ! Le jour même de l'apparition de ces fameux spots , la polémique sur le plan d'économies de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie a pris le dessus (**) : il faut dire que la CNAM entendait réduire le taux de prise en charge de certains médicaments des patients souffrant d'affections longue durée, tels le cancer, le diabète ou le sida. Belle initiative ! Sarkozy a lui trouvé 4 millions d'euros pour des spots inutiles.
La même semaine, Le ministère de l'Economie annonçait que le bouclier fiscal avait permis de rendre 241 millions d'euros à 14.981 contribuables : 9 300 d'entre eux ont ainsi récupéré un peut moins de 6 millions d'euros. Bel exercice de communication... raté. Cela signifie que les 5 700 autres contribuables ont raflé le plus gros de la mise, soit 39 000 euros par personne en moyenne ! Qui dit mieux ?
Le gouvernement n'a en revanche rien trouvé à dire sur l'absence de "coup de pouce" donné au SMIC à compter du 1er juillet : +0,9%.
Nicolas, patron de la droite
Il y a 60 semaines, lors de son discours au soir du 6 mai, Nicolas Sarkozy appelait au rassemblement. Depuis, le Président de tous les Français est rentré au bercail, celui de l'UMP. Il s'est attaché à verrouiller son camp. Le Premier Ministre n'a plus le contrôle de son propre gouvernement, Sarkozy réunit les ministres sans lui. Patrick Devedjian, secrétaire général de 'lUMP, a été cadré: Christian Estrosi a rejoint Xavier Bertrand pour contrôler l'UMP. Le Président travaille même sur les prochains scrutins électoraux. Aucune contestation n'est possibel.
Nicolas, maître diplomate
En début de semaine, la visite de Nicolas Sarkozy en Israël et Palestine fut légitimement célébré. Le Président a réussi à utiliser son capital confiance auprès des Israéliens pour leur rappeler quelques nécessités comme l'existence d'un Etat palestinien souverain et l'arrêt de la colonisation de la Cisjordanie. Pour un peu, on aurait cru qu'il allait résoudre 60 ans de conflits au Moyen Orient d'un coup de baguette magique! Rares ont été les observateurs à s'inquiéter de la contradiction sarkosyte qui consistait à précher la paix en Israël et vendre la technologie nucléaire tout autour de la Méditerranée : après la Libye, le Maroc, voici l'Algérie, visitée par l'effacé François Fillon, qui a signé un contrat «historique».
Pendant 6 mois, Angela (Merkel) va serrer les dents. Elle qui ne supporte plus la vulgarité agitée et narcissique du président Français va devoir accepter qu'il préside à son tour l'Union Européenne pendant 6 mois. Nicolas Sarkozy a annoncé ses 4 priorités, sans demander l'avis des autres États membres davantage préoccupés par l'échec du Traité de Lisbonne. C'est «son» moment. Il l'a même dit à France Télévisions : il serait temps de parler d'Europe dans vos journaux télévisés, «j'arrive.» Il souhaite parler de «défi climatique» (la France est en retard), de «défense commune» (la France réintègre l'OTAN), de politique agricole commune, et surtout de «maîtrise des flux migratoires.» L'immigration est en fait le grand sujet français de cette présidence européenne. Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux veulent sortir «par le haut» de l'indignité nationale dans laquelle les expulsions, défenestrations, et rétention d'immigrés, enfants ou adultes, les ont plongés. Faire accepter à nos voisins les mêmes saloperies permettraient au moins de faire bonne figure.
Ce débat démarre mal. L'Espagne de José-Luis Zapattero a refusé de cautionner la proposition française de François Fillon vendredi 27 juin: «Le principal objectif réside dans la prétention française d'interdire les régularisations massives d'immigrants» explique EL PAïS. Gageons qu'il aura moins de difficulté avec le nouveau pouvoir italien aux relents néo-fascistes qui a récemment ordonné la prise d'empreintes ADN d'enfants nomades.
Nicolas Sarkozy ne connaît pas de ligne jaune.
Pour lui, tout est possible.
Et pour nous ?
(*) Pour mes amis lecteurs non anglophiles, «le ciel n'a pas de limites.»
(**) Ce plan annoncé mardi 24 juin cherchait 3 milliards d'euros d'économies. Un porte-avion nucléaire coûte 2,5 milliards d'euros.
Par Jérémy Mercier de «République !», groupe de réflexion sur les questions républicaines. Libéral, libéralisme... des mots qu'on entend, qu'on lit partout. Mais d'où vient ce terme, et quels sont ses sens, au juste?
Le conflit polysémique propre au terme «libéral» tend à masquer un projet cohérent d'autonomie centrée sur le seul individu au détriment de l'intérêt général. Le libéralisme, considéré comme l'ensemble des doctrines qui tendent à garantir les libertés individuelles dans la société est en cela susceptible d'ambigüité, selon les critères que l'on attache à ces libertés. A ce titre, de la liberté d'expression à la liberté économique, fiscale ou religieuse, être libéral, de nos jours, ne revient-il pas à accepter, malgré la pertinence des Lumières, une définition de l'homme plus proche de l'utilité que de la liberté, de l'individu que du citoyen ?
L'unité du programme libéral : l'individu
Si le terme «libéral» fonde une doctrine arrivée en France au siècle des Lumières, c'est à la Glorious Revolution anglaise de 1688, précédant d'un an la signature par le prince d'Orange du Bill of Rights, qu'il doit son principe politique. S'agissant alors de la naissance du libéralisme comme méthode de rupture avec la monarchie absolue, un déplacement de souveraineté s'opère et marque un renversement radical puisque l'État a à charge désormais de protéger la liberté individuelle. Dès la glorieuse révolution anglaise, la défense de celle-ci prend donc le contre-pied de l'absolutisme monarchique par l'instauration juridique de la liberté d'expression et d'élection, de la presse et du Parlement. Mais l'essentiel, comme le théorise John Locke dans son Second Traité, revient à garantir la propriété privée de la personne, c'est-à-dire des biens et du corps de celle-ci. A ce titre, le libéralisme est politique puisqu'il dresse une théorie du gouvernement, de l'État et de la société civile. Néanmoins, l'État doit n'être pour lui que le garant de l'autonomie individuelle en protégeant la propriété de chacun. Ainsi, la loi est un instrument référé à l'intérêt particulier, bien qu'elle satisfasse cependant les exigences d'un libéralisme philosophique, caractéristique de la pensée des Lumières, en termes de tolérance, de respect d'autrui ou, bien sûr, de paix civile.
S'il est clair, par conséquent, que le programme libéral conçoit la politique sur une définition a priori de l'être humain comme un être libre avant d'être citoyen, et propriétaire avant d'être social, il va de soi que son projet s'attache à préserver les droits individuels et la coexistence pacifique pour assurer l'expansion de ses derniers. A ce titre, il n'est pas étonnant que Thomas Jefferson, lecteur d'Harrington et de Locke, ait exigé de l'État la garantie que tous les individus jouissent de leurs droits à la vie, à la sûreté, à la liberté, au bien-être et à la poursuite du bonheur (lire le Préambule de la Déclaration d'Indépendance de 1776). En ce cas, l'État s'en tient à un rôle minimal, préservant ainsi toutes les possibilités qu'un individu peut acquérir pour maximiser son bonheur, dans la paix civile, et l'accroissement de ses libertés par sa propriété. De fait, le libéralisme politique, appuyé par le libéralisme philosophique, déroule la possibilité juridique d'un libéralisme économique non entravé par les institutions, en ce qu'il garantit, dans le cadre de la paix civile et la protection des personnes (droits de l'homme), le progrès matériel par le biais du libre-échange et du commerce.
Ainsi, en tant qu'il constitue un emboîtement de sphères à sphères garantissant nécessairement l'extinction de toute référence à l'intérêt général comme aux valeurs sociales, le programme libéral diffère du républicanisme français en ce qu'il ne se fixe pas la recherche du bien commun (droits du citoyen), mais d'abord et avant tout la satisfaction de la liberté individuelle, ou dynamique objective de l'égoïsme, selon Jean-Claude Michéa (Impasse Adam Smith, p. 64). Sa référence est la société et non le peuple.
La liberté avant le libéralisme : les droits de l'homme et du citoyen
A ce titre, un exemple récent est donné par Bertrand Delanoë, dans son livre d'entretiens De l'audace !. Il utilise ainsi la référence des «États-Unis d'Amérique, le pays le plus libéral qui soit» (p.113) pour justifier par les droits de l'homme et la liberté individuelle la mondialisation, la discrimination positive (p.187) et l'adhésion à l'Europe «libérale» (p.44) contre le non français du 29 mai 2005. Pour lui, le libéralisme est à la fois la dignité du peuple tibétain (p.261), John Locke et Montesquieu, les valeurs humanistes et la mondialisation (p.286). De fait se déclare-t-il «libéral et socialiste», oubliant d'abord qu'il peut exister une liberté avant le libéralisme et ensuite un socialisme indépendant du programme libéral.
Jean Jaurès par exemple, expliquait, face aux attaques des libéraux, que la vraie liberté n'est pas dans le libéralisme de la propriété privée mais dans le socialisme de la propriété collective, donc sociale qui intensifie ensuite la liberté individuelle (lire Jean Jaurès, «Socialisme et liberté», in Revue de Paris, 1er décembre 1898).
De fait, la tradition républicaine rejoint cette pensée de Jaurès puisqu'elle défend les droits de l'homme et du citoyen. Elle refuse, en cela, de reconnaître la précession et l'hégémonie de l'individu sur le collectif, la Nation, la loi puisque, pour elle, vivre libre ne peut se faire sans la participation première au pacte social. Ainsi, alors que le libéralisme, dans son programme d'ensemble issu de la glorieuse révolution anglaise, limite l'intervention de l'État à la non-domination individuelle (d'où le couple libéral-libertaire favorable aux privatisations), le républicanisme, issu quant à lui de la Rome républicaine, juge la liberté à l'intensité de la citoyenneté, de l'espace public. L'individu vient ensuite, mais le citoyen est premier. Comme le note Claude Nicolet : aux yeux des Romains, restaurer la liberté c'est restaurer la respublica (Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, «Libertas», p.434). En ce sens, bénéficier de la liberté d'expression, accroître sa propriété privée et faire du commerce n'est pas, dans la théorie républicaine, vivre libre mais être esclave si l'État dans lequel résident les citoyens n'incite pas à la liberté de penser, ne véhicule plus de lien social, de circulation entre le peuple et ses élus et soumet tout un chacun à la juridiction et au contrôle de quelques puissants auxquels tous sont subordonnés. La liberté, en cela, précède le libéralisme : l'individu n'est jamais libre a priori ou une bonne fois pour toutes. Au contraire, il ne le devient que par la participation aux lois de sa Cité.
Le phénomène libéral n'est donc pas, surtout aujourd'hui, synonyme de liberté. Certes, il influença dans la tradition républicaine les constituants français et permit, en cela, un décloisonnement de la société encore inconcevable sous l'Ancien Régime, par une expansion de l'individu alors confisquée. Néanmoins, l'expérience révolutionnaire fut aussi et surtout une expérience citoyenne ne limitant pas le rôle de l'État à l'intérêt particulier ou à la «main invisible» : elle forma un peuple et non une société, des citoyens et non des individus, la liberté et non l'utilité.
Par André Bellon, président de l’«Association pour une Constituante». L'hostilité du gouvernement face à la proposition de pluralisme de la représentation politique dans la Constitution relance la question du réel pouvoir accordé au peuple.

Au cours du débat parlementaire sur la révision de la Constitution, voilà qu'est apparue soudain une idée a priori bien normale en démocratie : affirmer le pluralisme de la représentation politique comme un principe constitutionnel.
Émise au Sénat, cette proposition a suscité aussitôt l'hostilité d'un gouvernement accroché au bipartisme aseptisé comme l'arapède à son rocher. Grâce à une manœuvre habile, il a empêché le vote sur cet amendement dans lequel il voyait se profiler des remises en cause du financement de la vie politique, du rôle des médias ou du mode de scrutin.
Ainsi, une proposition banalement démocratique révèle-t-elle une fois de plus la nature fort peu représentative du système.
La diversité ? Seulement quand ça les arrange...
Certains esprits naïfs s'étonneront que ceux-là mêmes qui craignent tant la diversité politique aiment tant la «diversité culturelle» qui les pousse à privilégier les langues régionales au détriment de la langue française. Rien de plus logique ! Comment aider mieux des tendances dictatoriales qu'en émiettant le peuple soit disant souverain ?
En fait, une fois de plus, la preuve est apportée que le peuple doit retrouver le droit de définir directement ses propres institutions politiques.
Par Gérard Poirot, chroniqueur gastronomique, qui revient sur l'Agapé, et nous fait découvrir d'autres adresses.

Notre troisième déjeuner à l'Agapé depuis son ouverture au printemps confirme l'excellence du chef, Bertrand Grébaut, qui maîtrise remarquablement sa technique de cru-cuit dans deux plats du menu déjeuner à 39 euros : thon rouge aux airelles et pavé de canard normand, fondants après joli velouté rafraîchi de petits pois, relevé par un fromage de chèvre étonnant. Beau dessert glacé aux fruits rouges.
Un verre d'une cuvée spéciale de Manciat, un Saint-Véran blanc profond dûment carafé, avant la découverte du jour : une bouteille «nature» du Languedoc Roussillon, l'Écume des jours 2007 d'Édouard Laffitte, d'une telle finesse qu'on jurerait du pinot noir. En sortant, achat du millésime 2006 aux Caves Augé (12 euros) et d'une autre cuvée du même vigneron : Hop là 2005, à demander aussi à une bonne caviste parisienne : Jeanne, de Versant vins, au stand en plein air du marché des enfants rouges, repaire dominical des bobos du Marais.
Son voisin, Julien caviste, rue Charlot, propose aussi une sélection intéressante et sait faire partager son enthousiasme pour ses vignerons préférés. Ambiance joyeuse de la salle de l'Agapé, animée par le service attentif du maître des lieux, Laurent Lapaire, avec une équipe au diapason maintenant renforcée par un membre supplémentaire. Alchimie réussie entre la clientèle du quartier et celle des gourmets ayant traversé Paris pour arriver dans cette partie du 17ème voisine de Wagram.
Nos voisins, deux jeunes concierges de l'hôtel George V, passionnés de gastronomie attirés par des chroniques flatteuses, semblent ravis de leur découverte, tout comme deux habitués de Pétrus, institution du voisinage (des avis contradictoires nous incitent à y aller prochainement pour nous faire une opinion in situ).
Accueil charmant et jolie salle à la Briciola, la pizzeria à la mode du Marais, proche de la place de la République, mais mauvaise pioche : la pâte de la calzone est mollassonne.
Le soir de la fête de la musique, nous avons dîné «ailleurs» : en Corée, avec l'excellente cuisine familiale de Madame Lim, de l'Arbre de sel ; beignets délicats et raviolis moelleux, barbecue de bœuf traditionnel et marmite bouillante de porc, accompagnés de l'inévitable kimchi (le chou fermenté), d'un fin bouillon et de riz : on ne peut plus diététique, pour des tarifs sans concurrence (menus aux alentours de 10 euros pour un déjeuner complet). En extra, un saké doux pour plonger dans une douce euphorie.

Didier Petak, le truculent patron d'Entre les Vignes, remet à l'honneur une savoureuse spécialité lyonnaise en face de la gare de Lyon : le tablier de sapeur, parfait après une douzaine d'heures de cuisson. Le Morgon de Jean Foillard est servi ici dans des verres généreux, parfaits pour la dégustation.
Pratique :
- Agapé, 51 rue Jouffroy d'Abbans, 17ème.
Tél. 01 42 27 20 18.
- Caves Augé, 116 boulevard Haussmann, 8ème.
Tél. 01 45 22 16 97.
- Versant Vins, 33 bis rue Charlot, 3ème.
Tél. 01 42 72 34 85.
- Julien Caviste, 50 rue Charlot, 3ème.
Tél. 01 42 72 00 94.
- Briciola, 64 rue Charlot, 3ème.
Tél. 01 42 77 34 10.
- Arbre de sel, 138 rue de Vaugirard, 15ème.
Tél. 01 47 83 29 52.
- Entre les Vignes, 27 ter Boulevard Diderot, 12ème.
Tél. 01 43 43 62 84.
Par Étienne Chouard, le 18 juin 2008, qui pense que les représentants élus pour gouverner n’ont pas de légitimité à priver la puissance publique de la souveraineté, ni politique, ni monétaire, et que ceux qui le font sont des félons.

Le Non crié le 12 juin 2008 par les Irlandais contre le pouvoir illégitime européen - pouvoir qui s'impose aux citoyens d'Europe par la ruse et le mensonge (et bientôt la force ?) depuis cinquante ans - est une énième péripétie de l'idée démocratique, toujours voulue par les peuples et toujours refusée par les chefs. Ce troisième rejet populaire de l'union européenne des industriels et des banquiers m'inspire deux réflexions importantes et pourtant absentes du débat public, l'une juridique, l'autre économique : les peuples se voient confisquer leur souveraineté politique et leur souveraineté monétaire, et les deux sont étroitement interdépendantes.
• Sur le plan juridique
Les peuples méconnaissent une clef indispensable pour reprendre le contrôle de leurs représentants, une vieille clef cachée, une clef logique pour enfin instituer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes au lieu de subir éternellement le droit des élus à disposer des peuples.
Cette clef de la démocratie, aussi méconnue que décisive, peut se résumer ainsi : ce n'est pas aux hommes au pouvoir d'écrire les règles du pouvoir. Ce n'est pas aux ministres, ce n'est pas aux parlementaires, ce n'est pas aux juges, d'écrire ou de réviser la Constitution, car ces hommes-là sont, en cette occurrence précise, à la fois juges et parties : ils ont un intérêt personnel dans les règles qu'ils instituent - puisque tout pouvoir concédé au peuple est un pouvoir qui leur serait retiré à eux - et ils trichent en établissant à la fois des contrôles simulés et des pouvoirs citoyens factices.
Toutes les constitutions du monde prouvent, de fait, que cette analyse est plausible.
Notamment et très prioritairement, malgré quelques promesses lénifiantes, nos élus ne nous donneront JAMAIS l'indispensable institution du référendum d'initiative populaire, le vrai.
La qualité des institutions se joue donc au moment de fixer et de contrôler la composition de l'Assemblée constituante, celle qui va écrire la Constitution et la proposer au référendum : cette chambre fondatrice qui va fixer des limites aux pouvoirs ne doit comporter aucun homme de pouvoir et elle doit pouvoir exclure en son sein tout individu suspect de partialité.
L'élection de candidats imposés par les partis (hommes de pouvoir) est ainsi la plus mauvaise idée pour désigner l'Assemblée constituante, ce serait même (comme cela a toujours été) un véritable piège anti-démocratique.

Il faudrait que les électeurs puissent désigner librement des citoyens non candidats (qui pourront refuser) ; ou bien les tirer au sort ; ou bien une combinaison de ces modalités (tirer au sort une centaine de constituants parmi des citoyens élus librement).
Ce qui compte par-dessus tout, c'est que ce ne soit pas les mêmes hommes : ceux qui écrivent les règles du pouvoir doivent définitivement renoncer à l'exercer, tout comme Dacron, étranger appelé précisément pour cette tâche il y a 2 500 ans, a conçu les premières institutions d'Athènes et s'en est allé après avoir institué un (début de) véritable régime démocratique (sans doute le seul au monde à ce jour).
Inutile de préciser qu'en Europe on en est loin, on subit même l'exact contraire, la situation ne peut pas être pire : nous laissons nos maîtres écrire eux-mêmes les limites de leurs pouvoirs et nos capacités à résister à leurs abus… Plus naïf, tu meurs. Pourtant, après 200 ans d'expérience, nous sommes bien placés pour constater que l'élection ne tient pas ses promesses de justice politique : le mirage du suffrage universel a la peau dure.
• Sur le plan économique
Les médias présentent souvent les progrès fulgurants de l'Espagne et de l'Irlande comme à mettre au crédit des institutions européennes, comme si des progrès économiques justifiaient une régression démocratique et en oubliant que l'Espagne et l'Irlande ont bénéficié depuis des années de dizaines de milliards d'euros gratuits - sans obligation de remboursement, sans dette ! -, au titre des subventions européennes.
Ces subventions doivent être vues, pour ces pays, comme une création monétaire (prêtez attention) libre d'endettement : une monnaie sans charge d'intérêt, donc, et qui n'aura même jamais à être remboursée ; cela change tout par rapport au carcan monétaire actuel.
La prospérité «miraculeuse», forte et rapide, de ces pays financièrement assistés prouve aux peuples d'Europe qu'«il y a des alternatives» et notamment que la revendication nouvelle - celle qui monte parmi les citoyens en 2008 - est la bonne : ce n'est pas aux banques privées de créer la monnaie et d'en percevoir l'intérêt.
Nous manquons de monnaie libre (libre d'endettement) et les pays qui s'en procurent - les peuples qui se réapproprient d'une façon ou d'une autre la possibilité de créer la monnaie en suffisance (sans excès) - viennent à bout du chômage et de la pauvreté, et très rapidement !

Cette idée cardinale que les peuples doivent conquérir leur souveraineté monétaire - à travers la création exclusivement publique de la monnaie - est à la fois complémentaire et indissociable de la mienne : les peuples doivent conquérir leur souveraineté politique - à travers l'honnêteté du processus constituant : on n'aura pas l'une sans l'autre ; ces deux combats - pour la Monnaie et pour la Constitution - sont interdépendants et se renforcent mutuellement.
Autrement dit, on ne reprendra jamais le contrôle de la monnaie (condition sine qua non pour venir à bout du chômage, de la pauvreté et de la dette publique) sans écrire nous-mêmes la Constitution, car les élus ne sont élus que grâce à ceux qui ont financé - et qui continueront à financer s'ils sont dociles sur l'essentiel - leur campagne électorale, médias subordonnés à l'appui. Ces élus dépendent trop de ceux qui rendent possible leur élection (et qui vivent luxueusement aux dépens du peuple) pour donner un vrai pouvoir au peuple.
Au peuple de s'affranchir
Sans rien attendre des élus sur ce plan, c'est donc au peuple de s'affranchir de ses propres élus, non pas pour s'en passer - (nous sommes bien trop nombreux pour vivre en démocratie directe, nous avons besoin de représentants, et tout pouvoir, même celui du peuple, doit être modéré par des contre-pouvoirs) -, mais pour les remettre sous un contrôle sourcilleux, avec des institutions honnêtes : séparation des pouvoirs, reddition des comptes, possibilité de sanctions des élus fautifs, révocabilité des élus à tout moment, initiative populaire autonome et puissante, rotation des charges (non cumul et non renouvellement des mandats), respect et publicité des opinions dissidentes, mise en scène des conflits, révisions constitutionnelles conçues par la seule Assemblée constituante et confirmées obligatoirement par référendum, etc.
Or, qu'est-ce qu'on fait pour résister en ce moment ? Rien, rien et rien. On attend passivement qu'un parti ou un syndicat nous convoque pour une grande manifestation tous les six mois, sur un mot d'ordre secondaire (par rapport à la monnaie et au contrôle des pouvoirs) et puis, plus rien pendant six mois…
Je propose que tous les simples citoyens mécontents d'être si mal représentés, quelle que soit leur tendance politique, sans attendre d'être convoqués par un quelconque appareil partisan, organisent eux-mêmes librement chaque semaine (le mercredi à 18 h par exemple) des micro résistances durables et innombrables sous la forme de petites manifestations devant toutes les mairies d'Europe : le mot d'ordre serait la vieille clef cachée de la démocratie vraie : «nous voulons des pouvoirs légitimes, c'est-à-dire fondés 1) par une Assemblée constituante honnête (désintéressée) et 2) par un référendum».
J'appelle ces micro résistances des MOCRIEs, Manifestations Obstinées Contre le Régime Illégitime Européen, et chacun peut créer un forum pour sa MOCRIE sur le site www.cecri.info.
Rien ne se fera de bon pour les peuples sans la mobilisation permanente des citoyens eux-mêmes : chaque citoyen athénien défendait personnellement la démocratie grecque, quotidiennement, les armes à la main s'il le fallait, contre les oligarques. De ce point de vue, l'Internet est une chance inouïe pour l'humanité. J'invite donc chaque citoyen mécontent de son impuissance politique à agir en créant sa petite mocrie en bas de chez lui.
Saurons-nous réagir avant de nous laisser détruire ? Je l'espère.
Pour aller plus loin dans ce débat, vous pouvez consulter le site personnel d'Étienne Chouard.
Onzième épisode de votre sitcom de l'été : Plus belle la gauche ! Aujourd'hui, certains même parmi les plus féministes espèrent que le premier secrétaire du PS sera une premièREU secrétaiREU... Oui, mais laquelle ?

Résumé des 890387 épisodes précédents : La graphomanie s'est emparée de Gaucheville. Les stars écrivent des contributions, les starlettes, des contributions thématiques. La nation, la santé, l'écologie, l'union de la gauche, tout y passe… Alors qu'on les disait incapables de travailler, les beaux jours et le Congrès à venir semblent avoir réveillé chaque habitant. Mais entre la présentation du programme quasi présidentiel de Martine (Aubry) le 25 juin et celle du programme quasi existentiel de Ségolène (Royal) le 28… la différence ne serait-elle…. que de trois jours ? Une autre femme est possible, mais laquelle ?
Assis au bord de la mer, sous le soleil couchant, Jean et Éric, militants socialistes, soupirent, tenant chacun une rose à la main. Le ciel rougeoie et irise de reflets l'onde calme, leurs pieds balancent le long de la jetée. Finalement, c'est Jean qui brise le silence :
- Toi aussi, tu penses à elle ?
- Oui, murmure Éric. Elle a vraiment tout pour gagner…
- C'est vrai ! Elle est de plus en plus belle. Et puis elle présente sa contribution avec une des plus grosses fédérations et d'autres la rejoindront sûrement au moment du Congrès. Même si parfois, elle s'acoquine avec des stars de Gaucheville que je n'aime pas beaucoup.
- Et quelle bonne idée de faire un livre avec un sociologue de qualité. Elle montre qu'elle réfléchit, elle est plus carrée, plus affirmée.
- Elle a intégré beaucoup d'éléments modernes dans sa réflexion : cette histoire de Pacte de confiance avec Gaucheville pour qu'on retrouve l'esprit joyeux d'avant, cette prise en compte de la « démocratie sociale et participative »…
- Ah, pour le Pacte de confiance, j'avais pas vu. Mais elle a toujours aimé les Pactes…
- Et puis surtout, elle aime vraiment les militants et les cadres de Gaucheville.
- Oui, enfin, beaucoup lui en ont fait baver quand même. C'est à cause d'eux qu'elle a perdu, fait Éric en inspirant sa rose.
Jean ne comprend plus.
- Attends, tu parles de qui, Éric ?
- Mais… de Martine (Aubry). Qui d'autre ?
- Mais moi je te parlais de Ségolène (Royal) ! What else ?
- Quoi ?!!
Le moment magique se dissipe. Les deux militants se redressent.

-Mais... comment as-tu pu croire une seconde qu'on parlait de la même personne ?!, s'insurge Jean.
- Je te renvoie la question ! Martine présente sa contribution avec la puissante Fédération du Nord-Pas-de-Calais. Certes elle s'acoquine avec Jack Lang, qui fait rigoler tout le monde, mais elle va avoir le soutien des Reconstructeurs au moment de la désignation du chef de Gaucheville… Et puis elle sort un livre avec Jean Viard le 20 août et elle consacre tout un pan de sa contribution à la démocratie sociale et participative ! Mais elle, au moins, elle ne passe pas son temps à dire que le Parti lui veut du mal ! Elle tape sur la droite !
- Excuse-moi mais ta Martine n'est qu'une copieuse ! Ségolène est proche Manuel (Valls) qui présente une contribution avec la Fédération des Bouches-du-Rhône, qui est bien plus puissante ! Et puis elle sort un livre avec le sociologue Alain Touraine le 8 juillet, et pour le coup il est vraiment audacieux ! Elle y pose les vraies questions : « Qu'est-ce qu'un Parti ? », elle explique pourquoi « Le socialisme est capable d'être une idée neuve du XXIème siècle », elle parle d'écologie, d'État accompagnateur… Et la démocratie participative, c'est quand même elle qui l'a inventée ! D'ailleurs, le 28 juin, elle va présenter la synthèse des 2500 propositions proposées sur son site ! Et au moins, elle ne dit pas que les 35 heures, c'est super, elle ! Et elle va nous dépoussiérer ce vieux PS plein de courants (d'air) !
- Ah oui ? Et elle va être élue par qui, ta Ségolène ? Et comment peux-tu être si sûr que les tontons de province la suivront ? Elle n'arrête pas de dire que le Parti lui en veut, que rien n'est de sa faute si elle a perdu ! Ah, elles ont bon dos les 35 heures ! Dès le lendemain de sa défaite, elle en disait du mal ! Au moins, Martine, elle ne s'allie pas avec Bayrou, et elle a un vrai programme, pour la taxe Tobin, contre les stock-options et les parachutes dorés…
- Tintin! Et ta Martine, tu crois que les Reconstructeurs vont la laisser faire ? Tu crois qu'ils ne voient pas qu'elle a des ambitions ? Ségolène est beaucoup plus populaire dans les sondages !
- Non!
- Si !
- Et d'abord, la tienne, elle pèse combien au PS ?
- Et la tienne, elle pèse combien ?
- Malotru !
Jean et Éric en viennent aux mains. Le soleil se couche sur le port de Gaucheville. Les roses servent maintenant d'armes de poing…
A force de se demander « tu pèses combien », les habitants de Gaucheville vont-il investir dans un pèse-personne ? Benoît (Hamon) présentera-t-il sa contribution devant une salle vide à la Sorbonne, le 28 juin, alors que tous les journalistes seront à la présentation de celle de Ségolène à la maison de la chimie ? Martine continuera-t-elle à se cogner dans des objets lorsqu'on lui parle de Ségolène ? Ségolène parviendra-t-elle à réconcilier Edwy (Plenel) qui la soutiendra samedi et Le Monde, qui publie les bonnes feuilles de son livre ? Une seule façon de le savoir : suivre attentivement votre sitcom favorite… Plus belle la gauche !
Ce week-end, la LCR lance son Nouveau Parti anticapitaliste. Adoubé par Sarkozy, le parti du facteur a de quoi faire peur au PS… qui a pourtant bien d’autres soucis.

Qu'a exactement dit Nicolas Sarkozy ? Selon Le Canard enchaîné du 18 juin, il aurait expliqué à François Hollande dans l'avion de retour de Beyrouth, le 7 juin : « Vous nous avez bien emmerdés avec Le Pen pendant des années, maintenant on va vous niquer avec Besancenot. » Mais si l'on se fie au Libération du 27 juin, cela devient : « On va vous faire avec Besancenot ce que vous nous avez fait avec Le Pen ! » (version déjà moins fleurie). La formule est reprise dans une langue encore plus châtiée dans Le Monde 28 juin : « La droite a mis vingt ans à régler le problème de l'extrême droite, aujourd'hui, c'est à votre tour ! » Ne chipotons pas sur des peccadilles, le message est clair, le NPA - Nouveau Parti anticapitaliste - que lance Olivier Besancenot ce week-end serait, qu'il le veuille ou non, l'allié objectif du sarkozysme. Comme pour appuyer les déclarations présidentielles, des organes qu'on peut difficilement soupçonner de gauchisme publient dans la foulée des sondages qui font mousser le facteur. Le Figaro, enquête Opinion Way à l'appui, assure que Besancenot serait le meilleur opposant à Sarkozy tandis que L'Express, avec la caution de BVA, fait savoir que « Les Français aimeraient que (Olivier Besancenot) ait plus d'influence dans la vie politique ». Au PS, on réagit… comme on peut.
Miroir magique
Daniel Vaillant, à l'initiative d'un groupe de réflexion sur le parti d'extrême gauche qui n'a, pour l'instant, fait qu'une réunion, refuse de comparer la Ligue avec le Front national : « La différence, c'est que nous sommes tous deux à gauche et que nous partageons une vision commune sur les inégalités, la justice sociale, etc. » Et l'ancien ministre de renvoyer la balle dans le camp de l'adversaire : « la question se pose en réalité à la Ligue : veulent-ils rester dans une posture protestataire pour nous tondre la laine sur le dos ou sont-ils prêts à se battre avec nous contre la droite ? » A quoi Olivier Besancenot répond par une formule façon « miroir magique » sur Canal + dimanche dernier : « Le PS doit répondre à la question : est-ce que pour lui, le plus gros problème, c'est nous, ou est-ce que c'est la droite ? »
Heureux, Sarko ?
A la Ligue, on boit du petit lait. Même si le groupe réflexion du PS ne mobilise pas les foules et si les principaux participants – d'anciens trotskystes comme Julien Dray, Jean-Christophe Cambadélis ou encore Henry Weber – ont d'autres chats à fouetter, Congrès du PS oblige, c'est tout de même un honneur pour les trotskystes de mobiliser ainsi l'attention. « C'est l'hommage du vice à la vertu », ironise Alain Krivine. Mais l'idée d'entamer un quelconque dialogue avec un « PS qui dérive de plus en plus vers la droite » n'inspire aucunement les leaders du Parti. Et de toute façon, côté LCR, on explique que « c'est toujours le PS qui refuse de discuter ». Dialogue de sourds. La marginalisation de Christian Piquet, dirigeant de la minorité LCR qui faisait le trait-d'union avec les courants à la gauche du PS, du bureau politique de la Ligue n'arrange rien. La prétendue stratégie Sarkozy fonctionnerait-elle ? « A cette différence près que le Front national avait réuni toutes les tendance de l'extrême droite alors que la Ligue est isolée à l'extrême gauche», analyse Jean-Christophe Cambadélis. Seul, à gauche du Parti socialiste, Jean-Luc Mélenchon observe la crise au PS et la radicalisation des électeurs avec intérêt, voire bienveillance. « Si le PS s'enfonce dans sa dérive social-démocrate droitière, ça ne me dérange pas d'aller à la Ligue », lâche-t-il en riant. Sans rire, quelques militants issus des rangs de son courant, feront sans doute le déplacement à la Plaine Saint-Denis, ce samedi, pour le grand meeting du nouveau parti de Besancenot. Au risque de céder aux charmes du facteur le plus charismatique de France ?
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