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Date :: 23/3/2012 12:00:02 (Mettre à jour)
L'article de Sylvain Lapoix qui a maquillé en chefs de tribus les députés UMP qui critiquent ouvertement le Président a amusé beaucoup de Mariannautes.

Les bisbilles de la majorité ont mis les Mariannautes de bonne humeur. Le spectacle de tous ces sarkozystes de la première heure, type Estrosi ou Gloasguen, ruer dans les brancards, réjouit les déçus de l'élection présidentielle. Jojo s'amuse : « Fillon, Copé, Sarko : le père, le fils, le saint-esprit,
Fillon, Copé, Sarko : le bon, la brute et le Truand. » Gosseyn, lui, anticipe une crise de régime : «Résumons :
un Président autocratique, hypernarcissique isolé dans son chateau ;
des conseillers non élus qui fon lapluie et le beau temps ;
des ministres castés pour la télé aux abonnés absents ;
une majorité de godillots en pleine rebellion ;
une opposition officielle (le PS) qui a la tête ailleurs, et heureusement parce qu'elle a l'air serieusement vide (leur tête) ;
une autre opposition absente de la représentation nationale (modem, vert, alter).
Pas la peine d'attendre 2012 pour la crise de régime, la Ve ne passera pas l'année à ce rythme.»
Pour Gradguy, la polémique interne à la majorité relève de la pure mise en scène : «Pourquoi Marianne ne relève pas la supercherie politique ? Sarkosy organise depuis qu'il est élu sa propre opposition pour casser la gauche et le Modem. Tout cela n'est qu'orchestration digne des plus grandes dictatures et de l'aliénation des peuples. »
A propos de mise en scène, le déguisement des «rebelles» de l'UMP auquel s'est livré Sylvain Lapoix a amusé beaucoup de Mariannautes. Bellissimo Hombre : « Taureau centriste - Mouette protectrice - Belette argneuse - Renard ambitieux - Loutre opportuniste - Hibou persévérant - Héron patient :
Tous de vaillants guerriers prêts à en découdre avec Petit Castor Nerveux : Le Manitou des hautes plaines… .
Nous allons avoir une sacrée envolée de plumes.
Pourront-ils faire l'union sacrée avant d' affronter la cavalerie du Général : François Bayrou Custer ?
Quel beau scénario de Western ou à la fin c'est toujours les Bleus qui gagnent…
Sauf que là, ironie du sort et dure réalité de l'histoire : Custer est mort d'avoir sous estimé la ruse des Sioux et des Cheyennes .»
ELECTRO, lui a «scanné» le parcours de Christian Estrosi : «Au sujet de " belette opportuniste ", il faut savoir qu'il cumule actuellement la mairie de Nice, la presidence du conseil général des Alpes Maritimes puisqu'il est le conseiller général du canton de Saint Etienne de Tinée et s'il brigue un siège à l'assemblé, c'est sur une circonscription qui s'étend de pas très loin du bord de mer, à l'embouchure de Var, coté Nice jusque quelque part du coté du col de La Bonnette, le plus haut d'Europe, plus haut que Saint Etienne de Tinée.»
Mais l'humour de la rédaction de Marianne2 ne sied pas à tout le monde. Beubeu a «l'impression qu'a travers les photos montages vous cherchez à ridiculiser des personnes plutot que les idées. Le débat politique doit rester au niveau des idées et de la démonstration et ne doit pas s'attaquer aux individus.
J'avoue que le montage sur Jacques Myard, Belette hargneuse est quand même très bien. »
Anne 94, note (et ce n'est pas la seule) ce qui lui apparaît comme une erreur de l'article : «Nicolas Dupont-Aignan n'est plus UMP mais non inscrit et a créé son propre parti Debout la République.» Elle a raison : Nicolas Dupont-Aignan a effectivement quitté l'UMP en novembre 2007. Mais il a été élu sous cette bannière.... et surtout, Sylvain Lapoix a bien précisé dans son article que le leader de Debout la République était non-inscrit.
54ème semaine de Sarkofrance. Cette fois-ci, juan se demande si le service minimum tant souhaité par le gouvernement ne devrait pas s'imposer d'abord à la majorité.

Le service minimum est à l'honneur en cette 54ème semaine de Sarkofrance. Nicolas Sarkozy veut l'imposer aux enseignants, confondant garde d'enfant et éducation. Hortefeux le pratique, avec les travailleurs sans-papiers. Les députés UMP l'imposent, à un gouvernement à bout de convictions. Service minimum pour tous en Sarkofrance !
Satisfaction minimum
Pour la première fois depuis longtemps, Nicolas Sarkozy a souri. Une satisfaction minimum, mais réelle, pour des résultats minimum : le Président s'est réjoui du taux de chômage (on le savait), mais surtout d'une croissance française estimée à 2,2%. Une belle occasion de fustiger les économistes et la Commission européennes et leurs prédictions malheureuses.
"Je dis simplement à Bruxelles: regardez vos chiffres. Parce que si l'INSEE a revu ses chiffres (de la croissance pour 2008) à la hausse, peut-être que Bruxelles peut aussi s'interroger sur ses chiffres"
Que l'emploi salarié privé progresse moins qu'avant semble inquiéter personne. On croyait que le dispositif de faveur des heures supplémentaires devait encourager le travail. Le temps aidant, on constate qu'il n'en est rien.
Enseignement minimum
A chaque grève à l'Education Nationale, le gouvernement se plaît à entretenir la confusion entre enseignement et garde d'enfant. Prenant à témoin les parents d'élèves, Xavier Darcos a menacé les enseignants d'un projet de loi sur le service minimum à l'école.: il souhaitait que les enseignants grévistes s'identifient 48 heures avant la grève. Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy a confirmé la menace. La loi sera pour l'été.
Solidarité minimum
C'est peut-être au sein de la majorité présidentielle qu'un service minimum de solidarité d'action devrait être rapidement mis en place. Les parlementaires de droite ont de tout temps moins joué la solidarité de groupe que leurs homologues de gauche. Mais cette semaine a été exemplaire : absents de l'hémicycle et traînant des pieds, les députés UMP ont laissé la gauche rejeter le texte de loi sur les OGM 13 mai. Le lendemain, l'histoire se répète: la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée Nationale a rejeté la réforme des institutions.
Parlementarisme minimum
Un confrère blogueur s'amuse de cette "Rolex Constitution." Il a raison. Le projet soulève des questions. Sous prétexte de toiletter le régime, il donne des gages au Parlement pour occulter l'essentiel : le droit de vie ou de mort du Président sur les députés (i.e. le pouvoir de dissolution de l'Assemblée Nationale).
Protection minimum pour les journalistes
A la présentation de son projet de loi, Mme Dati a expliqué que la protection des sources ne pouvait être absolue. La loi fut votée jeudi 15 mai. Son texte précise que «le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l'information du public sur des questions d'intérêt général.» Mais les dérogations à cette protection sont floues: le journaliste devra se plier à «un impératif prépondérant d'intérêt public.» Un comble.
Sentiment troublant. Sarkozy donne des leçons aux autres qu'il n'applique pas à son camp.
Le service minimum est pour les autres (enseignants, chômeurs, retraités).
Ami Sarkozyste, où es tu ?
Retrouvez d'autres textes de juan
Le député-maire de Drancy Jean-Christophe Lagarde (Nouveau Centre) était l'invité du douzième Parlons Net. Il a raconté l'action de lobbying du groupe Bouygues à propos de la réforme de l'organisation des médias.
Jean-Christophe Lagarde un député très singulier. Ancien partisan de François Bayrou, il a rallié la majorité tout en manifestant fréquemment une indépendance et une liberté de ton à laquelle il affirmé être attaché plus qu'à tout. Ainsi a-t-il voté contre la ratification du Traité simplifié, estimant que l'on contredisait là l'expression du peuple par une référendum. Pour l'interroger à la Maison de la Radio, il y avait David Abiker de France-Info, Viriginie Ruels de Bakchich-info, Julien Lacroix de Rue89 et Philippe Cohen de Marianne2.
Parlons net 12 J-C Lagarde 1/4
«François Bayrou doit se remettre en cause »
Jean-Christophe Lagarde se félicite de ce que l'on a appelé le couac de l'OGM qui témoigne pour lui de la bonne santé et du renouveau de l'Assemblée nationale. Lui-même était à l'Elysée pour discuter du projet de Constitution au moment du vote OGM qu'il n'aurait pas approuvé de toute façon, dit-il. «L'erreur du gouvernement est d'avoir souhaité adopter la loi sans ce que l'on appelle le vote solennel avec la présence des tous les députés dans des conditions normales. »
Concernant le projet de Jean-François Copé, le chef des députés UMP, Jean-Christophe Lagarde récuse le terme de coproduction législative. Pour lui, le gouvernement propose et les parlementaires se prononcent. «Ce n'est pas parce qu'on est contre la loi sur les OGM que l'on veut faire tomber le gouvernement.» Autre critique, le député du Nouveau Centre regrette que les parlementaires français ne se donnent pas les moyens de valider ou d'amender en amont les directives européennes, comme cela se pratique en Allemagne notamment, ce qui aboutit à ce que l'Assemblée doit se contenter d'agir dans le cadre de directives européennes pour 70% des lois qu'elle adopte.
JC Lagarde déplore que les députés soient bombardés de projets législatifs à chaud, comme cette loi sur les pitbulls adoptée cinq jours après l'agression d'un enfant. Comment s'étonner, dès lors, que la majorité des lois ne soit pas appliquée ?
Enfin, Jean-Christophe Lagarde revient sur son divorce avec François Bayrou. Il note que les Maires bayrouistes qui ont fait de bons scores avaient noué une alliance avec l'UMP. Il constate que plusieurs parlementaires centristes considèrent que la stratégie de Bayrou est suicidaire. «François Bayrou doit se remettre en cause », conclut-il.
Parlons net 12 J-C Lagarde 2/4
Les Maires sont obligés de tricher pour défendre les intérêts de leurs communes
Jean-Christophe Lagarde développe alors sa thèse sur les hypocrisies françaises, titre d'un livre qu'il vient de publier aux éditions du Cherche-Midi. Il dénonce les ententes des entreprises locales dans le BTP qui, selon lui, se partagent les marchés publics en se distribuant les villes, ce qui aboutit à ce que les municipalités paient plus cher que les particulier le linéaire de ligne électrique ou le m2 de béton. Il raconte le témoignage d'un électricien de sa commune qui a pu lui donner à l'avance les résultats d'un appel d'offres «arrangé» entre les entreprises.
Puis, le député du Nouveau Centre revient sur la loi LME et constate le déficit de concurrence dans certaines zones de chalandise. Il dénonce les ententes pratiquées par les grandes enseignes de la grande distribution.
Parlons net 12 J-C Lagarde 3/4
«Quand j'ai annoncé un projet de loi sur les médias, j'ai été démarché par Bouygues.»
Revenant sur la pipolisation de la vie politique, le député du Nouveau Centre note que le Président a entrainé toute la classe politiques dans une dérive dommageable. Il appelle de ses voeux la naissance d'une nouvelle agence qui mettrait fin au monopole de l'AFP. Les groupes industriels n'investissent pas dans la presse pour gagner de l'argent mais pour y exercer de l'influence.
«J'ai eu la visite de TF1, ajoute-t-il, dont les responsables m'ont juré que jamais ses dirigeants intervenaient dans la ligne éditoriale de la chaîne.»
Revenant sur l'affaire Sevran, Jean-Christophe Lagarde se dit révulsé, choqué par l'attitude d'Europe n°1 : «Humainement ça pue» , s'étonnant que des médias se bagarrent pour annoncer les premiers la mort d'un homme...»
b[Bakchich banni de Bercy ?]b
Enfin, les participants abordent les meilleurs papiers du Net de la semaine, et condamnent, y compris Jean-Christophe Lagarde, l'incroyable épisode qui s'est passé cette semaine au Ministère de l'économie, où la Président de l'Association des jorunalistes d'économie a éconduit Virginie Ruels qui avait eu le tort de «mettre Christine Lagarde mal à l'aise.»
Parlons net 12 J-C Lagarde 4/4
Par JR. La proposition de Sarkozy sur le maintien de la garde des enfants pendant les grèves de profs n'a rien à voir avec un service minimum : c'est un nouveau service public !
Service minimum ? Quel service minimum ? Ce que l'impayable Sarkozy nous a proposé hier n'a rien à voir avec un service minimum. Vous le savez bien, notre président et ses amis sont fâchés avec le vocabulaire (et l'orthographe nous dit-on). Ou l'utilisent à des fins tactiques. «Le service minimum» est exactement le genre de chiffon rouge que le président aime agiter pour exister en ces périodes de mauvais sondages.
Soyons précis. Ce qu'on appelle communément le service minimum, c'est le maintien d'une activité réduite en cas de grève dans un service public par ce service public. Autrement dit, la garantie d'un fonctionnement au ralenti d'un service public pendant une grève. Le service minimum est une idée absurde dans la mesure où les grèves ne sont jamais suivies à 100% et qu'un «service minimum» est donc assuré à chaque fois. Mais peu importe. C'est une idée bien pratique pour la droite puisqu'elle permet de dresser les pauvres usagers contre les méchants profs grévistes et en passant de s'attaquer sournoisement au droit de grève, en commençant par le secteur public.
Mais dans le cas de l'école primaire (tout le monde semble considérer que la garde des enfants n'est plus un problème après 11 ans), Sarkozy nous propose de créer un nouveau service public : celui de la garde d'enfant municipale, gratuit car entièrement pris en charge par votre mairie. Encore mieux que les centres aérés ou les crèches. En pleine période de guerre au déficit budgétaire, le président lance un nouveau service public. Après les crèches d'entreprises encouragées par Xavier Bertrand, voici le Grand Service Public de Baby-sitting. Sans doute une bonne idée de business pour les deux compères si, comme Sarkozy le prétend, il souhaite se lancer dans les affaires après 2012.
Vos enfants vous empêchent de travailler plus? Heureusement Sarkozy est là!
Oui, vous avez bien entendu : aux nombreux parents harassés qui passent leur temps à travailler plus et à moins voir leur enfants, Sarkozy propose un service de garde pendant les grèves de profs. Autrement dit, les enseignants pourront bientôt faire grève à qui mieux mieux sans énerver les parents, qui du coup pourront enfin se ranger au côté des profs en grève, en toute objectivité, sans que leur jugement soit altéré par l'agacement légitime que provoque un problème de garde pour le parent moyen. Ils pourront désormais faire front et même défiler au coude à coude dans les manifestations. Et, qui sait, ils découvriront peut-être à cette occasion qu'après tout, les enseignants aussi sont des parents d'élèves.
Et après tout si Sarkozy considère comme un droit celui de bénéficier d'une garde d'enfant gratuite pendant que les parents travaillent plus pour gagner plus, qu'il ne s'arrête pas en si bon chemin. A quand la garde gratuite pendant les heures sup ? A quand des places en crèche pour tout le monde ? Allons plus loin, pourquoi ne pas créer dans la foulée le «service minimum» des employeurs, qui devraient s'acquitter d'un minimum de salaire lorsque leurs salariés sont absents pour cause de grève des transports ? Le dialogue social tant espéré par Sarkozy pourra enfin s'engager dans une société apaisée et solidaire.
La proposition présidentielle de jeudi soir n'a donc rien à voir avec un service minimum briseur de grève, au contraire. Les maires socialistes doivent rapidement revenir à la raison et soutenir cette brillante initiative. Créer un service public de garde d'enfants pour arranger les parents pendant les mouvements de grève dans l'enseignement, c'est une politique de gauche ou je m'y perd. Sans doute l'influence bénéfique de Carla. A moins que ce soit celle de Guaino et de sa «politique de civilisation».
Au fait, et s'ils faisaient grève dans ce nouveau service public ? En attendant que Sarkozy puisse créer sa société, il est fichu de leur imposer un service minimum !
Avec La Lettre A, la chronique de Jean-Michel Quatrepoint. De nombreux responsables politiques européens se déclarent tout à coup très critiques vis-à-vis du capitalisme et des rémunérations patronales. Alors qu'il y a quelques années encore...

«Les dérapages excessifs de rémunération des dirigeants d'entreprise que nous constatons sont proprement scandaleux». Doit-on ces propos à Olivier Besancenot ? A un altermondialiste forcené ? Que nenni ! C'est le très honorable Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, que l'on dit bien placé pour devenir le premier président de l'Union européenne, qui les a tenus, cette semaine à Bruxelles. Les quinze pays membres de la zone euro ont été invités à mettre en place des dispositifs fiscaux pour limiter les parachutes dorés et mieux encadrer les rémunérations excessives, bonus et autres stock-options.
Comme en écho, le président de la république allemande, Horst Köhler, a décrit les marchés financiers comme un «monstre». Aux Pays-Bas, le ministre des finances met la dernière main à un texte de loi pour limiter les indemnités de départ des dirigeants, estimant que «la cohésion d'une société n'était pas assurée par des inégalités inexplicables». Il est vrai que l'opinion publique néerlandaise a été quelque peu traumatisée par les dizaines de millions d'euros empochés par plusieurs dirigeants d'entreprise éjectés à l'occasion de fusions.
Un très récent retournement de veste
Comme quoi, la «chasse aux riches» n'est pas l'apanage des Français ! Il est vrai que plus les temps se font durs pour les classes moyennes occidentales et plus l'étalage de la fortune des hyper-riches dérange. Pourtant, on est en droit de se demander si ces estimables dirigeants européens - on pourrait y inclure Nicolas Sarkozy - sont des naïfs ou des démagogues. Les bonus, les stock-options, la progression exponentielle des rémunérations des managers, les fabuleux profits des traders, banquiers d'affaires et autres intermédiaires, ne datent pas d'aujourd'hui. C'est un phénomène qui s'est mis en place dans les années 80 et s'est généralisé dans les années 90. Chaque année, on publie des palmarès des rémunérations des grands patrons. Il existe même des études qui recensent l'accroissement annuel du parc de millionnaires et, maintenant, de milliardaires en dollars.
Les Néerlandais ont la mémoire courte. Au sein de l'Union européenne, ils ont été les plus ardents défenseurs d'un libéralisme à l'anglo-saxonne. Ils ont même été les champions du dumping fiscal, multipliant les législations favorables pour attirer les sièges sociaux, en leur faisant miroiter une fiscalité voisine de zéro. Il y a peu de temps, ils ont débauché le groupe de rock U2, en lui proposant de payer encore moins d'impôts qu'en Irlande, pourtant un modèle en matière de paradis fiscal.
En Grande-Bretagne, un néo-libéralisme assumé
Alors que l'Eurogroupe envisage de taxer les superprofits, on remarquera qu'Outre-Manche, les timides velléités de remettre en cause les avantages fiscaux offerts aux riches étrangers ont été vite balayés. Depuis près de vingt ans, les Européens se voilent la face. Il y a bien deux modèles économiques en compétition : le modèle social européen et le modèle anglo-saxon, qui a trouvé une seconde jeunesse avec la globalisation et l'alliance avec la Chine. L'un et l'autre ne sont pas compatibles.
Oui, le modèle anglo-saxon, qu'on le baptise de néolibéral ou d'hyper-capitaliste, accroît les inégalités, et entend réduire le rôle des Etats ainsi que de la politique. C'est même sa raison d'être. Chaque individu doit garder un espoir chevillé au corps : pouvoir, lui aussi, accéder un jour à la fortune. Qu'il devienne sportif ou artiste de renom, mannequin vedette, trader inspiré, avocat astucieux ou joueur de poker talentueux. Et s'il n'a aucun de ces dons, il reste… le Loto !
Dans son livre "Le Travail au noir, une fraude parfois vitale?", la sociologue Florence Weber explore, exemples à l'appui, la réalité du travail non déclaré. Et brise au passage quelques idées reçues.

C'est un petit livre que Le Travail au noir, une fraude parfois vitale? de la sociologue Florence Weber, en fait la transcription d'une conférence donnée par Normale Sup et l'association Emmaüs. Pourtant, en ces quelques pages s'expose toute la complexité du travail non déclarés. Les uns et les autres ont leur avis sur la question: «Le travail au noir, c'est une nécessité pour des employeurs pris dans un droit du travail coercitif, incapables de faire face à l'usine à gaz des charges sociales...», ou à l'inverse, «Le travail au noir, c'est la négation du droit du salarié à une protection sociale digne de ce nom. Tout ça au profit du patronat qui s'en met plein les poches sans penser aux êtres humains qui travaillent pour ces profits...»
Florence Weber casse ces schémas bien pratiques (lire ci-dessous les deux portraits de travailleurs au noir dressés par la sociologue) pour mettre en question non pas le cynisme des employeurs, non pas l'insécurité des travailleurs à la merci des patrons, mais le système de protection sociale. Bien entendu, cette misère est réelle, bien entendu les patrons-voyous existent. Mais l'ampleur du phénomène (entre 5 et 10 % du PIB des pays développés) exclut que l'on s'arrête à ces cas.
Les oeillères du système
Car le problème, explique Florence Weber, est ailleurs, dans les outils de visibilité de l'Etat pour mesurer les situations et organiser la solidarité: déclarations d'impôts, enregistrement à l'ANPE... Des outils obsolètes toujours fixés sur le modèle d'emploi des années 70 (hommes à temps plein, femmes au foyer), existence d'angles morts dans ce regard de l'Etat (les chômeurs n'ayant jamais travaillé, les jeunes...) qui faussent le jeu de la redistribution. Qui est trop protégé, qui ne l'est pas assez? Voilà une question à laquelle on n'est plus capable de répondre.
Par ce que le système, nous dit ce petit livre, agit sur le mode de la criminalisation du travail au noir, le faisant tomber dans l'immaîtrisable clandestinité. Sans que soient par ailleurs imaginés d'outil plus fin que le traitement aveugle: une PME vaut-elle une entreprise du Cac 40? l'agriculture vaut-elle la restauration? Lina vaut-elle Françoise (lire ci-dessous)?
C'est un petit livre, certes, mais qui risque bien de bloquer le lecteur au moment d'énoncer des avis très tranchés sur la question. Ce qui est déjà très bien, pour un si petit livre...

EXTRAIT
Deux figures du travail au noir
Lina, femme de ménage, au noir par confort
J'évoquerai deux cas très contrastés.
Le premier, c'est celui d'une femme que j'appellerai Lina, ancienne ouvrière, femme d'ouvrier à la retraite et mère de plusieurs fils qui sont eux-mêmes ouvriers. Après avoir travaillé très brièvement à l'usine, Lina a été pendant longtemps femme de ménage déclarée chez des particuliers, plutôt bien payée en termes de salaire horaire puisqu'elle était particulièrement efficace et qualifiée et qu'elle
travaillait chez des patrons qui reconnaissaient ses qualités. Lina est d'origine étrangère et une grande partie de sa famille est restée au pays, dont ses parents âgés. Elle a aujourd'hui cinquante ans, et plus le temps passe, moins elle a besoin d'un statut de travailleur, et plus elle a besoin de temps et d'argent pour pouvoir aller s'occuper de ses parents de l'autre côté des mers.
Ce point est extrêmement important puisque cela explique comment, après avoir été si longtemps une femme de ménage déclarée, elle en est arrivée à réclamer à ses derniers patrons de travailler au noir.
Du point de vue de ses droits sociaux, elle est ayant droit de son mari retraité, et pour un certain nombre d'avantages secondaires, elle est ayant droit de ses enfants, en particulier de l'un de ses fils qui travaille à Air France. Parce qu'elle considère avoir la charge de ses parents âgés, il est extrêmement important pour elle d'avoir droit à des billets d'avion à très bas tarif.
Ce qui est intéressant, c'est qu'elle est triplement protégée : elle est protégée familialement par ce que Robert Castel a appelé la protection rapprochée – elle a une famille qui est très proche d'elle. Elle est protégée par l'État puisqu'elle est assurée sociale à la fois au titre de ses emplois déclarés et du fait des droits sociaux acquis par le mariage. Ces droits sociaux sont infiniment meilleurs que ceux qu'elle a pu retenir de ses trente ans de carrière de femme de ménage. En effet, elle a découvert que bien qu'ayant été payée et déclarée régulièrement, elle n'avait aucun droit à la retraite, et que, comme elle était à temps partiel, elle n'avait même pas droit à des remboursements de la Sécurité sociale au moment d'un arrêt de travail. Enfin, elle est également protégée par ce que j'appellerai un paternalisme d'entreprise.
On en arrive ainsi à une situation relative- ment aberrante. Certains avantages sociaux sont liés aux revenus du ménage – dans son cas, son ménage est non imposable, même si elle déclare ses heures de ménage. En revanche, la convention collective des employés d'Air France exige, pour faire profiter les ascendants de billets d'avion à bas tarif, non pas que ceux-ci disposent de faibles revenus, mais
qu'ils ne travaillent pas. C'est la raison pour laquelle Lina a exigé de son employeur de cesser d'être déclarée.
Elle est donc passée dans le travail au noir, non sans réticences de la part de son employeuse. L'une et l'autre avaient vu leur confiance dans l'État – ou dans cette émanation de l'État qu'est la Sécurité sociale –ébranlée par l'absence totale de dédommagement lors d'un arrêt-maladie prolongé.
Françoise, ou la fragilité du travailleur au noir
Le second cas, inversement, donne une idée des difficultés dans lesquelles le travail au noir peut plonger certains salariés. Une autre femme, un peu plus âgée (60 ans), et que j'appellerai Françoise, a été toute sa vie salariée à temps plein, mais au noir, chez un libraire. Elle est diplômée de l'Université (bac + 4), d'origine populaire, et diffère familialement de la précédente – elle a élevé seule sa fille, sans
mari ni concubin. Après trente ans de travail au noir chez ce libraire, elle a été licenciée, la librairie ayant fait faillite, et s'est trouvée sans aucun droit puisqu'elle n'avait jamais été déclarée.
Cette fois, nous sommes à l'autre extrême. Françoise ne bénéficie d'aucune protection rapprochée, n'ayant personne sur qui compter. Elle a été victime de sa croyance dans le fait que ses patrons libraires étaient aussi ses amis, mais une fois licenciée, elle a découvert que cette amitié n'allait pas très loin. Elle ne bénéficie d'aucune protection patronale légale, non plus que d'aucune protection publique, ni comme salariée ou ancienne salariée, ni comme ayant droit de qui que ce soit. De plus, se sachant fragile, elle avait acquis un minuscule appartement dans un quartier riche de Paris, trop petit pour sa fille et elle, qu'elle avait loué. Mais son locataire ne payait pas son loyer, et lorsqu'elle l'assigna au tribunal, elle sentit qu'en tant que propriétaire pauvre, elle ne disposait d'aucun argument audible socialement. Sa fille finit par la quitter pour se rapprocher de son père et elle s'installa dans cet appartement devenu insalubre, toujours sans recours.
Françoise s'est donc retrouvée dans le circuit de l'assistance aux pauvres et a ensuite retrouvé du travail dans le secteur peu protégé des services à domicile, comme auxiliaire de vie ou nounou, plus ou moins déclarée, mais étant donné l'irrégularité de ses emplois, le faible nombre d'heures déclarées et surtout
l'âge auquel elle a commencé sa carrière d'employée déclarée, elle n'a évidemment aucune chance de sortir du cercle vicieux de la pauvreté.
D'un côté, on observe ainsi un cumul de protections dont certaines sont inutiles, voire des dispositifs de lutte anticumul qui poussent les gens à entrer dans le travail au noir, et de l'autre, un cumul des désaffiliations sans possibilité de recours d'aucune sorte.
Le Travail au noir, une fraude parfois vitale? de Florence Weber, professeur de sociologie à l'Ecole normale supérieure, est publié aux éditions Rue d'Ulm.
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