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Date :: 23/3/2012 12:00:02 (Mettre à jour)
Par Philippe Bilger, magistrat, qui s'agace de voir le travail, les échecs, les succès, systématiquement partagés, au détriment de la liberté, de la profondeur. Par peur d'assumer?

Je sais qu'aujourd'hui, la solitude est mal vue. En politique, en art, aux César, aux Molière, on n'a que la notion d'équipe à la bouche, et c'est interminable. Lassant. Ridicule à force.
Pour faire disparaître ce qu'on est, ce qu'on a fait, on se néantise, on se la joue modeste. C'est à peine si on voudrait exister. Ce besoin de se fondre, de dissiper sa singularité, de s'effacer derrière le nombre m'a toujours fasciné. Comme une forme supérieure et presque évangélique de masochisme. Respirer est déjà trop. Pour échapper à l'arrogance d'être soi, on tombe dans la comédie d'un altruisme forcené. Les clans, les groupes, les réunions, les symposiums, les nostalgies encadrées des anciens, les coteries, les collectifs, les cercles, les associations, les clubs, les réseaux, les clientélismes, les ententes, les masses, les happy few, tous ces pluriels étouffants me révulsent. Mais comment peut-on avoir envie de fuir le bonheur d'être seul, la volupté de se camper désarmé peut-être mais riche de soi sur le chemin de la vie, sur tous les plans qu'offre une destinée ?
Un destin, c'est un homme
Ces pensées qui ne sont pas amères me sont venues non pas à la lecture de l'entretien que Ségolène Royal a accordé au Parisien et à ses lecteurs mais en raison de l'entourage de la responsable socialiste. En effet, on apprend que pour venir répondre aux questions souvent pertinentes qui lui ont été posées, elle était accompagnée par «une armada de conseillers», au moins six personnes dont un député européen, deux députées et un sénateur, «une partie de son équipe» a-t-elle précisé. Comment les prétendus spécialistes en communication, qui énoncent des banalités quand ils visent juste, et se trompent quand ils cherchent à se mettre à la place de ceux qu'ils conseillent, ont-ils jamais pu concevoir que le recours permanent à la mythologie de «l'équipe» serait la panacée alors que le citoyen n'éprouve qu'une envie : nouer un lien avec le seul être qui vaille, celui qui porte l'idée et l'élan, suscite ou non la flamme et l'adhésion, sait donner à la démocratie un visage et à l'existence de tous les jours un but. Le destin n'est jamais incarné par «l'équipe» mais par le solitaire, l'unique, qui doit réussir le tour de force, en République, d'être notre égal sans nous ressembler, de s'approprier ce que nous sommes mais de retenir ce qu'il est. La puissance d'attraction de Ségolène Royal, quoi qu'on pense de son projet politique, c'est elle d'abord, surtout, toujours. Pour ma part, le langage convenu sur les conseillers qui deviennent trop vite, à l'évidence, des affidés et des serviteurs, sur les petites mains et, souvent, les petits esprits, sur «l'équipe», cette glorification obligatoire et fausse du subsidiaire alors qu'on incarne l'essentiel me feraient prendre la poudre d'escampette si j'avais l'âme d'un militant. Cela suffirait à me décourager. Pourquoi l'arène devrait-elle être nécessairement surpeuplée ?
On n'est prisonnier que des chaînes qu'on a créées
Sans aborder autre chose que la technique du pouvoir, il suffit, pour se convaincre de la validité de ce propos, de constater que le président de la République, avec une nouvelle épouse, a aussi invité à se taire d'anciens conseillers qui parlaient trop, notamment l'un d'eux. Et je ne suis pas loin de penser que l'embellie manifeste dans l'organisation présidentielle vient de cette abstention. Pour paraphraser Giraudoux, un seul conseiller vous manque et tout est repeuplé.
Si je suis autant sensible à la puissance que donne une solitude exploitée, assumée, ce n'est pas seulement à cause de mon caractère, qui n'est pas loin de sentir comme Brassens «que plus de deux, on n'est qu'une bande de c...» mais en raison de la pratique judiciaire. Combien de fois ai-je perçu que la force indiscutable de l'accusateur, en face d'une défense quantitativement importante, c'était précisément son apparente faiblesse, sa solitude. Quand on n'a à emporter que soi, que le dialogue de chaque seconde ne vous met en rapport qu'avec vous-même, qu'on n'a pas à délibérer, feignant l'écoute et la considération, avec des personnes qui en réalité vous pèsent, on ne peut qu'être profondément heureux. On n'est prisonnier que des chaînes qu'on a créées, soi. On est délié des entraves sur lesquelles on ne peut rien. La liberté absolue d'un être lui est offerte par un bagage si léger et à la fois si dense qu'il ne peut être constitué que de soi. Là où le pluriel impressionne par l'étendue, le singulier gagne en profondeur. Requérir seul quand, en face, on plaide à plusieurs, c'est une réduction qui amplifie. On ne gagne pas forcément mais au moins on n'a que soi à blâmer.
Pourquoi pas, un jour, sans vanité mais sans gêne : je suis donc j'existe ?
Enfin, le luxe se démocratise : Louis Vuitton, 19ème marque la plus puissante du monde, délocalise en Inde et Bernard Arnault, Pdg de LVMH, avance ses pions chez Carrefour.

Encore une semaine faste pour Bernard Arnault ! En effet, selon le classement du «FT brand ranking» des marques les mieux valorisées du monde, réalisé chaque année par Millward Brown et le Financial Times, Louis Vuitton est la marque française la plus puissante puisque le malletier du groupe LVMH arrive en 19ème position - la première place étant évidemment dévolue à Google, Apple étant 7e - loin devant L'Oréal (38e) ou Carrefour (44e). Même si la prestigieuse maison est celle qui a progressé le moins vite, avec une hausse de sa valeur de 13%, soit «seulement» 25 739 millions de dollars. Mais Bernard Arnault a une autre bonne raison de déboucher le Moët : il s'apprête à intégrer le conseil de surveillance de Carrefour, en partenariat avec le groupe de fonds d'investissement Colony Capital. Il faut dire que, la famille Halley, à la tête du grand groupe d'hypermarchés, se retirant peu à peu de la direction (Robert Halley n'est d'ailleurs plus que président d'honneur), l'occasion était trop belle.
Des indiens piqueurs de semelles pour Vuitton
Un pied dans le caviar, l'autre dans le cassoulet carouf' : Bernard Arnault aime le grand écart. Ainsi, la direction de LVMH n'a pas hésité à délocaliser certaines activités de ses enseignes de luxe. Il y a peu, le groupe a ouvert en Inde, à Pondichéry, des ateliers de piquage de semelles des chaussures Louis Vuitton. La marque, qui a pourtant longtemps prôné l'exception française, bouderait-elle le prestige du made in Europe? Qu'on se rassure : le made in India sur la semelle d'une paire d'escarpins à 700 euros n'est pas pour demain. La majeure partie de la fabrication continuant à être réalisée dans la région de Venise, en Italie, les Vuitton seront toujours estampillées made in Italy. C'est qu'il faut sauver les apparences. Le groupe LVMH s'y efforce, qui tente de convaincre que cette délocalisation n'en est pas une. Si Vuitton fait piquer ses semelles en Inde, ce n'est donc pas pour réduire les coûts de fabrication de ses chaussures, mais parce qu'il est impossible de trouver suffisamment de main d'œuvre qualifiée dans ce secteur en Italie. Quant au choix de l'Inde, il est purement culturel. Ah, les mystères de l'Inde, la beauté des saris chatoyants. Le charme incomparable du Smic indien…
La bulle s'est déplacée de l'immobilier vers le foncier, et la hausse des prix alimentaires menace de famines l'Asie et l'Afrique. Certaines nations se protègent. Mais il faudrait faire comme si le libre-échange continuait de fonctionner avec harmonie.

«La terre, elle, ne ment pas.» Cette pensée pétainiste est en passe de devenir le credo des spéculateurs, comme le craint l'excellent éditorialiste économique du Figaro Jean-Pierre Bobin. Avec la montée des prix agricoles en effet, le foncier devient un investissement recherché. Le prix de l'hectare cultivable américain et britannique a doublé depuis 2000 ! Ce serait le moment de demander à nos eurocrates de s'expliquer, eux qui voulaient enterrer l'agriculture européenne le plus vite possible. Quelle erreur! Le capitalisme redémontre ainsi sa plasticité : le foncier chasse l'immobilier, et en avant pour la bulle agricole !
En tout cas, Jean-Pierre Bobin va peut-être devoir changer le titre de sa rubrique hebdomadaire, «Libres échanges». Car comme à chaque crise, c'est le système lui-même qui est en train de rendre impossible le fonctionnement du marché.
La théorie nous enseigne donc que le marché constitue, toujours et partout la meilleure allocation de ressources. Traduction : seule la concurrence permet de répondre harmonieusement à la demande. Sauf quand ledit marché doit fonctionner avec un baril de pétrole qui a doublé en un an et s'approche dangereusement des 150 dollars. Dans ce contexte-là, le poste de transport des marchandises devient rédhibitoire et, comme le note la Tribune du 12 mai «ce que le Gatt et l'OMC ont fait (développer les échanges, ndlr), le brut le défait.» Autrement dit, l'heure est aux relocalisations : pour une entreprise produisant pour le marché européen, fabriquer au Maroc, voire, qui sait, en Espagne ou en France peut assez vite devenir plus rentable qu'en Chine ou en Inde.
Les famines au bout de la spéculation
Mais il n'y a pas que le prix du brut qui freine le libre-échangisme intégral. La hausse des prix agricoles est en train de provoquer une gigantesque spirale protectionniste : après l'Inde et le Viet-Nam, voici la Chine et l'Argentine qui bloquent leurs exportations pour être sûrs de subvenir aux besoins alimentaires. Ce qui fait craindre une nouvelle famine en Corée du Nord, dépendante des autres pour 20% de son riz. Surtout si la Thaïlande, premier producteur de riz mondial parvient à créer ce cartel du riz pour faire encore monter les prix. Cette flambée des prix (+55% depuis le début de l'année!) menace aussi les pays africains de famine, ce qui a conduit les Etats-unis et les pays européens à adopter une aide d'urgence.

Cette montée d'un protectionnisme d'urgence (qui n'a pas que des avantages) fait dire à l'idéologue libre-échangiste Pascal Lamy, par ailleurs directeur de l'OMC : «En tant qu'économiste, j'estime qu'assécher l'offre (par des mesures protectionnistes, ndlr) va dans le mauvais sens. En tant qu'homme politique, je comprends. Les économistes voient ça globalement ; les politiques pensent à leur prochain mandat.» En somme, les économistes ont raison de croire au marché même s'il provoque des famines, et les hommes politiques ont tort de s'inquiéter de l'alimentation de leurs peuples. Décidément, c'est vrai que la terre ne ment pas.
Peu à peu s'imposent donc de façon ouverte des logiques de protection de certains marchés. Même notre Ministre Michel Barnier s'y met, qui propose de «sortir» l'agriculture du marché. Il rejoint ainsi le propos du syndicat mondial des paysans qui défend depuis dix ans la souveraineté alimentaire : si la pénurie agricole menace et si le transport de produits agricoles devient trop cher, il faudra bien songer à manger des tomates et des citrons européens…
Mais chut ! Le citoyen de base lui, doit continuer à croire qu'il n'est qu'un consommateur et que le doux commerce mondial est seul capable de faire baisser les prix et d'assurer le progrès de la planète.
Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris, journaliste et écrivain. Bonne ou mauvaise nouvelle, la voiture à 1620 euros que Renault va mettre sur le marché en Inde ?
Renault et Nissan s'associent à l'indien Bajaj pour fabriquer une voiture à 2500 dollars soit 1620 euros environ. Ce véhicule est destiné au marché indien et devrait concurrencer la Nano de l'indien Tata vendue au même prix. Cette concurrence va permettre à des millions d'Indiens de devenir automobilistes. Est-ce une bonne nouvelle ? Oui et non. Oui parce que ça crée des emplois. Non parce que ça crée de la pollution. Oui parce que celà accélère la fin du règne du pétrole, et que l'humanité sera bien obligé, d'aller, cahin-caha, à pied ou en vélo, vers un autre modèle de développement. Non parce que le pétrole est partout (dans un ordinateur il y 612 litres de pétrole) et que les pays émergents, comme l'Inde, qui exercent une énorme pression sur les matières premières, vont exercer une pression accrue sur le pétrole... dont le prix fait s'envoler le prix de toutes les énergies...
Car le baril à 125 dollars, c'est le prix du gaz qui monte, et même celui du charbon dont les réserves mondiales sont pourtant estimées à 150 ans (contre 40 ans pour le pétrole). Et derrière le pétrole, c'est le prix de l'électricité qui grimpe. Fioul gaz et charbon sont utilisés majoritairement dans la production d'électricité, EDF, Eon et les grands producteurs d'électricité se réjouissent. Et même le prix de l'uranium augmente fortement.
Nous sommes en train de passer d'une économie de la production (comme la production de la voiture à bas prix par Renault) à une économie de la rente : ce n'est plus le savoir et l'ingéniosité des hommes qui fait la valeur des choses, mais leur rareté. Rareté que l'on retrouve en matière agricole. Le prix des terres arables est en train de monter aussi. Aux Etats-Unis, le prix de la terre cultivable a augmenté de 17% cette année et ça va continuer. La question est : l'inventivité des hommes, peut-elle dépasser la rareté ? Renault, planche aussi, paraît-il sur une voiture électrique viable dans cinq ans. C'est cela la vraie révolution.
La phrase du jour : « La sphère des valeurs dépassées et déchues augmente sans cesse ; le vide et l'indigence en valeur se font de plus en plus sensibles : mouvement irrésistible » (Nietzsche. Contribution à l'histoire naturelle de la morale)
Retrouvez « L'autre économie » de Bernard Maris, en direct sur France Inter, du lundi au vendredi à 6h49.
Par Nicolas Domenach. Ce soir, Chirac invite tous ses ex-collaborateurs au musée Georges Pompidou. C'est pas Sarkozy qui ferait ça!

Jacques Chirac est retiré des affaires… mais pas complètement. Il a soigneusement choisi la date et le lieu de ses retrouvailles avec ses anciens collaborateurs de 1995 à 2002. Le 13 mai, en effet, pour tous les gaullistes, c'est une date symbolique, magique, le chef de la France libre était alors rappelé au pouvoir. Se retrouver 50 ans après ensemble, c'est une manière toute chiraquienne de faire revivre une histoire épique à laquelle l'ex-Président du RPR s'est toujours rattaché, même de loin, tout en reprochant à Nicolas Sarkozy de trop y rester étranger. Et bien sûr, cet anniversaire se tient dans un lieu prestigieux, mythique quasiment et qui appartient à cette épopée : le musée Georges Pompidou, ce lieu de culture en plein centre de Paris qu'a voulu contre toute l'intelligentsia à l'époque ou presque, celui qui fut le vrai père en politique de Jacques Chirac. L'ex-chef de l'Etat prône la continuité des grands, au-delà des conflits de personnes ou d'idéologies. La rupture du fil historique est pour lui une erreur.
Enfin, ce n'est pas à n'importe quelle exposition que Chirac invite ses ex-collaborateurs, mais c'est à l'exposition « Les traces du sacré ». Tout un programme, dans la philosophie chiraquienne qui a toujours prôné le respect des cultures dans leur diversité comme dans leur temporalité dépassant, transcendant celle des hommes. On n'imagine pas la Sarkozye péleriner. Comme le dit un député chiraquien « ce n'est pas dans un musée que Sarkozy réunira les collaborateurs de son « clinquennat » pardon de son quinquennat, c'est chez Louis Vuitton sur les Champs-Elysées. Clinquennat, le mot est scintillant, tranchant…
De toutes façons, l'actuel chef de l'Etat en prendra pour son grade ce soir. Mais en off. Car Chirac s'est promis de ne pas se départir de la retenue qu'il s'est imposé depuis sa retraite. Mais les mauvaises manières en même temps que les incongruités et les changements de cap erratiques de son successeur l'ont navré parfois même blessé, sinon ulcéré. Certes il ne réagira pas officiellement. Il ne critiquera pas à haute voix l'homme aujourd'hui en charge des responsabilités suprêmes, « ce ne serait pas convenable », répète-t-il à ses proches. Mais il n'apprécie guère d'abord cette façon cavalière, lui l'ancien de Saumur, de l'ignorer, de l'enterrer vivant, de ne pas faire mine même de le consulter. Ainsi, contrairement à l'année dernière, Nicolas Sarkozy ne l'a pas associé aux cérémonies de commémoration de l'abolition de l'esclavage. Pourtant, souvenez-vous en mai dernier de la force de cette image des deux présidents ensemble au jardin du Luxembourg se transmettant le flambeau de la tradition, de l'esprit français de Liberté, d'Egalité, de Fraternité.
Mais comment Nicolas Sarkozy aurait-il pu le convier à ses côtés après avoir devant les députés UMP la semaine dernière ridiculisé son bilan en affirmant qu'en douze ans de règne, Chirac n'avait jamais réalisé qu'une réforme et demi (la professionnalisation du service militaire et les retraites). Et que le chiraquisme c'était l'immobilisme… Ce mépris public pour son bilan est mal passé, on s'en doute, et les chiraquiens font volontiers observer que les trois quarts des députés présents aujourd'hui à l'Assemblée nationale y ont été associés ainsi que douze ministres sarkozystes sur 37 - ils ont compté - et non des moindres puisque Sarkozy figure parmi eux ! L'ancien ministre de l'Intérieur et ministre d'Etat insistait d'ailleurs beaucoup à l'époque pour ne pas quitter les gouvernements Chirac dont il affirme aujourd'hui qu'ils n'ont rien accompli…
Quinquennat contre clinquennat
L'ancien président et ses derniers fidèles n'apprécient guère en outre certaines évolutions qui, pour être zigzagantes, n'en inquiètent pas moins. Ainsi de l'atlantisme, cette inclinaison pro américaine, cette américanofolie parfois dont fait preuve Sarkozy et qui restreint les marges de manœuvres, l'indépendance de la France. Ainsi des entorses multipliées envers la sacro-sainte laïcité qui cimente la paix spirituelle d'un pays si prompt à se déchirer. Ainsi encore du culte de l'argent, de la priorité donnée aux plus riches, du manque d'attention et de compassion pour les plus faibles. Le chiraquisme avait non seulement ses bonnes œuvres dans les mots et dans les actes mais il s'obligeait à une politique sociale mesurée. Qu'il avait recommandée à son successeur. Il l'avait aussi enjoint, et combien de fois, de ne pas bousculer une nation aussi fragile sinon tout exploserait. Il lui avait recommandé de ne pas monter les Français les uns contre les autres. Las…
Nicolas Sarkozy ne l'a pas écouté, prétendant remettre en cause les avantages acquis mais d'abord ceux de la France d'en bas et tout bousculer y compris une fonction qu'il révère davantage aujourd'hui, mais pour combien de temps ?
Certains chiraquiens en ont pris leur parti et préparent déjà la relève. Pour eux Sarkozy ne changera pas. Jamais. Ce successeur n'en est pas un. Il demeure illégitime comme Chirac l'était pour Balladur et les balladuriens dont Sarkozy... Il faut donc fabriquer un recours. Certains songent à Villepin, d'autres, plus nombreux, travaillent dès à présent au retour d'Alain Juppé ! Nicolas Sarkozy n'est plus leur président et s'ils veulent bien se rendre au musée, fut-ce celui de Georges Pompidou, c'est juste pour une soirée. Le gaullo-chiraquisme pour eux ne saurait être une nostalgie, il se veut un combat. Foi de gueule cassée.
Après le couac d'Elkabbach et Ruquier qui avaient annoncé prématurément son décès, voici le dernier rebondissement de l'affaire Sevran : Alain Delon accuse France Télévisions… en direct sur France 2!
Des vedettes, des demi-vedettes, des inconnus… la foule était compacte ce matin devant l'église Saint-Louis-en-l'Ile à Paris, où les proches de Pascal Sevran s'étaient réunis pour rendre un dernier hommage à l'animateur, décédé vendredi dernier. L'émission de Sophie Davant sur France 2 consacrait une spéciale à l'événement. Interviews émues, mines compassées de circonstance… Rien que de très banal. Jusqu'à ce que le journaliste dépêché sur place n'interroge Alain Delon, juste avant de rentrer dans l'église. Après avoir fait part de son émotion, l'acteur, très proche de Pascal Sevran, s'est indigné de l'attitude des dirigeants de France Télévisions (qui venaient d'entrer dans l'église). «Il a souffert aussi beaucoup à cause de votre antenne et il en est mort peut être un peu aussi», a déclaré l'acteur - en direct - au journaliste de France 2. Un grand moment de solitude pour le reporter, mais aussi pour Bertrand Delanoë qui, au côté de Delon, semblait extrêmement gêné par cette déclaration. Le maire de Paris a bien tenté de relativiser, en insistant sur le fait que France Télévisions était la «famille» de Pascal Sevran, Delon en a rajouté une couche, affirmant qu'il était «un peu tard» pour s'en souvenir. Médusé, le journaliste de France 2 s'est alors lancé dans une explication alambiquée : Pascal Sevran avait été «maladroit», a expliqué le reporter de France 2, en faisant allusion aux extraits de l'avant dernier livre de Sevran, qui avaient créé la polémique l'année dernière. Au point que son émission, «Chanter la vie», n'avait pas été reconduite en septembre sur France 3, malgré des audiences plus qu'honorables. Six pieds sous terre, Sevran, tu gênes encore !
C'est à peine une plaisanterie : le quotidien anglais The Times révèle qu’une entreprise californienne investit en ce moment même des millions de dollars pour la construction d'un parc d'attractions à l'américaine, en plein Bagdad.

Après les GI, serait-ce au tour de la Belle au Bois dormant, des Pirates des Caraïbes, Peter Pan et autres Cendrillon d'investir la capitale irakienne? Presque : aussi absurde que cela puisse paraître, le pays, en guerre depuis 2003, va accueillir très bientôt un gigantesque parc d'attractions inspiré des parcs américains, et conçu par les designers de Disneyland. Un projet à 500 millions de dollars financé par l'entreprise californienne C3, et soutenu par le gouvernement irakien. Dès juillet prochain, sur vingt hectares, un « skatepark » puis une salle de concert, un cinéma, un zoo et diverses attractions sortiront de terre.
Attaques et bombardements
Pour Ali al-Dabbagh, porte-parole du gouvernement irakien, ce parc tombe à pic dans un pays où la moitié de la population a moins de quinze ans : « On manque d'amusements dans la capitale. Les cinémas ne peuvent rouvrir, tout comme les aires de jeux, on a donc vraiment besoin de ce parc d'attractions. Les enfants irakiens ne peuvent plus profiter de leur enfance » précise-t-il, avant d'ajouter que l'accès en sera, bien sûr, strictement contrôlé. De son côté, M.Werner, le président de C3, admet que ce parc est surtout un excellent investissement. «Il n'y a pas que les hydrocarbures en Irak. Il y a aussi les enfants», résume Paul Brinkley, le chef du projet, avec son bon gros pragmatisme américain. Mais, promettent-ils en choeur, le parc sera profitable aux deux cultures, américaine et irakienne. Un peu comme la guerre était censée apporter la démocratie au peuple irakien… D'ailleurs, le général David Petraeus, chef des forces américaines en Irak, est paraît-il fan du projet. On craint le pire!
Voir l'article sur TimesOnline
Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris, journaliste et écrivain. L'envol du prix du riz et la création d'un cartel du riz par la Thaïlande n'annonce rien de bon pour les peuples d'Asie.

La crise birmane fait exploser le prix du riz : la famine menace l'Asie. La faute en est d'abord au cyclone Nargis qui a tout anéanti dans le delta de l'Irrawady. Mais les hommes ont aussi leur part de responsabilité. La Birmanie, pays pauvre, était néanmoins autosuffisante en termes alimentaires. Elle était même exportatrice de riz. Elle prévoyait d'exporter 600 000 tonnes cette année contre 400 000 l'année dernière. La Birmanie fut même, en 1962, la première exportatrice mondiale de riz. Or la junte birmane, dans sa grande lucidité, demanda aux agriculteurs birmans de produire des plantes destinées au jatropha. Le jatropha est un biodiesel, qui n'est pas vraiment comestible.
Un risque de famine encore inédit
La Birmanie, donc, première victime des biocarburants. Il est certain qu'à l'échelle mondiale les biocarburants ont fait grimper le prix des céréales, comme le maïs. Et la hausse du prix des céréales a entrainé celle du riz. En 2007, le prix du riz a été multiplié par 3, le riz blanc thaïlandais atteignant les 950 dollars la tonne; le cyclone pousse le prix du riz à la hausse. D'autant que les gros exportateurs de riz, le Vietnam, l'Inde ou la Thaïlande commencent à le stocker de peur d'en manquer. L'une des premières victimes de la hausse du prix du riz devrait être le Sri Lanka, qui attendait précisément du riz Birman. Or la junte va sans doute devoir importer du riz – si elle se préoccupe de sa population.
Comment éviter une famine généralisée ? Le riz représente le tiers des besoins en calories de la population asiatique, et seule la Thaïlande, premier exportateur mondial, dispose de stocks suffisants pour alimenter l'Asie. Mais à quel prix va-t-elle le vendre ? Voilà que la Thaïlande a l'idée de créer un cartel du riz, à la manière du cartel du pétrole, de façon à contrôler les prix et les quantités de riz écoulées dans le monde. Jamais la menace de famine n'a été aussi grave.
La phrase du jour : «Le riche songe à l'année qui vient, le pauvre pense au jour présent». (proverbe chinois)
Retrouvez « L'autre économie » de Bernard Maris, en direct sur France Inter, du lundi au vendredi à 6h49.
Olivier Ferrand et ses amis intellectuels de gauche lancent le 13 mai un nouveau «think tank», Terra Nova. Objectif : donner un second souffle au PS.

La «plateforme intellectuelle de la gauche progressiste» comme le disent ses initiateurs, existe désormais. Plus simplement, un «think tank»-comme on dit aux Etats-Unis- pour les socialistes. Olivier Ferrand, élu PS de Thuir (Pyrénées Atlantiques) et proche de Dominique Strauss-Kahn, est le président de Terra Nova, le nouveau projet d'un certain nombre d'intellectuels, de chercheurs et d'experts français de gauche. La droite en avait déjà deux : la Fondation pour l'Innovation Politique et l'institut Montaigne,«il s'agit donc de créer le pendant à gauche» explique Olivier Ferrand. Cent cinquante universitaires, chercheurs, responsables associatifs et syndicaux, commissaires européens et chefs d'entreprises y participent ainsi que 250 experts. Leur objectif? «A la fois donner une expertise de l'actualité et proposer des solutions programmatiques concrètes pour la politique de la gauche. Nous fonctionnons sur commande gratuite afin de fournir des perspectives au parti socialiste et à toute la gauche» précise, enthousiaste, Ferrand, à l'origine du projet. Terra Nova possède une vraie structure juridique et budgétaire totalement indépendante du PS même si les cadres du parti peuvent demander eux-même des expertises et des notes de conseils. «Notre indépendance est claire vis à vis du Parti socialiste, aucun homme politique ne fait d'ailleurs partie de la direction de Terra Nova». L'initiateur, dont on connait la fibre strauss-kahnienne, tient néanmoins à ce que son projet s'adresse à toutes les gauches. Un défi dur à relever dans un contexte de bisbilles continuelles au sein du parti. La composition du Conseil scientifique, auquel participent les commissaires européens Javier Solana et Peter Mendelson, Anthony Giddens, regroupe beaucoup de figures de la gauche libérale, comme Daniel Cohen, Philippe Aghion, Jean Pinsany-Ferry, l'historien Jean-Pierre Azéma, la sociologue Dominique Méda.
Si le think tank à l'américaine n'existait pas encore à gauche, on trouve déjà en France de nombreux mouvements, clubs ou groupes de réflexions orientés socialistes. «Nous ne sommes pas en compétition, bien au contraire, assure le président, Terra Nova se place en aval de la République des Idées, de la revue Esprit ou des Gracques. L'idée de départ est venue d'un sentiment de décalage entre le diagnostic intellectuel qui s'est développé autour de ces pôles et le projet de la gauche qui ne suit plus. Le matériel intellectuel existe, il faut le convertir en projet concret.» Deux groupes de travail sont sur le point de débuter. Le premier à la suite des ouvrages d'Eric Maurin sur les inégalités en France et la polarisation du territoire réunit des experts et des maires. Le second sur les primaires présidentielles du Parti socialiste dirigé par Olivier Duhamel avec des spécialistes de l'Italie, des Etats-Unis, des sondeurs et des politiques comme Aurélie Filipetti et Jean-Louis Missika. Du concret, des experts et de la bonne volonté, serait-ce la recette miracle pour les socialistes? Une entreprise en tout cas beaucoup trop ambitieuse pour s'effectuer au sein d'un Parti socialiste fâché avec le monde des idées depuis déjà bien longtemps.
Pédophiles, rumeurs, sous-journalisme… Pour Paul Amar, Jean-Pierre Elkabbach et Philippe Ridet, le Net, c’est la jungle. A grand coup de caricatures, ils coupent les belles plantes et débroussaillent des clichés sur un média qui les interpelle trop.
C'est un espace immense, où ne s'exerce aucune loi et où information et malveillance circulent en toute liberté. Selon un certain nombre de confrères, ce lieu, c'est le web. Quelque médias s'interrogent, comme l'AFP au sein de laquelle une règle écrite proscrit l'usage de Wikipédia ou du site communautaire Facebook dans la recherche d'information, et fixent dès règles. Mais pour quelques briscards de la vieille école, la remise en cause est trop dure : mieux vaut une bonne vieille caricature !

Radio : Jean-Pierre Elkabbach (Europe 1) : ex-fan du web 2.0
Interrogé par La Croix sur la création d'un «comité d'éthique» dans la radio qu'il préside, Jean-Pierre Elkabbach pointe le coupable: «les nouvelles technologies posent des problèmes inédits à notre métier». Et quels sont-ils ces problèmes ? Les rumeurs, fausses informations, ragots et nouvelles non vérifiées, énumère-t-il, que les sites relaient pour «faire des coups», profitant de la dictature de l'émotion et de l'instantanéité.
Comme nous le remarquions dans Marianne2, il est un peu triste qu'un journaliste à la si longue carrière ait besoin de condamner des erreurs de l'info sur le web pour s'interroger sur l'importance de vérifier ses informations. Ah qu'il est loin le Jean-Pierre Elkabbach qui vantait dans Le Monde daté du 4 janvier 2007 «l'information 3.0 qui intègre le web 2.0 et l'enrichit. La seule que les grands médias devraient proposer.» Dans cette tribune vibrante d'enthousiasme intitulée «Quel journalisme à l'ère du Web ?», le président d'Europe 1 se montrait d'une grande sagesse, insistant sur la nécessité pour les professionnels de l'info d'écouter la caisse de résonance du web tout en triant plus scrupuleusement encore l'info qui pouvait en émerger.
Oui mais voilà : entre temps, Europe 1 a repris une information de Bakchich.info sur les paradis fiscaux du Lichtenstein qui mentionnait le judoka David Douillet. Lequel s'est immédiatement plaint, exigeant un droit de réponse qui lui a été accordé chez Guillaume Durand sur la même radio. Plutôt que d'avouer sa responsabilité dans le fait de ne pas avoir vérifié l'info, il préfère fustiger ses sources.
Télé : Paul Amar (France 5) et le web infernal
Lancer le débat sur les ambiguïtés du web dans un talk show, c'est bien. Ne traiter que des aspects négatifs sur une musique dramatique ponctuée d'images chocs, c'est mieux ! Ainsi, quand Paul Amar consacre son Revu et corrigé du 3 mai au net, il sème des points d'exclamations à tout va : Cybercriminalité ! Cybertyranie ! Cyberdémocratie ! Dans son introduction, l'animateur brosse un noir portrait : le web «véhicule des idées diaboliques, facilite la manipulation et l'intrusion, la délation et parfois le crime.»

Les exemples sont choisis avec une précision chirurgicale : à cause du web, les pédophiles pullulent ! Il est vrai qu'avant l'avènement des nouveaux médias, cette barbarie-là n'existait pas. Pas plus que la vente d'objets volés, le détournement d'information, le trafic d'animaux protégés, etc. Raccourci révélateur : ces crimes et délits existaient bien sûr mais ils étaient, paradoxalement, plus difficiles à débusquer. Alors qu'avec le web, les journalistes d'investigation ou les gendarmes peuvent parfois trouver sur Google des scandales à ciel ouvert. Et les émissions comme Revu et corrigé un peu de soufre à mettre dans une pseudo analyse des médias.
Entre autres contre-vérités matraquées par l'animateur, «Internet échappe à toutes les règles.» Preuves à l'appui : les photos nues de Laure Manaudou, diffusées sur toute la Toile. L'animateur n'a-t-il pas vérifié que l'avocat de la nageuse avait contacté les uns à la suite des autres tous les sites qui exhibaient ces photos en les menaçant de procès, suivant le droit en vigueur ? En fouillant un peu plus, Paul Amar aurait également appris que de nombreux sites d'information ont à répondre devant la justice pour diffamation, comme ce fut le cas pour Bakchich.info, poursuivi par David Douillet pour l'article sur les paradis fiscaux qu'avait relayé Europe 1. Oui mais, pour ça, encore faut-il vérifier ses infos.

Presse écrite : Philippe Ridet (Le Monde)
Dans son livre Le Président et moi, publié récemment chez Albin Michel, ouvrage de grande qualité par ailleurs, le journaliste du Monde Philippe Ridet multiplie les piques assassines contre le Net, «Dans la blogosphère, écrit-il, où l'on s'imagine volontiers qu'il suffit d'un ordinateur pour être journaliste.» Plus loin : «Tout peut s'écrire sur la Toile, au nom de la démocratie et de la transparence.» (en effet il suffit de voir tous les contentieux déclenchés sur le Web pour le constater).
Au fil des pages il apparaît ainsi que la planète web est celle de la rumeur, des informations non vérifiées et surtout des fatwas contre les journalistes qui suivent Sarkozy. Sans jamais s'expliquer sur le fond, Philippe Ridet tombe exactement dans le travers qu'il dénonce : la diffusion d'à peu près et de jugements hâtifs sans réel examen du contexte. Ce n'était, certes, pas l'objet de son livre. Ce n'est pas une raison...