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Date :: 23/3/2012 12:00:02 (Mettre à jour)
Les heures sup ont doublé entre les mois d'octobre et novembre depuis la mise en place de leur détaxation. Un succès pour Sarkozy, un effet d’annonce pour les syndicats.

« Les heures supplémentaires, ça marche », c'est ce qu'a déclaré Nicolas Sarkozy le 18 janvier, lors d'un déplacement dans l'Yonne. Sur le thème de la libération de la croissance, il a évoqué un « résultat spectaculaire (…) Au mois de novembre, il y a eu 50% des entreprises de plus de dix salariés qui ont utilisé la disposition en faveur des heures supplémentaires, au mois d'octobre, elles étaient 40% ». Le chef de l'Etat pense qu'à terme, « deux tiers des entreprises françaises vont utiliser le dispositif des heures supplémentaires »,
considérant que cette mesure profite aux entreprises comme aux salariés. « Il y a cinq millions de salariés français qui utilisent les heures supplémentaires : c'est 5 milliards d'euros de pouvoir d'achat en plus ». Et de retourner son slogan de campagne : « Pour gagner plus il faut travailler plus ».
Dans ces déclarations, le Président s'appuie sur les premiers résultats de la mise en œuvre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa), publiés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) en janvier 2008. Ces études montrent en effet que les heures supplémentaires sont passées, de 20 millions au mois d'octobre, à 38 millions en novembre. La nouvelle disposition aurait donc permis de doubler le nombre d'heures supplémentaires utilisées. Selon l'Acoss, les petites entreprises semblent plus facilement que les grandes firmes avoir pu intégrer les exonérations des heures sup' : 52% des entreprises de 10 à 19 salariés contre 19% des grandes entreprises. L'automobile, les industries de biens d'équipement et de biens intermédiaires, le BTP, le commerce de détail se situent nettement au-dessus de la moyenne en terme de pourcentage d'entreprises utilisatrices. En revanche, la plupart des entreprises du tertiaire, de l'énergie et de la pharmacie ont peu utilisé les dispositions de la loi Tepa.
« Il n'y a aucune amélioration du pouvoir d'achat »
Les fanfaronnades du Gouvernement ne plaisent guère aux syndicats.
Pour Marie-Pierre Iturrioz, déléguée confédérale chargée des salaires à la CGT, atteste pour sa part que le problème du pouvoir d'achat est loin d'être résolu. « Si les gens acceptent de faire des heures supplémentaires c'est parce que leurs salaires sont insuffisants. La CGT attendait une réponse collective, or la mesure ne concerne que certaines branches à certains moments, par exemple les cafés et restaurants au moment des fêtes. Il s'agit uniquement d'une solution de dépannage, il n'y a aucune amélioration du pouvoir d'achat. »
Même réaction du côté de Force Ouvrière : Marie-Suzie Pungier, secrétaire confédérale chargée de l'économie, n'a perçu aucun signe d'une augmentation du pouvoir d'achat. « En revanche, la consommation a baissé. Nous ne pourrons constater l'impact de la détaxation des heures supplémentaires que lors du relevé de l'impôt sur le revenu de 2007, pas avant. Ces déclarations ne sont donc que des effets d'annonce dont le Président a besoin. » Pour les syndicats, la loi Tepa et la défiscalisation des heures supplémentaires ne seront bénéfiques que pour les salariés à temps plein, laissant de côté les millions de salariés à temps partiels qui en ont le plus besoin. En effet, la nouvelle disposition restreint en fait le nombre d'heures supplémentaires à 10% en plus du temps de travail, ne permettant pas aux temps partiels d'augmenter concrètement leur revenu. Les députés se penchent d'ailleurs sur ce point et pensent à moduler les exonérations de charges dites "allégements Fillon", afin de favoriser l'augmentation de la rémunération de ces salariés à temps partiel. Pourtant si les résultats de la loi Tepa sont pour le moment impressionnants, il reste à savoir ce qu'ils deviendront sur le long terme.
L’ex-première dame défend la cause du maire de Neufchâteau, petite commune à qui Véolia réclame 1,7 millions d’euros pour rupture de contrat.

« Il n'y a qu'une seule question : de quel droit une régie peut léser toute une population en la condamnant à verser quelque somme que ce soit pour un manque à gagner ? » Danielle Mitterrand est en colère. Le conflit qui oppose Véolia à une petite commune de Lorraine fait sortir l'ex-première dame de ses gonds. Il faut dire que l'histoire a quelque chose de David et Goliath. D'un côté, Neufchâteau, ses 8000 habitants, sa vue imprenable sur la plaine des Vosges et son musée de la poupée. De l'autre, Véolia eau, branche de Véolia environnement (ex-Vivendi), forte de ses 9 milliards de chiffre d'affaires annuel. Depuis plusieurs mois, Véolia réclame plusieurs millions aux Néocastriens. Motif : le maire a eu l'impudence de dénoncer le contrat qui liait sa ville à la multinationale, parce que les comptes lui paraissaient obscurs et le prix de l'eau trop élevé.
Un pacte très opaque
« Lorsque j'ai été élu en 1989, explique Jacques Drapier, l'édile de Neufchâteau, j'ai fait l'erreur de contracter avec Véolia pour l'assainissement de l'eau. Mais très vite, je me suis rendu compte que nous nous faisions avoir. La comptabilité qu'ils nous présentaient était complètement opaque et cela coûtait très cher à la commune. J'ai donc dénoncé le contrat qui nous liait pour trente ans et mis en place une régie autonome. Maintenant, tout est transparent : la régie est bénéficiaire, les consommateurs peuvent siéger au conseil d'administration, et le prix de l'eau a baissé d'un euro par 120 mètres cubes. Autrement dit, chaque foyer a déjà gagné 1100 euros sur sa facture ! »
Seul hic : dénoncer un contrat oblige la commune a verser des indemnités à l'entreprise. En l'occurrence, Véolia réclamait tout d'abord 7,3 millions d'euros. Le maire a porté l'affaire en justice, ce qui a fait baisser la note à 1,7 million. Mais Jacques Drapier refuse toujours de payer. « Nous ferons appel jusqu'au bout. Nous consentons à rembourser tous les investissements et les travaux que Véolia a réalisé dans la région, mais ça ne dépasse pas 880 000 euros ! », tempête le maire.
De l'eau au prix de l'or ?
Du côté de la firme, on veut relativiser. Certes, on reconnaît qu'un contrat de trente ans, c'est un peu long. « La norme aujourd'hui tourne plutôt autour de onze à douze ans », concède Marc Reneaume, directeur général France de Véolia. Mais hors de question de laisser filer les juteuses indemnités. « Nous n'avons rien contre le fait qu'un élu résilie son contrat. En revanche, il est tenu de nous verser une indemnisation. » Question : comment Véolia en arrive-t-elle à des sommes aussi astronomiques que 7,3 millions d'euros ? « Nous avons nos méthodes », poursuit, énigmatique, le responsable, qui assure que si l'eau est moins chère depuis son assainissement par la régie autonome, c'est uniquement parce que Monsieur Drapier est « dans la caricature » et qu'il joue avec des chiffres qui ne peuvent se comparer.
Danielle Mitterrand, elle, poursuit un combat bien plus large. « L'Etat devrait se saisir de ce type d'affaires. Il est fort dommage qu'on le voie si rarement s'opposer aux multinationales. » A l'approche des municipales, alors que plusieurs maires, toutes tendances confondues, ont été confrontés à des situations similaires, il est peut-être temps de s'interroger sur la nature des contrats qui gardent les administrés captifs des marchands d'eau. Dans un dossier publié fin octobre, l'UFC-Que Choisir estime que l'eau était surfacturée dans de nombreuses agglomérations, de l'Ile-de-France jusqu'à Marseille. « Ce n'est même pas une question de « pouvoir d'achat ». Il n'y a pas de raison que les gens payent le prix fort pour se laver ou tirer la chasse d'eau », rappelle tout bêtement Jacques Drapier.
Par Isabelle Delannoy, ingénieur agronome, spécialiste du développement durable. Alors que nombre de pays misent sur l'industrie environnementale, la France, elle, continue d'investir massivement dans le nucléaire.

C'est étonnant. Alors que la France cherche désespérément comment « libérer sa croissance », alors qu'elle missionne experts et commissions sur le sujet, on ne reçoit encore dans notre bel Hexagone que très peu d'échos encore sur ce qui s'annonce comme une troisième révolution industrielle, l'industrie environnementale. Depuis déjà de longues années, les énergies solaires et éoliennes affichent des taux de croissance de 30 % par an. En 2006, les investissements mondiaux dans le secteur ont fait un bond saisissant : les énergies renouvelables ont capté 18 % des investissements mondiaux en production énergétique, totalisant la jolie somme de 100 milliards de dollars. Dans le seul secteur de l'éolien, les Etats-Unis ont augmenté leur puissance installée de 43 % en 2007. La Chine n'est pas en reste, qui figure aussi parmi les premiers investisseurs mondiaux.
Outre le fait qu'elles soient propres, les énergies renouvelables ont une autre qualité non négligeable : elles créent beaucoup d'emplois. En Allemagne, 1,5 million de personnes travaillent dans les techniques de l'environnement dont 235.000 dans les énergies renouvelables. Entre 2004 et 2006, la croissance du secteur a même dépassé les espérances, créant 20 000 emplois de plus que ce que le gouvernement projetait. Les énergies renouvelables attirent les investissements et rapportent à l'exportation : l'Allemagne bénéficierait ainsi de près de 20% du chiffre d'affaires mondial des technologies liées à l'environnement. Elle serait à l'origine de 70% des exportations d'installations liées à l'énergie éolienne et de 75% des exportations d'installations liées à l'énergie photovoltaïque ! Nous nous minons sur le « déclin français » ? Outre-Rhin, les ministres de l'Emploi et de l'Environnement allemands déclaraient à l'automne dernier, que « Berlin misait sur les marchés de l'environnement pour maintenir le pays à sa place de numéro 1 mondial et développer l'emploi. »
La France à la traîne de la révolution énergétique
Le Danemark, la Suède, l'Espagne et d'autres font le même constat. Appliquant une politique volontariste forte dans le domaine, ces pays engrangent les dividendes et profite du dynamisme économique général : en 2006, 70 % des investissements mondiaux consacrés aux énergies renouvelables concernaient le développement des entreprises et de nouveaux secteurs, surpassant de loin ceux consacrés aux fusions-acquisitions des entreprises existantes.
Mais en France aujourd'hui, quand on parle « création d'emplois » on ne nous répond que par « réforme des lois ». Exit une politique d'envergure nationale pour un vrai développement de ces nouvelles industries : d'élections présidentielles en Grenelle de l'environnement, la politique énergétique française n'est pas négociable. Le futur est à l'accroissement de l'énergie nucléaire. C'est la priorité, point à la ligne. Qu'importe si elle crée peu d'emplois en comparaison de ses petites sœurs renouvelables. Qu'importe si son exportation pose le problème de la prolifération nucléaire. Qu'importent les 15 ans de production électrique assurée devant nous grâce aux réacteurs existants. Qu'importent nos voisins postés sur les starting-blocks de la révolution énergétique… En France, les énergies renouvelables, c'est bien, mais à la marge.
Heureusement, comme aux Etats-Unis où quelques Schwarzeneger adressent un pied de nez à George W. Bush sur la politique environnementale, des communes mettent en place des projets ambitieux. Parmi les derniers en date, celui de la ville de Perpignan, qui déclare vouloir atteindre son autonomie énergétique en 2015 grâce à la mise en place d'une politique de « mix énergétique » s'appuyant sur les énergies renouvelables et les réductions de consommation. Les municipalités seront-elles les moteurs français de la 3e révolution industrielle ? L'enjeu est réel, et on aimerait l'entendre mieux posé. En ce sens, le scrutin municipal à venir, selon la conscience que les candidats et les citoyens porteront à ces thèmes, pourrait être une clé de notre compétitivité de demain.
Pour que Johnny Hallyday se réinstalle en France, la loi prolongeant les droits des artistes-interprètes ne suffit pas : il faut un code tout entier.

Faire revenir Johnny en France : c'est le rêve de Sarkozy et de ses amis, pour qui la décision du chanteur de s'installer en Suisse symbolise à la fois la fuite des cerveaux (si, si) et celle des capitaux. Mais Johnny est oublieux. Il avait tout d'abord promis qu'il rentrerait au bercail en cas de victoire de son ami Nicolas. Il avait ensuite assuré qu'il redeviendrait résident français s'il payait moins d'impôts. On lui a donc concocté un bouclier fiscal de derrière les fagots. Et toujours rien : Johnny préfère rester à Gstaad, et le bouclier, sa fille Jade s'en sert pour faire de la luge. On va finir par croire que ce qu'il trouve super bath en Suisse, Johnny, ce ne sont pas les faibles impôts. Ce sont les stations de ski. Surtout quand elles sont ultra chics comme Gstaad, où on trouve plus de boutiques de grands joailliers que de magasins de location de surfs des neiges. Ça, ce n'est pas à Gstaad qu'il risque de se retrouver bloqué dans la file d'attente du tire-fesses avec trente fans qui lui beuglent «Ooooptic deuuuuuux mille». Et contre cela, la France ne peut pas lutter. Même à Megève, on a des classes moyennes ! C'est dire…
Alors pour que Johnny revienne enfin, l'équipe de Sarko a trouvé un truc : lui assurer une retraite pépère, et garantir l'avenir de sa petite famille. Comment? En prolongeant la durée de protection des droits pour les artistes-interprètes au delà des 50 années actuellement prévues. En effet, une partie du répertoire de Johnny risque de tomber dans le domaine public dès 2011, ce qui signifie que le chanteur ne pourra plus percevoir de droits sur les chansons concernées. Soit un sacré manque à gagner. Voyant cela, Sarkozy s'est donc empressé d'y remédier. La presse a d'ores et déjà baptisé ce projet « loi Johnny ». Mais suffira-t-il à faire revenir le chanteur chez nous ? Pas sûr. Comme on n'est jamais trop prudent, Sarkozy ferait mieux de rédiger dans la foulée quelques autres lois sur mesure pour inciter son copain chanteur à rentrer. Voici quelques suggestions.
Loi «Tchin-Tchin Optic 2000», également appelée «ma femme pour un euro de plus» : lorsqu'une star de la chanson et sa femme font de la pub pour un opticien, l'épouse ne paie qu'un euro de cotisations sociales sur son propre cachet.
Loi «Jade» sur l'adoption à l'étranger : la durée de la procédure d'adoption est inversement proportionnelle aux revenus des parents adoptants. (Notez que c'est déjà un peu le cas).
Loi fiscale «Stade de France» : les chanteurs français de plus de 60 ans ayant rempli le stade de France sont exonérés d'impôt sur les recettes dudit concert.
Loi «Harley Davidson» : les chanteurs français de plus de 60 ans qui roulent en Harley sont exonérés de charges patronales pour leur personnel de maison.
Loi «Lorada» : les chanteurs français de plus de 60 ans qui ont dû revendre leur propriété à Ramatuelle parce que c'était trop cher sont exonérés d'impôt foncier à vie.
Loi «Daleo» : ou droit à l'exonération opposable. Si la France ne tient pas les promesses faites à ses amis chanteurs (de plus de 60 ans et dont les initiales sont JH), ces derniers pourront traîner l'Etat devant les tribunaux pour obtenir réparation.
Et si malgré tout, Johnny ne revient pas, il ne restera plus qu'à interdire l'accès de Megève aux individus issus des classes moyennes. Pour les repérer, ce sera facile : ils seront les seuls à payer encore des charges et des impôts.
Avec i>Télé, la chronique de Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction de Marianne.

A Versailles, les tambours n'ont pas roulé. Cet oubli, ce raté technique, ce fut comme un aveu du débat européen escamoté. Car le président de la République fait donner les tambours car à l'ordinaire, la République fait donner les tambours pour saluer le président de l'Assemblé en même temps que les honorables parlementaires. Pour souligner leur majesté et rehausser leur gloire comme leur force. Or, dans l'hémicycle de l'aile du Midi, pour la ratification de la révision constitutionnelle préalable au vote demain par l'Assemblée nationale puis par le Sénat, seul le silence a accompagné l'arrivée de la plus haute autorité. Comme si l'on ne voulait pas bruyamment célébrer un texte dont on n'était pas fier et dont on n'a guère débattu. Les mots n'ont pas davantage roulé que les tambours.
Les interventions des portes parole des groupes parlementaires ont singulièrement manqué de feu et de flammes. Les europhiles, ceux qui ont toujours rêvé d'une Communauté en grand, se forçaient pour applaudir François Fillon quand il battait le rappel de l'enthousiasme évanoui en déclarant que « le traité de Lisbonne redonnait corps au rêve français d'une Europe forte et agissante ». Mais dans les couloirs, les membres du gouvernement concédaient qu'il s'agissait d'une mini avancée, correspondant à un mini traité, qu'il était mieux d'avoir un président de l'Europe qui dispose d'un mandat de deux ans et demi et mieux aussi que nombre de sujets comme l'immigration puisse être réglés à la majorité qualifiée plutôt qu'à l'unanimité, que cela valait certes un coup de chapeau à Nicolas Sarkozy qui avait débloqué la situation mais pas les roulements de tambours. Des socialistes acquiéçaient quasi en catimini, empêtrés dans leurs incompréhensibles contradictions pour qui n'est pas un Champolion capable de décrypter les évolutions hiéroglyphiques des socialistes.
Rappelons qu'ils ont décidé de voter le mini traité mais qu'ils sont favorables au référendum et donc qu'ils ont décidé de s'abstenir à Versailles, ce qui fut vrai pour une minorité d'entre eux puisque 32 parlementaires ont voté pour la modification constitutionnelle et 121 contre alors que 142 se sont abstenus. Bref, c'était la confusion totale qu'exploitaient la droite et l'extrême gauche, le PC en appelant à « davantage de cohérence », notamment par rapport au vote du peuple français qui avait rejeté le traité en mai 2005 à plus de 54 % des voix. C'est bien ce rejet passé, comme escamoté, qui provoquait un malaise et des manifestations à l'extérieur du Château de Versailles. Des manifestations séparées, avec d'un côté la gauche et l'extrême gauche, de l'autre les souverainistes de droite ou gaullistes et aujourd'hui l'extrême droite et le Front national.
Cette dispersion est sans doute l'illustration de l'échec des nonistes qui n'ont pas su faire du non au référendum une force politique constructive comme on l'a vu à la présidentielle. Aucun candidat unique alors ne s'est imposé. Mais on aurait pu imaginer que le mouvement de protestation contre l'Europe technocratique retrouve une seconde vie avec le traité de Lisbonne en s'appuyant sur cet argument fort : ce que le peuple a défait, seul le peuple peut le refaire. Nicolas Sarkozy lui-même l'avait employé lors du Conseil national de l'UMP, le 9 mai 2004, dans une video qui circule beaucoup sur le net et où on entend le futur président affirmer qu'à « chaque grande étape de l'intégration européenne, il faudra solliciter le peuple ». Le présidentiable a ensuite changé d'avis et expliqué longuement pendant la campagne les raisons de son choix d'une relance de l'Europe ratifiée par le Parlement. Il l'avait dit et il l'a fait mais ça n'a guère provoqué de débat et cette absence de discussions est lourde de menaces pour l'avenir. Car les Français lors de la bataille référendaire avaient montré à la fois qu'ils se passionnaient pour l'Europe et qu'ils ne voulaient pas d'une Europe trop éloignée d'eux et trop libérale.
Ces critiques fondamentales demeurent et n'ont pu s'exprimer puisqu'il n'y a quasiment pas eu de confrontations, d'arguments échangés sur le nouveau traité. Toutes les élites politiques étaient plutôt favorables à ce texte et pas mécontentes de prendre leur revanche parlementaire sur un référendum camouflé. Sans doute y a-t-il eu là un déni de démocratie qui pourrait coûter cher demain si la construction de l'Europe se poursuit comme si de rien n'était. Avec la présidence française à compter de juillet, puis avec les élections européennes, il faudra bien que les partis politiques remettent en cause leur conception de l'Europe, qu'ils prennent en compte le divorce des Français avec ce conglomérat sans âme ni efficacité. Le divorce entre le désir de nation et l'exigence d'Europe protectrice face à une mondialisation hostile. Il y a sans doute là une véritable union à refaire entre les nationaux et les européens, une union qui demanderait un traitement tout aussi radical que d'autres, sinon plus. Si un remariage s'impose, c'est bien celui-là.
Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris, journaliste et écrivain. Où l'on apprend que l'endettement des ménages est plus grave que celui de l'Etat.

Les Français, ne cesse-t-on de dire, sont trop endettés : la dette publique représente quelque chose comme 64% du PIB. Mais il s'agit d'une dette publique. Au Royaume Uni, en revanche, comme aux Etats-Unis, comme en Espagne, ce sont les ménages qui sont endettés : la dette moyenne des ménages représentait en 2007, tout compris, y compris le crédit hypothécaire, 108% du revenu de ces mêmes ménages, contre 85% il y a cinq ans. La Grande Bretagne vit à crédit. L'endettement personnel des ménages britanniques représente les deux-tiers de la dette des ménages de l'Union Européenne.
On peut parler de «drogués du crédit » dans la mesure où la carte de crédit est reine, où tous les commerçants vous poussent à acheter à crédit, où même les banques, jusqu'à récemment, poussaient à s'endetter. Mais depuis la crise des « subprimes » américains, et la quasi faillite de la banque «Nothernrock» - dont la dette représentait tout de même quatre fois la dette du Crédit Lyonnais - sauvée par les pouvoirs publics, les banques britanniques commencent à serrer la vis aux clients les plus risqués, c'est à dire les plus pauvres. On leur retire leur carte de crédit. La banque britannique en ligne Egg a décidé d'annuler dans les semaines qui viennent 160 000 cartes de crédit, soit de couper le crédit à 7% de ses clients. Ces 7% sont évidemment les moins aisés. Ainsi la crise est arrivée par les pauvres (les pauvres gens à qui on a fait miroiter des appartements qu'ils pouvaient acheter sans rien parce que la valeur de ces appartements allait augmenter) mais elle leur retombe dessus.
La différence entre dette privée et dette publique est énorme. L'Etat (la dette publique) n'a pas le même horizon de vie qu'un ménage ou qu'un individu. Les gouvernements passent, les ménages passent, mais l'administration reste, et avec elle, le fisc, qui rembourse la dette. C'est pourquoi la dette publique est, à montant égal, moins dangereuse que la dette privée.
La phrase du jour : « Je ne suis pas encore riche, mais je dois déjà quelques milliards de marks » , phrase d'un financier allemand pendant la Grande inflation. 1919-1923
Autrement dit : Qui paye ses dettes s'appauvrit
Retrouvez « L'autre économie » de Bernard Maris, en direct sur France Inter, du lundi au vendredi à 6h49.
A peine remis, le rapport Pochard sur la condition enseignante a suscité la polémique par son approche essentiellement managériale de l’enseignement. Réactions virulentes de Jean-Paul Brighelli, auteur de «La fabrique du crétin».

Rocard avait claqué la porte de la commission Pochard en raison d'une supposée référence à la rémunération au mérite des enseignants. Si le rapport en question est loin d'être très clair sur la question de la rémunération au mérite -qu'il ne fait qu'effleurer- il présente une approche essentiellement managériale de l'école. Rien sur l'enseignement, sur le savoir : « A l'époque de Philippe Meirieu, (NDLR : inspirateur de la pédagogie française de ces 20 dernières années) il fallait mettre l'élève au centre du système. On a vu ce que cela a donné, même Meirieu a fait un repentir tardif. La commission Pochard ne met rien au centre du système sinon le chef d'établissement, transformé en chef d'entreprise », lâche Jean-Paul Brighelli, auteur d'un essai remarqué « La fabrique du crétin », et qui tient un blog sur l'actualité de l'école.
En effet « le livre vert » sur la condition enseignante, ne dit rien sur l'état de cette condition, et encore moins sur les moyens de l'améliorer, hormis quelques portes ouvertes, depuis longtemps enfoncées sur le « malaise enseignant ». Deux chiffres quand même qui disent l'ampleur de ce malaise : si 87 % des enseignants affirment aimer leur métier, leur discipline, le contact avec les élèves, 80 % d'entre eux ne croient plus à la démocratisation de l'Éducation nationale, à l'égalité des chances. Et les deux tiers d'entre eux se plaignent de l'agressivité d'élèves, par ailleurs de moins en moins attentifs.
Une pensée libérale de l'enseignement
Sur le fond, Jean-Paul Brighelli estime que le rapport Pochard « est la preuve qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre la pensée pédagogique et la pensée libérale. C'est ce qu'on veut nous faire admettre. La commission prend exemple sur des méthodes abandonnées dans des pays, tels l'Allemagne ou l'Angleterre, qui viennent voir chez nous ce qui marche dans notre système… Et puis, il faut voir ce qu'il manque dans ce rapport sur «la condition enseignante» : rien sur les conditions effectives de l'enseignement, rien sur le contenu de l'enseignement, les disciplines, le savoir etc. Le rapport prône la bivalence (enseignement de deux matières). C'est l'assurance que les professeurs ne maîtriseront plus leurs disciplines. On fait des profs une pâte à modeler pour boucher des trous. Il faut sans doute de la flexibilité mais pas dans la matière que l'on enseigne. Des professeurs au rabais dans des facs IUFMisés pour enseigner ensuite dans des établissements dirigés par des chefs d'entreprise. Voilà ce qu'est le rapport Pochard ! ».
Le rapport s'attarde, en effet, longuement sur la demande d'autonomie des établissements –déjà mise en place dans les universités. «Les chefs d'établissement vont devenir des chefs d'entreprise, qui vont gérer leur établissement avec des méthodes telles que l'annualisation des horaires pédagogiques. Derrière l'autonomie se dessine également une forme de décentralisation de l'éducation, une façon d'enterrer les diplômes nationaux» ajoute Jean-Paul Brighelli qui dénonce le retour d'une nomenklatura pédagogiste, mise en place sous les années Mitterrand : «Rocard c'est aussi pertinent que Kouchner ou Allègre…».
Vers des ghettos de l'enseignement ?
Plus grave encore, Brighelli, qui travaille à un prochain ouvrage intitulé «Fin de récré», prévu pour mars prochain, estime que certains passages confinent à l'odieux : «Sans doute conviendrait-il de mettre en place un dispositif spécial de pré-recrutement» écrit le rapport Pochard, «Ce pré-recrutement aux modalités exigeantes, mais adaptées, serait dirigé vers des jeunes issus de catégories sociales défavorisées, souvent originaires de quartiers difficiles. Ils constitueraient un vivier d'enseignants de diversité sociale accrue, et ils formeraient une population d'enseignants plus stables dans des académies fuies aujourd'hui par les néo-titulaires dès qu'ils en ont la possibilité».
Comprenez : des banlieusards, pour enseigner aux jeunes de banlieues. «Je mets de côté la novlangue caractéristique. C'est une façon de promouvoir la discrimination dite positive, de fabriquer des ghettos. C'est tout simplement monstrueux !» commente Jean-Paul Brighelli, qui n'omet pas de souligner certains des aspects positifs du rapport, notamment l'idée de faire le point tous les 10 ans avec les enseignants sur l'évolution de leur carrière.
A peine remis, déjà oublié…
Si Xavier Darcos a souhaité que ce rapport ne reste pas «lettre morte»,, n'ayant que très partiellement participé à la mise en place de cette commission, il a clairement pris ses distances avec son contenu.
C'est que les syndicats enseignants ont immédiatement fait savoir leur désapprobation. Le SNES-FSU, principal syndicat des collèges et lycées, a estimé que ce rapport constituait «une vraie provocation. Tous les éléments sont réunis pour un conflit majeur avec notre profession», a-t-il averti. «Un risque de casus belli», a prévenu, de son côté, le Snalc.
L'accueil du rapport ne s'annonçait pas des plus paisibles. Déjà certains syndicats avaient abandonné les auditions pendant le travail de la commission…
«Ni une machine de guerre, ni un programme de gouvernement », a d'emblée précisé le ministre de l'éducation nationale pour calmer les esprits. A présent, le rapport Pochard va contribuer à nourrir le « Livre blanc » qui rassemblera les propositions du gouvernement pour améliorer la condition des enseignants et augmenter leur pouvoir d'achat, a expliqué Xavier Darcos. Le ministre, qui ne « s'interdit rie », se donne trois mois pour rédiger ce document. Et en trois mois, de l'eau peut couler sous les ponts. Où sera, par exemple, Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, dont on dit que ses relations avec Darcos ne sont pas des plus tranquilles?
En tout état de cause, «il n'y aura pas de réforme sans les enseignants», a assuré Darcos. Beaucoup de précautions... pour un enterrement de première classe ?
Le Congrès a adopté lundi 4 février la réforme de la Constitution qui permettra l’adoption du Traité de Lisbonne. Histoire d’une défaite… en chantant.

L'affaire est entendue : l'adoption par le Congrès du Traité de Lisbonne montre que les élites ont bien intégré le «non» au référendum de 2005. Mais cela ne signifie pas pour autant que les leçons tirées soient favorables au peuple et à la démocratie.
Du côté des médias, à la notable exception près de Libération et de France Inter, en nette rupture avec leur européisme béat qui avait choqué leurs lecteurs en 2005, l'affaire du référendum a été traitée avec l'indifférence et la discrétion souhaitée par le pouvoir et l'opposition désireux d'éviter tout débat. Ainsi Le Figaro du 4 mai ne traite le vote du Congrès que comme une sorte de « vote technique » et Le Monde quant à lui ne mentionne même pas le vote.
Une opposition un peu perdue
Un effort de mémoire suffit pour se rappeler la déclaration de Nicolas Sarkozy au lendemain du référendum sur le Traité constitutionnel européen, telle que France Inter l'a rediffusée lundi matin 4 février. Sa déclaration, un peu solennelle, manifestait son écoute et son respect à l'égard du vote des Français. Principale leçon tirée par le Président, dès son entrée en fonction : les affaires européennes sont trop sérieuses pour être laissées au bon vouloir du peuple. En revanche, le Président a fait le pari de convaincre son opposition de valider l'adoption en force, via le Congrès, d'un texte dont son principal inspirateur lui-même, Valéry Giscard d'Estaing, a déclaré qu'il était l'exacte reproduction du TCE.
Ce pari a, hélas, été gagné facilement par le Président. François Bayrou ne s'est guère exprimé sur le sujet, et le PS a raté une occasion de se réconcilier avec les nonistes et de ressouder ses propres rangs. Il aurait suffi aux socialistes de défendre une position commune aux partisans du « oui » et aux partisans du «non» : l'exigence d'un référendum, puisque la candidate Ségolène Royal s'était engagée à soumettre tout projet de nouveau traité au suffrage universel.
Mais non ! Entre la solidarité avec les élites et le principe démocratique, la majorité des socialistes, y compris certains partisans du «non» comme Arnaud Montebourg, ont choisi : ce sera «oui» à Sarkozy et «non» au référendum.
Une image décourageante de la démocratie
Lundi matin sur France Inter, Pierre Moscovici n'était pas à la fête pour justifier ce choix. Comment expliquer la position du PS, favorable à un référendum alors qu'il n'a pas agi de la seule façon qui pouvait l'imposer : voter «non» à la réforme de la constitution pour obliger le Président à organiser un référendum. Ce que Libération appelle « le dernier tour de piste des nonistes » aurait pu être la première victoire de l'opposition. Jean-Luc Mélenchon a raison de dire : « on aurait pu faire mettre un genou à terre à Sarkozy. Il va gagner, pas par sa force mais par nos faiblesses. »
En avalisant le Traité de LIsbonne, la droite et la gauche française ne commettent pas seulement une forfaiture, ils se mettent durablement en position d'impuissance. Ce qui les conduira le président de la République à déplorer l'euro fort sans pouvoir influer sur la Banque centrale européenne, ou, le PS à dénoncer l'absence de fiscalité européenne sans pouvoir l'imposer à la Commission de Bruxelles.
La droite comme la gauche spéculent sur les facultés d'oubli de la population. Espérons qu'ils se trompent : Cécilia Sarkozy en tête de gondole des livres vendus, Ségolène Royal à Vivement Dimanche et le mariage à l'Elysée dessinent une image dégradée et décourageante de la démocratie française. Ce n'est pas en regardant ailleurs que l'on contribuera à son renouveau. Il ne nous reste plus qu'à espérer des Irlandais ou des Anglais qu'ils disposent le grain de sable utile à la préservation de la souveraineté populaire.
Par Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes I. Les belles intentions du président laissent présager le pire en matière de respect des fondements mêmes de la Constitution.

Lors de sa conférence de presse du 8 janvier, Nicolas Sarkozy n'a pas manqué d'introduire son opération de communication par l'annonce d'une nouvelle révision de la Constitution. Le rapport sur la réforme des institutions commandé au comité Balladur n'a pas encore donné lieu à un projet abouti qu'il lui faut déjà créer un autre comité, présidé cette fois par Simone Veil, auquel sa feuille de route est également dictée.
Celle-ci n'est cependant pas du tout de la même nature que la précédente. La lettre de mission du comité Balladur concernait essentiellement l'aménagement des pouvoirs et contenait la ferme interdiction de modifier la responsabilité présidentielle et gouvernementale, de telle sorte qu'un changement radical de régime politique était a priori exclu.
L'enjeu de la nouvelle révision constitutionnelle annoncée est tout autre, et bien plus inquiétant. Il ne s'agit plus de modifier seulement les institutions de la cinquième de nos Républiques, mais de s'attaquer aux fondements de la République tout court, à travers une remise en cause des dispositions constitutionnelles de fond, et non plus des seules règles d'organisation. Le président Sarkozy prétend, en effet, vouloir s'en prendre maintenant au préambule de la Constitution dans lequel sont exposés la philosophie politique de la France et les droits et libertés des citoyens.
Le refus des déterminismes en question
C'est pour inscrire le régime dans la continuité républicaine que la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 avait prescrit au gouvernement du général de Gaulle de garantir dans le projet de nouvelle constitution les libertés essentielles reconnues à la fois par la Déclaration libérale de 1789 et le Préambule social de 1946. La cohabitation de ces deux références dans notre norme fondamentale n'a pas toujours été chose facile, et l'on se souvient des contorsions auxquelles dut se livrer le Conseil constitutionnel pour « concilier » le principe des nationalisations de 1946 et le droit de propriété réputé « inviolable et sacré » en 1789. L'affirmation conjuguée de philosophies prônant respectivement l'interventionnisme de l'Etat et son laisser-faire n'est pas évidente à appliquer, mais la République a pu gérer parallèlement les droits-libertés et les droits-créances, dès lors que l'universalisme issu des Lumières et de la Révolution demeurait commun aux deux types d'exigences. En effet, pour avoir revendiqué la prise en compte des conditions matérielles d'existence des individus, la philosophie socialiste n'en est pas moins restée fidèle au refus des déterminismes biologiques et ethniques, et de la prise en compte des origines et des « appartenances ». Libérale et/ou sociale, la République française a toujours constamment rappelé l'égalité des citoyens devant la loi « sans distinction d'origine, de race ou de religion » et « sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
Discrimination positive = discrimination négative
Or, c'est la négation de cette tradition républicaine que le président Sarkozy s'apprête à consacrer par une révision constitutionnelle qu'il présente abusivement comme un simple « rajout » de « nouveaux droits », alors que ceux-ci révèlent le mépris absolu des conceptions précédentes. Inscrire le « respect de la diversité » dans le préambule de la Constitution revient à anéantir l'égalité « en droits » proclamée en 1789, et à substituer l'homme situé et déterminé à l'homme libre qui s'auto-détermine. Il s'agit, bien entendu, de contourner, entre autres, la récente décision du Conseil constitutionnel jugeant les statistiques ethniques contraires à la Constitution. La discrimination positive, c'est-à-dire le passe-droit ethnique, qui se cache derrière le propos présidentiel, contredit en effet frontalement le préambule et l'article 1er de la Constitution actuelle. Ce procédé a récemment été décrit avec beaucoup de franchise (ou d'inconscience) par le Pdg de l'Oréal : « Lorsque nous rencontrons un candidat qui a un prénom d'origine étrangère, il a plus de chance d'être recruté que celui qui porte un prénom français de souche » (Le Monde du 13 juillet 2007). On ne saurait mieux démontrer que la discrimination positive à l'égard de l'un est une discrimination négative à l'égard de l'autre, évidemment contraire à l'éthique républicaine. Quant à l'égalité des sexes, elle est déjà inscrite dans le texte qui affirme que « la loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l'homme ». Mais on comprend bien que c'est l'égalité de fait et non de droit que vise la président de la République à travers une parité coercitive et liberticide parfaitement contraire à l'interdiction de catégorisation des citoyens maintes fois rappelée par le Conseil constitutionnel.
Une commission pour une trahison
Sans doute le président Chirac a-t-il déjà sournoisement entamé le processus de reniement du modèle républicain au point de susciter les remontrances d'Yves Guéna dénonçant des « coups de canif » dans la Constitution, tandis que Jean-Louis Debré déplorait « la République en morceaux », que Michel Charasse accusait « C'est la République qu'on assassine » et que Pierre Mazeaud, en son Conseil constitutionnel, s'escrimait à défendre « l'identité constitutionnelle de la France » contre toutes les formes de communautarisme. Mais le successeur de Jacques Chirac va plus loin en proposant effectivement un changement de civilisation renonçant à la philosophie des Lumières et à la Révolution pour revenir à la pensée réactionnaire de Joseph de Maistre : « J'ai vu des Français, des Italiens, des Russes, mais quant à l'homme je déclare ne jamais l'avoir rencontré de ma vie ». Les militants ethniques s'y sont d'ailleurs bien reconnus, en affûtant d'ores et déjà leurs amendements sur les langues minoritaires et régionales.
On a le droit de vouloir changer de civilisation, donc de constitution, en choisissant éventuellement le parti de la réaction, mais on ne peut bouleverser à ce point le contrat social d'un peuple sans qu'il y consente. Jamais, durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy n'a proposé aux Français l'abandon du modèle républicain qu'il n'a, au contraire, pas cessé de vanter. Il n'a donc pas été mandaté pour opérer ce bouleversement et une telle proposition nécessite assurément un référendum constituant. On sait que l'actuel président, contrairement encore à la tradition gaulliste, n'apprécie guère le procédé référendaire et préfère l'opinion au peuple, le sondage au suffrage, les scoops aux valeurs et la communication à la conviction. Il n'est pas certain, cependant, que le peuple français supporte une nouvelle fois la « trahison des clercs ».
Un rapport de la Direction générale du travail, révélé par Les Echos, épingle les secteurs qui ne respectent même pas le salaire minimum. Explication de la CFDT, qui promet des lendemains qui déchantent.

Plus d'un million et demi de salariés payés moins que le Smic, c'est possible, c'est légal et c'est même… courant ! C'est ce que révèle le rapport de la Direction générale du travail (DGT), selon Les Echos du 4 février. Sur les 45 branches examinées par la DGT, 35 utilisent des niveaux de rémunérations inférieures au salaire minimum. En tête du classement des secteurs épinglés par le rapport : le commerce alimentaire (640 000 salariés), les hôtels-cafés-restaurants (422 000 salariés), l'habillement (55 300) salariés, les grands magasins (43 000 salariés), mais aussi la chaussure, la parfumerie, les parcs de loisir ou encore l'édition. Motif ? Dans des branches comme le commerce alimentaire ou la restauration, le patronat entend ainsi protester pour obtenir certains allègements de cotisations. Contacté par Marianne2.fr, le Medef n'a pas souhaité s'exprimer. Le rapport de la DGT doit être soumis au partenaires sociaux vendredi prochain. Aline Levron, secrétaire nationale à la Fédération des services de la CFDT explique comment la condition des salariés a pu à ce point se dégrader.
Marianne2.fr : Comment est-il possible que des salariés soient employés à un salaire inférieur au Smic ?
Aline Levron : Le Smic est effectivement le salaire minimum, mais ces situations n'ont rien d'illégal. Elles adviennent dans des branches où les négociations sur la revalorisation des salaires n'ont pas abouti. Par exemple, chez les succursalistes de vêtements, il n'y a plus de possibilité d'augmentation des salaires depuis 2000. Dans la grande distribution, c'est la même chose depuis 2005. Ainsi, un salarié qui a été embauché au Smic en 2005 dans un hypermarché gagne 1243 euros alors que le Smic, en 2008, est de 1280,07. Comme il est interdit de payer les salariés moins que le salaire minimum, cette personne touche une « prime différencielle » de 37,07 euros qui comble la différence entre le Smic actuel et celui de 2005.
Donc, en réalité, ces salariés touchent bien le salaire minimum…
A.L. : Non, car cela signifie que leur ancienneté, entre autres, n'est pas prise en compte. Il n'y a plus de différence de salaire entre un gestionnaire de stocks qui peut revendiquer trois ans d'expérience, et une caissière nouvellement embauchée. Les salariés n'ont plus aucun intérêt à progresser dans l'entreprise. Ajoutez à cela qu'il s'agit de secteurs qui font énormément appel aux temps partiels. Chez les succursalistes de vêtements, dans la parfumerie ou la restauration, il faut gérer un flux de clientèle très variable. Dans la grande distribution, on recense 37% de temps partiels dans les hypers et plus de 70% dans le hard discount. Ces salariés touchent donc en réalité bien moins que le salaire minimum.
Il a fallu des années pour qu'on en arrive à cette situation. Ne faut-il pas y voir un échec du syndicalisme, incapable de faire valoir les revendications des salariés dans ces secteurs ?
A.L. :Non ! Nous avons poussé le dialogue jusqu'au bout. Ce rapport permet de mettre au grand jour des situations que nous avions déjà exposées. Mais jusque-là, les négociations s'étaient toujours faites en interne, secteur par secteur. Aujourd'hui, devant l'échec du dialogue, nous demandons à l'Etat d'intervenir. Avec les allègements de cotisations sociales, il dispose d'une manne énorme. Nous demandons au ministère du Travail de prendre ses responsabilités. La situation est extrême. Notre syndicat est résolument pour le dialogue, mais si ces négociations n'aboutissent pas, il faudra se résoudre à d'autres mouvements sociaux.