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Date :: 23/3/2012 12:00:02 (Mettre à jour)
Au cours d'une conférence de presse «off» en Inde, Nicolas Sarkozy a soutenu que «les Chinois» l'avaient élu homme de l'année. Une fanfaronnade de gamin.
Une discussion « off » à l'ambassade de France à New Delhi durant le deuxième jour du voyage officiel, le 26 janvier dernier. Trop de questions sur sa vie privée, trop de « où est Carla Bruni ? », trop de journalistes… Nicolas Sarkozy craque et s'attribue un palmarès médiatique international flatteur où culminent deux points : il assure avoir été « désigné homme de l'année par les Chinois » et apparaître dans la presse américaine « tous les jours depuis [son] discours au Congrès ». Le président français acclamé dans l'Empire du Milieu ? Une information d'autant plus discrète qu'elle n'est pas fondée.
Elu homme de l'année par un quotidien conservateur espagnol
La journaliste d'Associated Press (seule agence ayant relayé ces déclarations) explique que ce titre a été énoncé au cours d'une longue suite dont elle n'a relevé que deux éléments notables. Cette conférence de presse « off » réunissait plusieurs journalistes alors que se concluait la visite présidentielle en Inde. D'autres témoins de la scène confirment les dires du Président. Au service de communication de l'Elysée, personne ne semble savoir à quoi cette déclaration fait référence.
Plus gênant : l'ambassade de Chine en France assure qu'aucun sondage de ce type n'a été réalisé et ne trouve aucune allusion à un éventuel « concours » organisé par un titre de presse national ou régional. Cai Chongguo, dissident chinois habitant en France (et chroniqueur sur Marianne2.fr), a réagi à nos questions par un billet où il fait part de ses petites recherches : si le Président français fait la une de la presse dans son pays, ce n'est pas pour ses remarquables réformes mais pour son idylle italienne qui passionne les lecteurs asiatiques autant que les Européens !
Nicolas Sarkozy n'a cependant pas totalement inventé le titre : le quotidien conservateur espagnol El Mundo avait fait du chef de l'Etat « l'homme de l'année 2007 », lui consacrant un supplément spécial où il vantait « un leader fort pour la France et pour l'Europe. »
« Il n'aurait pas inventé ça, voyons ! »
Pourquoi se lancer dans une telle fanfaronnade face à un parterre de journalistes auxquels il pourrait prendre l'idée saugrenue de vérifier ces dires ? Selon les comptes-rendus, c'est pour se défendre de la surexposition de sa vie privée que Nicolas Sarkozy a survendu l'intérêt qu'on lui portait ailleurs. Parmi ses collaborateurs, la gêne sur la question est palpable : « Il n'aurait pas inventé ça, voyons ! ». Il ne reste plus aux Chinois qu'à tenir vite fait un jury populaire dans un gouvernement de province. En échange de quoi on trouvera sans doute un moyen de les remercier en offrant une nouvelle centrale nucléaire et un ou deux Rafales.
Marianne2 propose les meilleurs articles d'un numéro Ecole de Marianne réalisé par les étudiants de l'Institut pratique de journalisme. Aujourd'hui, une réflexion sur le modèle participatif des encyclopédies électroniques gratuites, par Camille Raynaud de Lage, Claire Pain et Xavier Demarle.


b[« Nous les considérons comme nos concurrents, mais je pense que nous les aurons littéralement écrasés d'ici cinq ans. » C'est ainsi que Jimmy Wales, cofondateur de Wikipédia, signait l'arrêt de mort des encyclopédies traditionnelles en 2004. Aujourd'hui, l'encyclopédie gratuite en ligne n'en est toujours pas venue à bout, mais a fait de sérieux dégâts. « Aucun éditeur n'est capable d'investir assez pour rivaliser avec Wikipédia », reconnaît Yves Garnier, chef du département Encyclopédie et Langue française chez Larousse. L'édition papier du Quid ne paraît pas cette année, après la division de ses ventes par trois depuis sept ans.
Et Wikipédia n'est pas seule à occuper le terrain. Outre Agora ou Citizendium, l'édition devra désormais composer avec Knol, (de l'anglais knowledge, la connaissance), l'encyclopédie de Google qui sera mise en ligne courant 2008. Contrairement à Wikipédia, elle sera écrite par des experts et financée par la publicité. Mais jusqu'à présent, le principe des encyclopédies gratuites est d'être participatif. L'utilisateur enrichit le contenu grâce à ses compétences et sa culture. L'objectif : l'accès à la connaissance pour le plus grand nombre. Cette démocratisation du savoir doit-elle être encouragée ou n'est-elle qu'une utopie ?
Faire descendre le savoir de son piédestal
Pratiques et populaires, les encyclopédies gratuites en ligne ont apparemment tout pour séduire. Dès sa création en 2001, Wikipédia affichait l'idéal d'un savoir partagé à l'échelle planétaire. A ce jour, le site rassemble une pyramide monumentale de connaissances. La version française ne regroupe pas moins de 600 000 articles. Ses fondateurs ont décrété que sa qualité, devait à terme, être équivalente à celle de la prestigieuse et élitiste Encyclopaedia Britannica. Pour y parvenir, Wikipédia a misé sur l'autogestion. Si des parasites viennent polluer le site avec leurs erreurs, les autres contributeurs sont censés corriger l'anomalie. D'un accès facile, Wikipédia est aujourd'hui disponible dans 171 langues. La recette aurait plu à Diderot, l'inventeur de l'Encyclopédie, qui devait selon lui « rassembler les connaissances éparses sur la terre, en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et les transmettre à ceux qui viendront après nous ».
La gratuité libère le savoir, le fait descendre de son piédestal. « Elle ne bénéficie pas qu'aux utilisateurs. En étant diffusé au plus grand nombre, le savoir ne peut que s'enrichir, se développer », s'enthousiasme Jean-Louis Sagot-Duvauroux, philosophe, auteur d'essais sur le concept de gratuité. « Il faut que les connaissances soient échangées pour que puissent naître d'autres découvertes. Le savoir clos dans une propriété privée est voué à rester improductif pour l'humanité. » La gratuité de l'accès et la jouissance du savoir procurent un sentiment d'appartenance à un groupe, ajoute-t-il. « Elle crée des solidarités entre ses membres, rapproche les individus, jette les bases d'une communauté. De la même manière que la gratuité du système scolaire en France a contribué à forger l'identité de la nation. » Toutefois, Jean-Louis Sagot-Duvauroux regrette que la gratuité soit uniquement accessible via Internet, une barrière pour les populations défavorisées qui n'ont pas le moyen de s'y connecter... Premier coup porté à la sacro-sainte démocratie dont chacun aujourd'hui se targue.
« Fiabilité et neutralité ne sont pas assurées »
Pierre Assouline s'insurge contre l'idée de « démocratie participative appliquée à l'encyclopédie. Avec Wikipédia, c'est le dernier utilisateur qui modifie le texte qui a raison. » Un professeur de philosophie, usant du pseudonyme Alithia, renchérit : « L'expert est réticent à écrire sur Wikipédia car son travail peut être massacré par un amateur, sous prétexte que la collectivité a tous les droits ». Sur son blog Wikipedia-un-mythe, Alithia pointe les erreurs et lacunes du site qu'il considère comme une « pseudo-encyclopédie où la quantité des articles prime sur leur qualité, et où leur fiabilité et neutralité ne sont pas assurées ». Pierre Assouline et Alithia s'accordent aussi sur le manque de hiérarchisation des connaissances. Pour le journaliste-écrivain, « il est regrettable que l'anecdotique côtoie l'essentiel ».
C'est aussi l'avis de Jean-Noël Jeanneney, historien et ancien président de la Bibliothèque nationale de France, qui, dans son ouvrage Quand Google défie l'Europe, déplore que tous les sujets soient mis sur le même plan, sans hiérarchie. A écouter Raymond Trousson, biographe de Diderot, il ne faut pas confondre encyclopédie collaborative et encyclopédie tout court : « Wikipédia est en construction permanente, ce qui est la meilleure et la pire des choses, tandis que la base même de l'Encyclopédie de Diderot, c'est l'organisation du savoir. » Quelle crédibilité accorder à Wikipédia quand n'importe qui peut ajouter des erreurs, volontaires ou non ? La pseudo-vigilance des administrateurs ne suffit pas pour garder un œil sur les 30 000 modifications effectuées chaque jour dans les pages en français. Pierre Assouline en a fait l'expérience lorsqu'il a dirigé l'enquête de quatre étudiants à Sciences Po. En insérant volontairement des erreurs, restées des mois sur le site, ils ont prouvé que les corrections arrivent souvent trop tard… Les inexactitudes ont déjà eu le temps de se propager sur d'autres sites, à coups de copier-coller sans jugement. L'anonymat des contributeurs est l'une des principales critiques adressées à Wikipédia. Michel Serres, lui, s'en réjouit : « Dans Wikipédia, la vérité est rétablie par des correcteurs anonymes et libres. C'est une entreprise qui m'enchante. » Et le philosophe de citer en exemple une phrase de la biographie de Saint-Paul, assurant qu'il vendait dans sa jeunesse des glaces à la vanille dans le New Jersey. Enormité réparée par un internaute vigilant en moins d'une heure et demie. Florence Devouard, présidente de la Wikimedia Foundation, (association éditrice du site) botte en touche face aux critiques avec une certaine mauvaise foi : « Les encyclopédies traditionnelles, même si elles sont écrites par des experts, contiennent aussi des anomalies et sont moins facilement mises à jour. Du coup, les erreurs restent plus longtemps ».
Utopie bien-pensante
Knol, projet du géant Google, en alliant l'actualisation facilitée par Internet et les signatures d'experts, pourrait réconcilier détracteurs et partisans de Wikipédia. Une combinaison qui ne rassure pas les éditeurs d'encyclopédies traditionnelles, déjà ébranlés. Toutes se sont mises à la version numérique, telles Universalis, Hachette, Robert, Larousse… Mais quel que soit le format, celles-ci restent payantes. « Chez Larousse, défend Yves Garnier, nous engageons une responsabilité idéologique et scientifique de nos contenus. Il y aura toujours une légitimité de l'éditeur. » Barbara Cassin, philosophe et linguiste, ne pense pas que « le Net tue le papier. Chacun a ses propres avantages, on les consulte différemment ». Et l'auteur du Vocabulaire européen des philosophies d'ajouter qu'elle a présenté elle-même sur la Toile des extraits de son dictionnaire, de manière différente.
Pourtant, le Net a déjà fait des victimes. La version papier du Quid n'aura pas survécu à la montée en puissance des encyclopédies participatives, proposant un condensé d'informations similaire. La production et le partage du savoir prônés par Wikipédia pourraient bien en faire d'autres. Jean-Noël Jeanneney met en garde. « Wikipédia est une belle idée que l'on peut saluer, mais qui souffre de reposer sur trois utopies : la gratuité, l'objectivité et l'autogestion du savoir. » Il faut avant tout éviter de porter aux nues cette « utopie bien-pensante », selon l'expression du philosophe Pierre-André Taguieff. Et cesser de croire que « tout le monde peut s'exprimer sur tout, ce qui est une illusion de notre temps », ajoute Yves Garnier. Si la démocratisation de la connaissance a commencé, elle n'a produit pour l'instant qu'un savoir bas de gamme, une vérité malléable que chaque utilisateur peut réécrire à sa guise.
Par Philippe Bilger, magistrat. Où l'on découvre qu'une société qui perd ses bonnes manières y gagne en verité.

Grâce à Jean-Pierre Raffarin, j'ai appris une belle citation, de Voltaire étonnamment : « La gentillesse est une qualité de l'intelligence ». Une telle référence fait douter de ce qu'on avait tendance à croire et qui excusait la méchanceté parce que, plus que son contraire, elle démontrerait l'alacrité d'esprit.
Aujourd'hui, Voltaire serait déçu par une société qui fait aussi peu dans l'intelligence que dans la gentillesse. Dans tous les domaines, politique, culturel et médiatique, on a décidé de ne plus faire semblant. J'ai recueilli quelques exemples qu'il ne me semble pas absurde de relier pour en tirer une leçon. On ne retient plus ses coups, on les assène.
Un collectif anonyme - Philippe Le Bel - vient d'écrire un brûlot moins contre TF1 qu'à l'encontre de son présentateur emblématique PPDA et de Robert Namias. Ce qui frappe le plus dans cette charge ciblée, c'est l'indulgence à l'égard d'une Claire Chazal qui ne pâtit jamais des effets de sa complaisance et de sa compétence très relative, grâce à une pipolisation fabriquée pour sa sauvegarde, à chaque risque de lucidité. Sur Canal Plus, le président du Conseil Constitutionnel confirme qu'il n'apprécie pas du tout le style de présidence de Nicolas Sarkozy. On se souvient encore de l'algarade qui n'a pas fait dans le raffiné entre BHL et Henri Guaino. Lors d'une émission animée par Paul Amar, à ma grande stupéfaction, celui-ci, généralement courtois, a voulu se « payer » Eric Zemmour dont le roman lui avait déplu. Mais la réplique a été foudroyante. L'auteur a gagné aux points. Le conflit entre Bartabas et la ministre de la Culture - je n'évoque pas les scandaleuses destructions causées par le premier - a pris un tour inusité, tant les échanges ont été rudes et sans fard. Enfin, dans cette liste volontairement hétéroclite, qui pourrait être plus longue, il faut compter les derniers éclats de Jacques Attali.
Finis le ton suave, les gracieusetés, le policé
Je n'ai pas à discuter la qualité du rapport qu'il a remis au président de la République et qui constitue la synthèse d'un immense travail. On a le droit de se soumettre ou non au diktat de Jacques Attali qui enjoint de prendre tout ou de laisser. On peut aussi choisir les propositions qui agréent, au détriment des inutiles, utopiques ou paradoxales. Ce n'est pas cela qui me passionne. C'est la réaction d'un Jacques Attali nouveau - en tout cas dans ses manifestations publiques et médiatiques - face aux attaques. Finis le ton suave de l'essayiste, le discours clair et pédagogique de l'homme invité par les radios et les chaînes de télévision pour nous expliquer à sa manière l'avenir - et force est de reconnaître, quand on l'entend, qu'on ne regrette pas Edgar Morin -, finies les gracieusetés d'une personnalité à la fois courtisane et courtisée, un pied dans le Pouvoir, l'autre dans les arts au goût du jour et la tête dans les étoiles, fini le policé. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire Le Figaro du 25 janvier sous la plume de Judith Waintraub. Avant même le massacre que je vais dire, il avait vertement remis à sa place le présentateur David Pujadas sur France 2 et démoli un reportage. Jacques Attali s'en prend à Jean-Pierre Raffarin dont la façon de gouverner a été « un désastre » et la critique « minusculement parisienne » - c'est Jacques Attali qui le dit, vous ne rêvez pas ! -, il qualifie sans équivoque Claude Goasguen « d'imbécile », distille un venin plus subtil à l'encontre d'Elie Cohen accusé d'être jaloux et, enfin, pour faire aussi bonne mesure à gauche, il ridiculise François Hollande. Mais dit du bien de Ségolène Royal.
Faut-il mettre cette libération de la parole, cette violence seulement sur le compte d'une susceptibilité blessée, tellement habituée à l'éloge qu'elle ne supporte plus l'ombre d'une réserve ? D'une personnalité ayant dû tellement flatter François Mitterrand et se battre pour maintenir à ses côtés une place d'élection qu'aujourd'hui, il est inconcevable qu'elle n'en recueille pas les fruits ? Tellement accordée à toutes les puissances que la possibilité d'un dissentiment n'est même plus envisageable ? Et si c'était plus profond ? Si Jacques Attali, au-delà de l'offense, s'inscrivait dans un courant qui réunit ceux qui ne cherchent plus à simuler ? La société n'est-elle pas en train de changer, pour le plus grand bonheur de l'authenticité, quoi qu'on pense du fond des diatribes, en n'hésitant plus à montrer les crocs et à remplacer les précautions de langage par un langage sans précaution ?
Que les tièdes se rassurent. Les opportunistes, les prudents, les gentils par nature ou par tactique continueront à imposer leur douce et malfaisante emprise. Pour parler net, de leur part - et j'en ai évoqué certains dans mes billets - la gentillesse ne sera pas une qualité de l'intelligence, tout simplement parce que celle-ci fera défaut. La gentillesse orientée devient alors le seul moyen de séduire pour les médiocres que l'arrivisme et l'appétence de gloire démangent.
Sur ces explosions qui semblent nous faire entrer dans une nouvelle ère, une analyse mérite d'être faite, sans que je prétende formuler autre chose que des hypothèses.
Une guerre où les mots sont des armes
La violence des sujets eux-mêmes entraîne souvent une vigueur, une ardeur qui lui ressemblent. Il y a une contagion du fond sur la forme des interlocuteurs. Pour Eric Zemmour, les thèmes brûlants qu'il a mis en roman touchent de si près les tréfonds intimes, la vision du monde de chacun, qu'ils créent presque nécessairement un antagonisme où les contradicteurs jettent dans l'empoignade ce qu'ils sont, davantage que ce qu'ils pensent. Ce sont les êtres qui sont condamnés à se battre, plus seulement les esprits.
Je continue à percevoir que la parole présidentielle - et j'inclus beaucoup dans « parole », j'y mets aussi le style, les relations avec les proches, les ministres, les conseillers, les autres chefs d'Etat - s'étant libérée, elle a ouvert les vannes de la société pour le meilleur et pour le pire. L'exemple venant d'en haut, la France du bas ou des côtés s'est engouffrée dans le même exercice. La vérité du président, sa volonté de ne plus rien cacher ont fait école subtilement ou ostensiblement. Il y a dans l'exigence de vérité une violence, presque une destruction des rapports civilisés avec autrui. La vie sociale et intellectuelle n'est plus une guerre en dentelle mais une guerre où les mots sont des armes. On a fui la convention pour la tension.
Sans doute aussi, à force, ces mondes où l'apparence s'évertuait à démentir les conflits profonds, où la tape sur l'épaule était destinée à masquer le mépris secret, ont-ils pris conscience de l'absurdité de telles attitudes ? Le médiatique, de ses superficielles connivences et de ses cruautés constantes ? Le politique, de ses compagnonnages de surface mais de ses haines étouffées ? Le culturel, de ses grotesques embrassades et de ses inimitiés vigilantes ? Le judiciaire, de sa façade unie mais de ses coulisses agitées ? La société, de sa gentillesse vaine et de son désir de vérité ? Elle en avait assez de faire la belle alors qu'elle ne rêvait que de faire la bête.
On peut déplorer cette tendance que je crois décisive. Elle ne résulte pas seulement de foucades individuelles. Le vernis craque, les crocs se montrent, reste à favoriser le bon usage de cette authenticité. J'espère que ce mouvement décapant va freiner la dérive vers la judiciarisation forcenée de la pensée. Plus la pensée se judiciarise, plus une société s'aseptise. J'irai jusqu'à soutenir que cette judiciarisation manifeste le vice d'une démocratie qui ne sait plus penser et qui, pour compenser, s'obsède sur les modalités d'un exercice devenu impossible pour elle. Peut-être la violence assumée, la vigueur désirée vont-elles nous délivrer de la liberté jugée et de l'irrévérence sanctionnée ?
Il ne faut pas avoir peur d'une société qui aspire à devenir plus vraie. Donc plus rude.
Qui montre ses crocs.
Les deux intervieweurs de nos « matinales » sont à fleuret moucheté et ne perdent pas une occasion de se tirer dans les pattes. Entre gens bien élevés quand même…

Cette semaine, sur son blog, Jean-Michel Aphatie, rapportait que Jean-Pierre Elkabbach était du voyage présidentiel en Inde. Non pas, comme la candeur journalistique aurait pu l'entendre, dans la « délégation presse » mais dans la « délégation officielle » du Président. De ceux qui marchent dans les pas du Prince, en espérant être sur la photo. L'information n'a suscité aucune réaction…
On connaissait Sarko, dans le rôle du conseiller en ressources humaines d'Elkabbach. A l'époque, c'était en février 2006, le patron d'Europe 1 avait demandé conseil à Nicolas Sarkozy avant de choisir un journaliste politique chargé de suivre le ministre de l'Intérieur. L'information avait suscité quelques remous à Europe 1, c'est bien le moins. Elkabbach, de son côté, avait expliqué au Canard Enchainé que « tout cela ne pesait pas très lourd ». Question de point de vue.
Désormais, les libertés prises par le « plus grand intervieweur de France » avec la déontologie ne semblent que provoquer l'indifférence. Que dire ? Le journalisme de cour serait-il devenu la norme ou bien la profession s'est-elle lassée des mœurs politico-journalistiques de Jean-Pierre Elkabbach ?
Passage de témoins ou meurtre du Père
L'information ne surprendra personne, Jean-Pierre Elkabbach aime fréquenter les grands de ce monde, surtout en qualité de visiteur du soir ou d'invité particulier du dimanche. L'intéressé range sa carte de presse, puisque là, on est entre amis. Les dialogues, notes et autres tête-à-tête pourront toujours servir à la rédaction d'un livre d'un autre temps politique. Quand l'information ne fera plus événement, rangée au registre de l'anecdote historique.
Malgré ses multiples casquettes, président de Public-Sénat, directeur général d'Europe 1, administrateur de Lagardère Active, jusqu'à preuve du contraire l'intervieweur des matinales d'Europe 1 est, pourtant, encore officiellement journaliste.
Déjà, en février 2006, lors du Grand Journal, sur Canal Plus, Jean-Michel Aphatie s'était interrogé sur une vidéo disponible sur le site d'Europe 1 qui montrait Jean-Pierre Elkabbach et François Fillon entrer dans un bureau, évoquant d'éventuelles difficultés de cohabitation avec Nicolas Sarkozy… La vidéo s'arrêtait net, provoquant quelques interrogations de la part de Jean-Michel Aphatie. Jean-Pierre Elkabbach avait alors demandé à intervenir en direct dans l'émission pour rectifier les supputations de l'intervieweur des matinales de RTL.
Visiblement, nos deux réveils matinaux aiment à se titiller. Les psys du dimanche nous diraient qu'Aphatie, postulant à son tour au titre « d'intervieweur le plus redouté de France » cherche à tuer le père et que le meilleur moyen est encore d'appuyer là où ça fait mal. De rappeler combien, Elkabbach représente désormais le journalisme de Grand-Papa quelque part entre Drucker et Zitrone, quand Aphatie, incarnerait « le journalisme du 21ème siècle ». Journaliste politique multimédia, impertinent le matin, diariste taquin sur son blog, chroniqueur souriant, hâbleur et bon public, toujours dans le tempo des applaudissements, exceptionnellement à l'aise dans l'infotainment, le soir face aux caméras, entre RTL et Canal-Plus, la France d'en bas et les bobos, les grosses têtes et les guignols, le parlement et les soirées people.
Le grand écart, c'est tout un art...
Elkabbach dans la délégation présidentielle
Evoquant son confrère d'Europe 1, Jean-Michel Aphatie s'interroge sur son blog à propos de cette excursion en Inde: « N'était-il pas, géographiquement et donc professionnellement, passé de l'autre côté de la barrière, c'est-à-dire exactement à l'endroit où les journalistes ne devraient pas être? A la page 18 d'un traité de l'hypocrisie qui reste à écrire, on pourrait lire que poser les questions, c'est y répondre. Voilà pourquoi, justement, les questions sont posées » explique le journaliste de RTL.
Jean-Pierre Elkabbach, c'est un fait, ne fait plus partie de ceux qui posent des questions au Président. Il ne fait pas encore partie de ceux qui y répondent, comme d'autres, avant lui, « passés de l'autre côté de la barrière ».
Jean-Michel Aphatie, un brin énervé, n'a pas souhaité commenter plus avant son billet ni que soit évoquée la conversation téléphonique qu'il a eue avec Marianne2.fr. Dont acte. C'est que, sans avoir l'air d'y toucher, Jean-Michel Aphatie donne, avec un certain brio, dans la rhétorique sarkozyenne : formuler une question pour expliquer qu'il serait grand temps de se la poser, en évitant soigneusement d'y répondre simplement, tout en anticipant la critique principale qu'elle mériterait de se voir adresser. C'est que toutes ces questions sont autant de mises en cause, mais pour sûr, dans l'art de l'esquive, Jean-Michel Aphatie n'est pas un perdreau de l'année. Une façon comme une autre de rester prudent. On n'est jamais à l'abri d'une dernière taloche du Père…
Dans une lettre-testament envoyée mercredi aux membres du Bureau de la Société des rédacteur, le Président démissionnaire dresse un portrait accablant des actionnaires externes. Le Monde est plus que jamais dans la crise.

Le conflit du Monde est difficile à décrypter pour un observateur externe. Mais faire un effort vaut le coup. Non seulement parce qu'il s'agit du destin de l'un des seuls journaux français indépendants, mais aussi parce que restituer les éléments de la bataille du Monde permet d'accèder à un drame shakespearien de haute portée sociale. Rappel du dernier épisode : vendredi 25 janvier, les actionnaires externes, à l'exception notable de Claude Perdriel, le patron du groupe Nouvel Observateur, ont soumis les journalistes de la SRM à une forme de pression, de chantage, disent les journalistes, inédite dans l'histoire de l'institution, en exigeant la démission de ses fonctions de Jean-Michel Dumay, le chef de la Société des Rédacteurs du Monde (SRM), premier actionnaire du groupe.
Cette démission était exigée en échange de la promesse de voter pour élire Eric Fottorino à la tête du Directoire du Groupe. Mais cette promesse aurait-elle été tenue ? Cette question a fait l'objet d'un débat houleux de plusieurs heures : les membres de la SRM étaient persuadés qu'une fois Dumay poussé à la démission, Minc et ses amis refuseraient de voter pour Fottorino, afin de mettre le groupe Le Monde entre les mains du tribunal de commerce, ainsi que le souhaitait Alain Minc depuis le début, ce qui aboutirait à une prise de contrôle par les groupes Lagardère et Prisa. Comment expliquer sinon l'acharnement d'Alain Minc à exiger que la démission de Dumay soit actée avant le vote pour ou contre Fottorino ? Quoiqu'il en soit, Claude Perdriel, bientôt suivi par d'autres actionnaires, a refusé le procédé. Il s'en est suivi une grande confusion aboutissant à un vote simultané, Béatrice Gurrey tenant fermement la lettre de démission jusqu'à l'enregistrement du vote en faveur de Fottorino, au milieu des cris et des hurlements…
La réunion du Conseil de surveillance du 25 janvier, pour laquelle des patrons de grands groupes tels Didier Quillot de Lagardère Active et d'autres pointures du CAC 40 ont dû poireauter plusieurs heures, restera comme un haut fait de l'histoire du capitalisme français…
Minc en difficulté
Avec sa démission immédiate de la SRM, annoncée lundi 28 janvier par Jean-Michel Dumay (voir encadré), le conflit interne au quotidien risque de rentrer dans une nouvelle dimension. Le geste d'un Jean-Michel Dumay à bout de nerfs, largement fondé sur les pressions psychologiques auxquelles il est quotidiennement soumis depuis plusieurs mois, a surpris, y compris ses confrères du bureau de la SRM. Il prend à contre-pied tout ce qui se dit depuis des mois parmi les actionnaires externes du groupe Le Monde, et rend difficile, après une telle démission, de continuer à présenter le patron de la SRM comme un activiste assoiffé de pouvoir. En outre, la démission de JMD, au lieu de libérer Alain Minc, le met en difficulté :
1) Dans son interview à Libération, le Président du Conseil de surveillance du Monde, qui refuse de répondre aux questions de marianne2, avait indiqué qu'il voulait bien démissionner si Dumay quittait la présidence de la SRM. JMD compte bien le mettre en demeure vendredi, lors du prochain Conseil de surveillance, de tenir son engagement.
2) Le geste de Dumay, son refus de rester dans une logique de conquête du pouvoir, a fait basculer en sa faveur toute l'opinion interne au groupe. «Si on votait aujourd'hui, 80% des journalistes plébisciteraient Dumay», explique un journaliste assez réaliste sur les rapports de force internes. Mardi 29 janvier, les syndicats du pôle magazine du groupe, généralement plutôt chiches à l'endroit de la SRM, ont publié un communiqué de soutien à Dumay.
3) La pression interne au Monde en faveur du départ de Minc devient très forte. Un texte exigeant son départ circule. Les journalistes, qui étaient 150 à la réunion d'information de mardi 29 janvier, sont partagés entre la colère et le découragement, voire le dégoût devant le comportement des actionnaires internes et la « victoire de Minc ». Les membres de la SRM doivent même retenir leurs troupes qui ont envie d'en découdre, voire de s'en prendre à Eric Fottorino accusé, jusque sur les murs de l'ascenseur, d'avoir trahi les journalistes. Le nouveau patron du Monde aura fort à faire avec une société des rédacteurs qui sera plus que jamais encline à surveiller de près sa gestion. « Nous allons entamer les discussions sur le plan d'économies et la recapitalisation va démarrer dans les pires des conditions », analyse un syndicaliste du groupe.
4) Il n'est pas impossible que certains actionnaires externes, qui critiquent volontiers Minc dès que ce dernier a le dos tourné, le poussent également à la démission, le départ simultané de Minc et de Dumay offrant, seul, une garantie d'apaisement.
Prenant les devants devant la colère qui monte à son endroit, Alain Minc a fait dire qu'il était prêt à partir s'il avait la garantie de la démission effective et immédiate de Dumay.
Un vaisseau sans capitaine ?
Qui le remplacera ? Certains membres du Conseil de surveillance semblaient désigner Jean-Louis Beffa de Saint Gobain, comme un successeur provisoire possible de Minc. Mais, violemment mis en cause pour son comportement lors du Conseil de surveillance de crise du 25 janvier, Beffa risque de ne pas recueillir les suffrages des actionnaire internes et notamment de la SRM, encore sous le choc après la démission de Dumay.
Ce dernier a écrit mercredi après-midi une nouvelle lettre circonstanciée aux membres du Bureau de la SRM, lettre dans laquelle il dénonce Alain Minc, mais aussi Jean-Louis Beffa, Pierre Lescure et Régis de Larouillère, qui continue de siéger alors qu'il a été limogé pour faute grave par Méderic, la mutuelle qui l'employait, aujourd'hui dirigée par Guillaume Sarkozy. Dumay annonce qu'il envisage de donner des suites judiciaires à ec qu'il considère comme un «viol de conscience.» Dans sa conclusion, Jean-Michel Dumay déclare que, compte tenu des conditions dans lesquelles il a été élu, il ne reconnaît plus Eric Fottorino comme patron légitime. Sa lettre, une sorte de testament politique, fait penser à la blague dans laquelle Sarah, l'épouse de Moshé, ferme la fenêtre après avoir dit à son voisin David que Moshé ne pourrait pas le rembourser et déclare à son époux : « Tu peux te recoucher et dormir. Maintenant, c'est lui qui ne dormira plus. » Contraint de livrer à la SRM un testament douloureux, Dumay offre à la SRM la redoutable mission de s'avérer digne de lui…
Bref, à l'heure qu'il est, on ne sait toujours pas qui va tenir le gouvernail du Monde.
Le conseil de surveillance ? En cas de confirmation de la démission de Minc, tout l'enjeu est de savoir qui va le remplacer. Les candidats acceptables par Minc – Pierre Lescure (qui siège au Conseil de surveillance du groupe Lagardère) hier, à présent Jean-Louis Beffa – ainsi que ceux qu'il a récusés – Mathieu Pigasse notamment – semblent se neutraliser. Les actionnaires internes pourraient soutenir Claude Perdriel comme « pape de transition » jusqu'à la désignation d'un nouveau Président une fois le plan de restructuration (plusieurs dizaines de suppressions d'emplois) et l'éventuelle recapitalisation adoptés.
La vice-présidence du groupe, c'est à dire le nouveau gestionnaire ? Eric Fottorino doit en théorie valider la candidature de David Giraud, l'ancien directeur général des Echos, dernier candidat en lice, alors qu'Alain Minc soutenait lui, Pierre-Jean Bozo, du groupe Vingt Minutes.
La Société des rédacteurs ? En principe, une fois la démission de Dumay effective, Béatrice Gurrey, vice-presidente en prendra la rênes.
Dans ce maelstrom, Il faut craindre que la bataille entre Minc et Dumay se poursuive, via des proches des deux protagonistes. Si ce conflit a revêtu, en apparence, une dimension personnelle aigüe, il symbolise aussi une bataille frontale entre une certaine idée du journalisme et une certaine idée du capitalisme.
Retrouvez les précédents épisodes du feuilleton du Monde:
Le 26 janvier
Le 16 janvier
Le 11 janvier
Le 21 décembre

La lettre envoyée lundi 28 janvier par Jean-Michel Dumay aux membres de la SRM
Bonjour à tous,
Suite au communiqué interne d'Eric Fottorino et à ses déclarations dans la presse de ce jour et compte tenu de ce que j'ai vécu, vendredi 25 janvier, au conseil de surveillance, je vous informe, comme je viens de le faire auprès du conseil de gérance de la SRM ce midi, que je remettrai mon mandat de président à la disposition de celui-ci à l'issue des prochains conseils de surveillance des sociétés Le Monde et partenaires associés (LMPA), Le Monde SA et Société éditrice du Monde (SEM). J'annoncerai alors ma démission du poste de vice-président de ces conseils.
Vendredi, me refusant la confiance sur des perspectives d'apaisement que j'avais proposées en toute sincérité à Etienne Pflimlin, j'ai dû signer sous la contrainte d'administrateurs externes dits « partenaires », et sous la forme d'une lettre à Eric Fottorino, un engagement de ne pas accepter de nouveau mandat de président ou de vice-président de la SRM en juin 2008, de sorte que je ne puisse plus siéger au conseil de surveillance. Cet engagement contraint, imposé avant le vote, a été la résultante d'un marchandage de plus de six heures dont le premier terme devait être ma démission au 31 mars, date de départ d'Alain Minc. Faute de quoi, Eric Fottorino n'aurait pas été nommé.
Si j'ai effectivement évoqué la perspective de mon départ lors des réunions internes/externes des 17 et 19 janvier, je devais pouvoir garder, en tout état de cause, la maîtrise de mon choix et de la date de ce départ « le moment venu ». N'étant pas spécialement accroché au pouvoir (j'ai suffisamment combattu ceux qui s'y accrochaient pour m'en préserver), je considérais qu'une nouvelle phase pouvait s'ouvrir dès lors qu'une série de dossiers allaient être bouclés (stabilité de la gouvernance, plan de redressement écartant tout recours à la recapitalisation massive Lagardère-Prisa).
A plusieurs reprises, dans les jours qui ont précédé l'assemblée générale de la SRM, j'ai indiqué à Eric Fottorino, et en présence de témoins, qu'il était hors de question de lier ce départ à une quelconque date, et a fortiori à celle du départ d'Alain Minc. La survie de celui-ci à son poste ne tient qu'au protocole d'accord qu'il a signé afin d'éviter les poursuites judiciaires que les sociétés de personnels s'apprêtaient à engager pour contester son élection. Mon départ ne pouvait être que librement consenti et non constituer une monnaie d'échange: le prix à payer de mes convictions, qui m'ont semblé, ces derniers mois, être majoritairement les vôtres.
Or vendredi, une demi-heure avant le conseil de surveillance, et donc après notre assemblée générale de jeudi, Eric Fottorino, accédant enfin à notre demande de connaissance des trois conditions précises sur lesquelles il s'était engagé pour obtenir le soutien des administrateurs externes, dont Alain Minc, nous a montré, à Béatrice Gurrey et à moi-même, une feuille A4 intitulé « protocole d'accord » : au deuxième point figurait que je devais moi-même « personnellement m'engager » à quitter mes fonctions de président de la SRM au 31 mars. Au troisième point que la commission chargée d'examiner une éventuelle recapitalisation allait plancher sur l'exacte proposition faite par Lagardère-Prisa de rachat des ORAs susceptible de nous faire perdre le contrôle du groupe.
Je n'ai pas à juger les engagements pris par Eric Fottorino en mon nom et sans mon accord. S'il m'avait clairement montré ce que demandaient les administrateurs externes, notamment le point 2, pour qu'il lui accorde leur soutien, je n'aurais pas accepté les termes du protocole qui lui avait été soumis.
Si je n'ai plus ni estime ni confiance dans les administrateurs externes qui étaient présents vendredi, j'exprime en revanche ma reconnaissance à Claude Perdriel qui a refusé le chantage qui m'était fait.
Je me retire donc.
Tout d'abord, parce qu'il me semble impossible que la fonction de président de la SRM puisse être entaché par un quelconque choix imposé par des administrateurs tiers. C'est une question de souveraineté. Ensuite, parce que seul ce geste, libre, peut à mes yeux effacer l'indignité qui m'a été imposée, c'est-à-dire la signature forcée au bas de mots qui n'étaient pas les miens, ce viol de ma conscience. Après ce qui s'est passé, j'ai terriblement besoin de liberté et d'indépendance.
Je remercie du fond du coeur celles et ceux qui m'ont accordé tout au long de ces derniers mois leur confiance et adressé leurs témoignages de sympathie. Je remercie les membres du conseil de gérance de la SRM pour leur soutien constant, la richesse de leurs opinions et leur attachement au dialogue.
Je remercie tout particulièrement Marie-José Gallard (Société des personnels du Monde), José Bolufer (Société des cadres du Monde), Dominique Gallois (Société des personnels du Monde), Valérie Hurier et Frédéric Théobald (Société civile des personnels de PVC), ainsi que Béatrice Gurrey (vice-présidente de la SRM ). Je pense également à Claire Ané (Société des rédacteurs du Monde Interactif) et Eric Maurice (Société des personnels de Courrier international). Et je n'oublie pas Olivier Clerc (Société des journalistes de Midi libre), qui a dû emprunter, je le regrette, un chemin divergent.
Je suis fier d'avoir travaillé auprès d'eux, toutes ces semaines, à rapprocher nos points de vue et mis nos énergies au service d'un même combat.
Ce combat, il est celui de l'indépendance économique du groupe, seule garante de l'indépendance éditoriale de nos titres et de nos sites. Il incarne nos valeurs, nos principes et notre engagement à promouvoir une information libre et de qualité.
Sauf décision contraire du conseil de gérance, je souhaite pouvoir rester simple cogérant le temps de terminer mon mandat. Je pourrai ainsi continuer de représenter la SRM au Forum des Sociétés de journalistes, dont je suis le président. Il y a là, dans cette instance, des collègues dont les sociétés jouissent de bien moins de droits que la nôtre, de belles personnalités que j'ai découvert récemment, toute entière dévouées à la promotion d'une information indépendante et de qualité.
Puisque, y compris dans l'esprit du nouveau président du groupe, directeur du journal, je serai seul facteur de crise, ayant "mis le Monde, ces derniers temps, en situation critique" (Le Figaro de ce jour), je souhaite que mon départ procure au conseil de surveillance l'apaisement que certains administrateurs externes souhaitaient. Puisse-t-il abonder dans le sens d'une pacification des relations entre la SRM et le directoire qui semblait, lors de l'assemblée générale de la SRM du 24 janvier, la seule condition sur laquelle Eric Fottorino s'était engagé.
Je laisse enfin le président du conseil de surveillance Alain Minc face à ses déclarations à Libération le 17 janvier -et aux promesses d'engagement de départ qu'elles contiennent - ou, ce que je crois plus probable, au déshonneur de ne pas tenir parole.
Très amicalement,
Jean-Michel Dumay
Et,
La letttre ouverte de Jean-Michel Dumay, le 30 janvier, aux sociétés actionnaires du groupe Le Monde
Mesdames, Messieurs,
Je vous confirme que je remettrai mon mandat de président de la Société des rédacteurs du Monde (SRM) à disposition de son conseil de gérance à l'issue des prochains conseils de surveillance des sociétés Le Monde et partenaires associés (LMPA), Le Monde SA et Société éditrice du Monde (SEM), soit compte tenu de la date programmée, si elle est maintenue, vendredi 1er février. Je démissionnerai donc de mon poste de vice-président du conseil de surveillance de ces sociétés.
Je sors progressivement de l'état de sidération et de destruction personnelles dans lequel m'ont plongé les six heures de chantage auquel m'ont soumis les administrateurs externes, dits "partenaires", à l'exception de Claude Perdriel, présents au conseil de surveillance du 25 janvier. Ceux-ci me demandaient de signer ma démission au 31 mars en échange de la nomination d'Eric Fottorino, faute de quoi le tribunal de commerce nous était promis.
Je n'arrive pas encore trop à comprendre comment un homme aussi respectable que Jean-Louis Beffa, président d'un grand groupe industriel français (Saint-Gobain), envers lequel j'avais de l'estime et de la confiance, ait pu, six heures durant, sous la contrainte, tenter de m'extorquer ma signature, et finalement réussir, en vue d'une renonciation - celle de mon mandat de président de la SRM et de vice-président du conseil de surveillance. Ces faits, pénalement répréhensibles, me laissent sans voix. Quelle entreprise, quel conseil d'administration, accepteraient qu'un administrateur représentant une poussière de capital force le représentant de l'actionnaire de référence à abréger son mandat? Au nom de quoi ai-je été une monnaie d'échanges?
Je n'arrive pas plus à comprendre comment Pierre Lescure, homme réputé des médias, et Régis de Laroullière (anciennement Médéric) ont pu, par leur demande conjointe et leur silence, se rendre complices d'un tel acte.
Je m'interroge encore sur la réalité des mandats de vote, avec injonction que je démissionne, qu'auraient donnés Etienne Pflimlin (Crédit Mutuel) et Marie-Louise Antoni (Generali), selon des informations communiquées vendredi. Le 17 janvier, tous deux avaient nié, devant les représentants des sociétés de personnels, avoir procédé à un quelconque chantage de la sorte. De même, il m'est difficile de penser que Pierre Richard (Dexia) et Mario Colaiacovo, avec lesquels j'entretenais des rapports cordiaux, se soient fait complices, quoique absents, de cet odieux marchandage.
Encore abasourdi par la violence du procédé, j'oscille entre la rage et la volonté d'obtenir réparation par des voies judiciaires et le dégoût profond, mêlé d'indifférence, qui me pousse à passer outre et voir au-delà.
Cependant, mise à part ce viol de ma conscience, je souhaite attirer votre attention sur l'atteinte faite au-delà de ma personne à notre collectivité, la Société des rédacteurs du Monde, et au-delà encore à toutes les sociétés de personnels actionnaires du groupe.
En me recevant dans une salle adjacente au conseil, et en me forçant à signer un quasi-acte de réddition, Jean-Louis Beffa a délibérément nié notre qualité d'actionnaire de référence. Cette négation signe, à mes yeux, le mépris dans lequel les administrateurs externes qui se sont liés à cette opération tiennent l'actionnariat salarié, et peut-être, plus spécifiquement, les rédacteurs du Monde. En ce sens, je considère que la violence faite à ma personne est une violence faite à la collectivité toute entière des 1600 salariés.
Je laisse à leurs auteurs le soin d'évaluer le préjudice causé par cette violence et la manière la plus digne de la réparer.
Je leur suggère néanmoins une voie: s'engager dès à présent à écarter le projet de recapitalisation Lagardère-Prisa par rachat des ORAs dont le seul objet est, par l'intermédiaire d'un chantage à l'emploi, de faire perdre au groupe son indépendance économique. Ce projet, destructeur, n'a été mis sur pied que par esprit de vengeance pour marginaliser définitivement les Sociétés de personnels, majoritaires au capital de la holding.
Sachez enfin que la nomination d'Eric Fottorino ayant reposé sur la conclusion d'un pacte secret conclu entre le président du conseil de surveillance représentant les administrateurs externes et le candidat, je considère comme nulle et non avenue la délibération du conseil de surveillance du 25 janvier relative à sa nomination. Il apparaît, en effet, que les assemblées générales des sociétés de personnels, qui n'ont pas eu connaissance de ce pacte secret avant de se prononcer, ont été trompées et que leur consentement a été vicié.
Il appartiendra à chaque société de personnels de définir l'attitude qu'elle entendra prendre vis-à-vis de ces faits.
Pour ma part, sachez que je ne reconnais ni l'autorité, ni la légitimité d'Eric Fottorino à présider le groupe.
On ne construit pas l'avenir sur un mensonge, fût-il par omission. On ne le construit surtout pas sur cette base dans une entreprise de presse où la vérité doit être recherchée.
Un journaliste doit dire la vérité quoiqu'il lui en coûte, disait Hubert Beuve-Méry, surtout s'il lui en coûte.
Bien amicalement,
Jean-Michel Dumay
Les manifestations de taxis bloquent les principales grandes villes de France. Un spectacle silencieux et saisissant. Tout en images.













Avec i>Télé, la chronique de Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction de Marianne. On ne plaisante plus. Quand la crise économique et les élections sont là, la droite au pouvoir met son mouchoir sur ses convictions libérales et retrouve ses vieux réflexes interventionnistes.

On ne plaisante plus. Quand la crise économique et les élections sont là, la droite au pouvoir met son mouchoir sur ses convictions libérales et retrouve ses vieux réflexes interventionnistes. Ainsi les députés et sénateurs en lice pour les municipales ont-ils fait savoir à Matignon et à la présidence qu'il n'était pas question, mais pas un instant, de toucher aux professions que la commission Attali veut remettre en cause (pharmaciens, notaires, coiffeurs, avoués, chauffeurs de taxi…). Le maire de Marseille est candidat à sa succession, Jean-Claude Gaudin a ainsi promis qu'il irait défendre la noble cause des taxis devant le président monarque en personne. Il ne sera pas tout seul…
Les députés UMP ont réservé un accueil très froid à Jacques Attali, et inversement fait un triomphe hier en réunion de groupe, d'abord à Claude Goasguen, traité d'imbécile par le premier. « Nous sommes tous des Goasguen », ont-ils scandé, avant d'applaudir leur collègue marseillais Guy Teissier qui se gaussait du « rapport Attila», trouvait inconséquent que le gouvernement puisse s'attaquer à quelques semaines des municipales aux coiffeurs et aux taxis qui passent leur journée à parler, ce qui revient à fabriquer des agents électoraux négatifs particulièrement actifs. Les taxis n'ont même pas besoin de descendre dans la rue puisqu'ils y sont déjà ! Le très libéral Jean-François Copé, président du groupe UMP, incitait lui aussi « à la prudence » en rappelant l'effet désastreux qu'avait eu l'annonce de la TVA sociale lors des dernières législatives. Bref, les audaces libérales devront être repoussées à plus tard.
Mais les élus et le gouvernement aussi, ainsi que le président vont, dans l'affaire de la Société Générale, encore plus loin dans leur retour aux conceptions interventionnistes. Car rares sont les députés qui osent désormais prôner le laisser faire, laisser passer. La plupart sont d'accord avec Nicolas Sarkozy pour « appuyer sur le bouton », comme ils disent, pour faire sauter le patron de la Société Générale dont le sort dépend en principe du seul conseil d'administration de la banque. Ce retour de d'influence de la puissance étatique dans le jeu bancaire aurait d'abord un objectif protectionniste puisqu'il s'agit d'éviter une OPA hostile sur la troisième banque française qui est au cœur de notre système économique. Pour y résister, il vaudrait mieux un patron tout neuf, tout beau qui ne soit pas affaibli par ces faramineuses fraudes internes. Et François Fillon a rappelé hier encore que l'Etat s'opposerait à toute prise en mains étrangères comme l'avait annoncé Henri Guaino, le conseiller spécial du président qui avait juré que « la France ne resterait pas les bras croisés ». Ainsi, les Français peuvent-ils croire que le chef d'Etat bouge les bras et les mots, qu'il se soucie à nouveau d'eux et non plus de son seul bonheur personnel et qu'il n'est pas seulement l'ami satisfait des riches qui s'enrichissent, qu'il s'occupe vraiment des affaires du pays et des Français. Mais peut-il vraiment quelque chose pour moraliser les marchés, pour contrôler le néocapitalisme financier international qui semble hors d'atteinte de la puissance nationale ? L'hyperprésident ne serait pas l'hyperimpuissant. Les sarkozystes tentaient de le faire croire, expliquant, comme le porte-parole de l'UMP Yves Jégo, que Nicolas Sarkozy était « le seul avec son énergie à pouvoir obtenir plus de clarté, plus de transparence ». Le seul à pouvoir exiger, imposer le contrôle sur le marché ! Les voilà qui parlent même de morale, d'éthique, comme au temps d'autrefois où tout était surveillé sinon impulsé par l'Elysée.
La gauche, elle, se moquait de cette découverte tardive du rôle nécessaire du pouvoir central, des Etats et de la morale dans un monde immoral. Mais chacun, quelque soit son parti, se demandait bien s'il était encore temps pour le politique d'intervenir sur des mécanismes qui leur ont largement échappé. On promettait à gauche, comme à droite !, de sortir de l'incantation et du prêche romantique. En dépit de l'absence de résultats, du mini-sommet européen de Londres, on voulait encore y croire. On promettait de faire demain des groupes d'études qui livreraient des propositions concrètes… de contrôle international du néocapitalisme financier. Les politiques juraient qu'ils pourraient encore avoir du pouvoir, les libéraux ont retrouvé des vertus à la puissance étatique qu'ils n'avaient cessé de vouloir réduire. Et Jean-François Copé proposait même que les traders, particulièrement exposés au stress, fasse l'objet d'un suivi psychologique très vigilant. Et pourquoi pas les politiques aussi ? Et les journalistes ? Et les psychologues eux-mêmes ? Et… ?
Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris, journaliste et écrivain. Les dirigeants de banques vivent avec l'espoir fou de contrôler le risque.

Peut-on contrôler la finance internationale, et les agissements des banques ? Donc à Londres se sont réunies les quatre Grands, italien, Allemand, Anglais, et Français. Le Français a dit : «Il est temps de mettre de la transparence, des nouvelles règles prudentielles dans les systèmes financiers, et de préférer prêter de l'argent à celui qui entreprend et crée de la richesse plutôt qu'à celui qui veut acheter pour dépecer et spéculer.» C'est une magnifique question posée par le président français, déjà posée en 1944 par le Général de Gaulle et en 1981 par François Mitterrand. Si l'on regarde l'exposé des motifs des lois qui nationalisèrent le système bancaire en France en 1944 et en 1981, on est frappé par la similarité des objectifs invoqués : mettre la Banque au service de l'entreprise. Faire de la banque un simple outil, un simple intermédiaire, sans plus, qui favorise les créateurs de richesse.
Ce qui pose la question de savoir ce qu'est une banque ? Une société qui n'a pas un sou, qui emprunte de l'argent pour le re-prêter, et, au passage, prend sa petite commission. Elle transforme de l'argent que vous déposez à vue, au jour le jour, en des prêts à 20, 30 ans ou plus. Elle transforme l'instant en de la durée. Mais une banque doit-elle spéculer ? On peut imaginer que son travail de spéculation soit marginal, et en tout cas totalement séparé de la gestion paisible en bonne mère de famille des économies des bons pères de familles. Et qu'elle n'utilise pas les économies des épargnants pour spéculer. Or aujourd'hui, la spéculation représente (je parle de la Société Générale) près de la moitié de ses profits ! Or, à la différence du joueur du Casino, qui sait au fond, qu'il ne gagnera pas, la Banque elle, croit qu'elle domine le risque, Voilà sa grande candeur, sa naïveté, et sa faute majeure, ses dirigeants croient qu'elle domine le risque par ses techniques de prévision, ses modèles mathématiques et ses nouveaux produits financiers. Elle construit donc une gigantesque industrie du risque, une industrie financière, elle fabrique du risque pour tuer le risque, elle chasse par la porte le risque qui revient par la fenêtre. A qui profite la spéculation ? Aux spéculateurs. D'abord et surtout aux spéculateurs.
Le dicton du jour : toujours un dicton de mon ami banquier : «si les petits prêteurs arrivent en Bourse, alors il est temps d'en partir.»
Retrouvez « L'autre économie » de Bernard Maris, en direct sur France Inter, du lundi au vendredi à 6h49.
Par Christian Hutin, député du Nord (MRC), qui voit dans le « mini traité » européen de Nicolas Sarkozy une vol de la souveraineté du peuple, et réclame un référendum.

Les raisons de refuser ce traité sont nombreuses mais je n'en citerai que quelques unes qui me paraissent fondamentales.
Il y a tout d'abord une question de morale et de conviction personnelle. Depuis Maastricht, je me suis toujours opposé aux différents textes qui furent présentés aux suffrages des Français. Certainement pas par opposition à la fraternité des nations entre elles et aux projets qu'elles peuvent mener ensemble, mais justement parce que je considère que ce n'est pas en dépossédant les peuples de leur souveraineté, et donc de leur liberté, que nous ferons progresser la démocratie. Or, aujourd'hui, je constate que l'Union européenne est incapable de transformer en pouvoir démocratique les transferts de souveraineté que consentent à faire les États membres. Cette machine à défaire de la démocratie au profit d'un pouvoir technocratique, certes compétent, mais détaché de la légitimité populaire ne mène qu'à une impasse politique.
La situation de l'Euro en est la caricature. Sans contrôle politique, voilà une monnaie qui met en évidence les très fortes distorsions qui existent au sein des différentes économies européennes. Certes, la France a des faiblesses, mais elle a aussi des atouts. Un euro à 1,5 dollar est un boulet, pas seulement pour la France dont le tissu économique, l'histoire économique et sociale, ne sont pas ceux de l'Allemagne. La crise financière qui secoue actuellement les places boursières ainsi que l'attitude de la Banque centrale européenne illustrent hélas cet état de fait.
Ensuite, je me suis battu avec le MRC, aux côtés de Georges Sarre et Jean-Pierre Chevènement, pour la victoire du « non » le 29 mai 2005. Je ne vois donc pas pourquoi je changerai de point de vue aujourd'hui. « Mini traité » ou « traité simplifié » me dit-on. Allons ! Qui peut croire pareil mensonge? La quasi intégralité du Traité constitutionnel européen se retrouve dans celui de Lisbonne. De l'aveu même de Valéry Giscard-d'Estaing qui est venu le dire devant les députés à l'Assemblée nationale le 16 janvier dernier. Tout y est, sous forme d'amendements, d'annexes ou de renvois aux textes déjà existants. C'est en réalité d'une maxi traîtrise dont il s'agit.
L'argumentation de Nicolas Sarkozy ne tient pas une seule seconde à un examen critique digne de ce nom. Il nous avait dit qu'il ferait voter par voie parlementaire son « traité simplifié ». Mais de qui se moque-t'on ? Ce texte illisible est indigeste (256 pages). Ensuite, comment accepter de renoncer à un référendum sur un texte qui n'existait même pas au moment où la promesse a été faite? Autrement dit, il a demandé aux Français : « faites-moi confiance, faites-moi un chèque en blanc, j'ai entendu votre message du 29 mai, je saurai respecter votre vote ». Et bien, cela est faux, et Nicolas Sarkozy a menti. En aucun cas, nous n'avons à nous sentir tenu par cet engagement de campagne, car seul ce qu'un référendum a fait, un référendum peut le défaire. De plus, accepter ce genre d'argument, c'est en réalité renoncer à l'idée même de s'opposer à la politique de Nicolas Sarkozy. Si certains renoncent, surtout à gauche, en ce qui me concerne ainsi que mes amis du MRC, ce n'est pas le genre de la maison.
Il convient donc de respecter la volonté du souverain, c'est-à-dire du peuple. Il ne s'agit pas d'un simple « règlement intérieur » pour faciliter le fonctionnement des Institutions européennes, car toutes les objections que nous pouvions faire à la Constitution européenne, nous pouvons les faire au Traité de Lisbonne. A celles et ceux qui pourraient me considérer comme archaïque, pour lesquels la souveraineté populaire ne compte pas, je pose simplement deux questions : si ce n'est pas le peuple qui est le souverain, alors qui l'est ? Et si le peuple n'est pas le souverain, peut on se considérer comme des femmes et des hommes libres ?
Or la gauche, ou en tout cas une partie d'entre elle, n'a rien à gagner à poursuivre le mélange des genres et à s'allier avec les forces les plus libérales, qui voient dans la construction européenne actuelle leur triomphe idéologique.
Tout comme je me suis opposé le 15 janvier à la révision de l'article 15 de la Constitution, je m'opposerai le 4 février prochain à la réforme de notre loi fondamentale. De même, à l'Assemblée Nationale je voterai contre la ratification du Traité de Lisbonne.
Voir la fiche de Christian Hutin sur le site de l'Assemblée nationale
Avec i>Télé, la chronique de Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction de Marianne.

C'est un dimanche sombre qu'à vécu hier l'UMP car les électeurs ont « partiellement » confirmé l'humeur mauvaise des sondés. L'électorat de droite en effet a commencé de se détourner du pouvoir alors que celui de gauche est mobilisé. C'est le premier « krach » du sarkozysme.
Un « sarkokrach » d'abord dans son propre fief, les Hauts-de-Seine, puisque dans cette circonscription où se tenait donc une législative partielle, le candidat de l'UMP, Jean-Pierre Schostek, a perdu 2 points alors que celui du PS, Philippe Kaltenbach, en gagnait 7 d'un coup ! ll est vrai que ce dernier bénéficiait de l'absence d'un représentant des Verts qui, en juin dernier, avait dépassé les 3 % des voix. Il n'empêche. Alors que la gauche est dans l'état de déliquescence que l'on sait, du moins sa direction, alors qu'elle persiste à s'abîmer dans des bisbilles internes, des querelles fratricides d'hommes et de femmes, la mobilisation de ses électeurs s'amplifie! La gauche vote socialiste en dépit des socialistes…
Pour preuve de ce mouvement, l'autre élection partielle qui se tenait à Chartres, en Eure-et-Loir, où la candidate PS, Françoise Vallet, est arrivée en tête avec un gain de 13 points par rapport à juin dernier, devançant ainsi le député sortant et maire de Chartres UMP, Jean-Pierre Gorges, qui, lui, en perd 4 ! Les cantons ruraux se sont tout particulièrement mobilisés pour la représentante socialiste qui, comme dans les Hauts-de-Seine, a mené une campagne très forte pour le pouvoir d'achat et contre Sarkozy. « Ca impacte », comme on jargonne aujourd'hui.
Ca fait en tout cas mal, très mal. « « Pendant que vous vous serrez la ceinture, Sarkozy se fait péter la sous-ventrière. » « Vous vivez mal, il fait la fête. » Les attaques font mouche. Sa récente correction d'image n'a pas eu d'effet. Les uns ressortent son « auto-augmentation de salaire vertigineuse », les autres « ses vacances de milliardaires », les autres encore « ses amours paillettes de star aux mœurs trop légères pour un chef d'Etat », et tous ont retenu cette phrase qui lui revient en boomerang : « Je ne peux pas puiser dans les caisses puisqu'elles sont vides ». En ajoutant : « Elles ne sont pas vides pour lui ». Sarkozy, « le président du bonheur pour lui-même » s'est donc fait le meilleur agent électoral de la gauche qui a désormais rodé sa thématique offensive de campagne : « un pouvoir de riche qui ne sert que les riches et ne tient pas ses promesses sur le pouvoir d'achat » alors que l'UMP ne trouve pas ses argumentaires ni ses marques.
« Quand on vante le bilan, le courage du gouvernement sur la réforme des régimes spéciaux, des retraites par exemple, se désole un membre du staff élyséen, on nous renvoie toujours aux retraites des petites gens qu'on n'a pas augmentées, contrairement à nos engagements, ou à la franchise médicale ou à la hausse de l'essence. On n'échappe pas au pouvoir d'achat ».
Alors dans l'état-major de l'UMP où l'on guettait ces résultats, on n'a pas été très surpris, mais le moral est en berne. On s'attend à ce que la perte de confiance sur la marché électoral se traduise par la perte d'au moins un député sinon des deux. D'autant que le Modem continue à réaliser des scores plus que respectables, 18 % dans l'Eure-et-Loir, 7 % dans les Hauts-de-Seine. C'est important non seulement pour Bayrou qui ne disparaît pas du paysage politique, contrairement à ce qu'espérait l'UMP, mais aussi pour la gauche qui peut bénéficier du report d'une bonne partie de ses voix pour les scrutins partiels comme pour les municipales à venir.
Chacun regarde ces deux circonscriptions avec cette échéance dans la tête. Si la poussée du PS se confirme au second tour, si elle est encore renforcée par l'apport bayrouiste, alors dimanche prochain sera vraiment un dimanche noir. La dynamique de victoire va passer à gauche. Sarkozy ne sera plus le chef magique, porte-bonheur, alchimiste moderne des succès électoraux. On est superstitieux en politique. Un chef ne saurait porter la poisse.

Le climat de campagne s'alourdit ainsi encore davantage pour les candidats de l'UMP. Les pieds, les bras, les cœurs se feront plus lourds et les municipales risquent de se transformer en débâcle nationale si Sarkozy n'invente pas quelque chose. Ca ira encore plus vite… dans le décor avec des publicités comme celle de Ryanair, publiée dans Le Parisien, qui utilise la félicité du couple présidentiel pour vendre ses billets d'avion à tarif réduit. « Comme ça, toute ma famille peut venir assister à mon mariage », dit dans une bulle Carla Bruni. Il y en a pour qui ça vole… d'autres pas. Voilà une campagne qui, dans la campagne, tombe mal, très mal pour l'UMP.